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27/08/2015 | FRANCE | N°15LY01118

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 27 août 2015, 15LY01118


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2014 du préfet de la Drôme refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant, comme pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai, le pays dont il a la nationalité (Guinée) ou tout pays pour lequel il établit être légalement admissible et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 57 000 euros en réparati

on des préjudices financier et moral qu'il soutient avoir subis du fait des refus de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2014 du préfet de la Drôme refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant, comme pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai, le pays dont il a la nationalité (Guinée) ou tout pays pour lequel il établit être légalement admissible et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 57 000 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'il soutient avoir subis du fait des refus de séjour qui lui ont été successivement opposés et du comportement du préfet de la Drôme.

Par un jugement n° 1407494 du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 31 mars 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 avril 2015, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 mars 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 57 000 euros en réparation de ses préjudices ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il remplit toutes les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en particulier, son identité et son âge sont suffisamment établis par les pièces qu'il produit ; à cet égard, faute d'avoir procédé à des vérifications utiles auprès des autorités guinéennes conformément à l'article 47 du code civil, le préfet n'apporte pas la preuve de la fraude documentaire alléguée ; le motif tiré de ce qu'il ne justifie pas suivre depuis au moins six mois une formation professionnelle qualifiante est illégal ainsi que l'a jugé le tribunal administratif ; le maintien, non démontré, de liens avec son père ou ses frères ne peut suffire à justifier un refus de titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français l'empêchera de revenir en France et de poursuivre son intégration, alors qu'il a droit au séjour en application de l'article L. 313-15 du code précité ;

- il est recevable et fondé à demander l'indemnisation de ses préjudices ; en effet, le préfet est à l'origine de la résiliation de son contrat d'apprentissage, du découragement de son employeur et, par suite, d'une perte de salaire d'un montant de 10 900 euros pour l'année 2014/2015 ainsi que d'une perte de chance sérieuse de formation professionnelle ; en faisant obstacle à son inscription à la préparation de l'examen du permis de conduire, le préfet lui a fait perdre 410 euros d'arrhes ; il va en outre perdre les avantages qui lui étaient accordés en tant que jeune majeur sous contrat ; enfin, il a également subi un lourd préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2015, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête, en renvoyant à ses écritures de première instance.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 avril 2015.

II°) Par une requête, enregistrée le 21 avril 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 avril 2015, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement du 5 mars 2015 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour et de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il reprend, à l'appui de sa requête, les mêmes moyens que ceux visés ci-avant, invoqués dans le cadre de la requête enregistrée à la Cour sous le n° 15LY01118.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2015, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête, en renvoyant à ses écritures de première instance.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meillier,

- et les observations de MeA..., représentant M.B....

1. Considérant que les requêtes n°s 15LY0118 et 15LY01346 de M. B...sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que M. C...B..., ressortissant guinéen qui indique être né le 16 mai 1996, est entré en France, selon ses déclarations, le 3 septembre 2012 ; que, par jugement du 24 octobre 2012, le tribunal pour enfants de Valence l'a confié aux services de l'aide sociale à l'enfance ; qu'il a sollicité le 12 septembre 2013 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 25 juin 2014, le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et a fixé son pays de destination ; que, par jugement du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Drôme de réexaminer la situation de l'intéressé ; que, par arrêté du 2 décembre 2014 pris en exécution de ce jugement, le préfet de la Drôme a de nouveau refusé de délivrer à M. B...un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a désigné, comme pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai, le pays dont il a la nationalité (Guinée) ou tout pays pour lequel il établit être légalement admissible ; que, par jugement du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. B...tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2014 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 57 000 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'il aurait subis du fait des refus de séjour qui lui ont été successivement opposés et du comportement du préfet de la Drôme ; que M. B...relève appel de ce jugement ;

Sur la requête n° 15LY01118 :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 2 décembre 2014 :

S'agissant du refus de titre de séjour :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ;

4. Considérant que le préfet de la Drôme a relevé, d'une part, que si M. B...a été inscrit en contrat d'apprentissage entre le 23 septembre 2013 et le 13 août 2014, il n'établissait cependant pas avoir suivi une quelconque formation depuis cette dernière date et, d'autre part, qu'il n'était pas isolé en Guinée, où résident encore d'après ses déclarations son père et deux frères ; que le préfet a estimé que, dans ces conditions et au regard notamment des liens de M. B... avec son pays d'origine, il n'y avait pas lieu de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, d'une part, que le refus opposé à M. B...sur le fondement de l'article L. 313-15 précité n'est pas fondé sur l'existence d'une fraude documentaire de nature à remettre en cause son âge et à faire regarder comme non remplie la condition relative au fait pour l'intéressé d'avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix huit ans ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que, faute d'avoir procédé, conformément à l'article 47 du code civil, à des vérifications utiles auprès des autorités guinéennes, le préfet n'apporterait pas la preuve d'une telle fraude documentaire doit être écarté comme inopérant ;

6. Considérant, d'autre part, que si M. B...soutient que sa mère est décédée en 2009 et que son père, disparu plusieurs années auparavant, ne s'est jamais manifesté, il ne justifie toutefois pas du caractère inexistant de ses liens avec son père ; que s'il prétend qu'il n'entretient plus de relation particulière avec ses frères et s'il produit un rapport de situation rédigé le 19 août 2013 par le foyer Matter de Montélimar faisant état de l'absence d'information concernant ses frères, le préfet produit en revanche une fiche, signée par l'intéressé, faisant état de la présence de son père et de ses deux frères en Guinée ainsi qu'un rapport de situation en date du 23 avril 2014 indiquant que M. B...a obtenu des nouvelles de ses frères vivant en Guinée et qu'il projetait de se rendre dans ce pays afin de les retrouver ; qu'ainsi, M. B... n'est pas dépourvu de liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ; que, dans les circonstances de l'espèce, s'agissant d'un cas de délivrance d'un titre de séjour prévu " à titre exceptionnel ", l'autorité administrative a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser, pour ce seul motif, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas également fondé sur l'autre motif, tiré de ce que ce que l'intéressé ne suit plus aucune formation depuis le 13 août 2014 ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner la légalité de cet autre motif et d'apprécier en particulier s'il pouvait être opposé à l'intéressé alors que son contrat d'apprentissage, conclu pour une période du 23 septembre 2013 au 15 juillet 2015, a été résilié par son employeur à la demande de la préfecture à la suite du précédent arrêté du 25 juin 2014 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, ultérieurement annulé par le tribunal administratif de Grenoble, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions dudit article L. 313-15 doit être écarté ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant, en premier lieu, que le préfet disposait d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier si la situation de M. B...justifiait la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, M. B...ne peut utilement soutenir, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français contestée, qu'il aurait dû se voir attribuer de plein droit un titre de séjour en application de l'article L. 313-15 ;

8. Considérant, en second lieu, que M.B..., âgé de dix huit ans et six mois à la date de l'arrêté attaqué, n'est entré en France que deux ans auparavant, à l'âge de seize ans et cinq mois ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, il n'est pas dépourvu d'attaches en Guinée, où il a vécu jusqu'à son arrivée en France ; que, contrairement à ce qu'il soutient, l'obligation de quitter le territoire français n'a ni pour objet ni pour effet de le priver de toute possibilité de revenir en France ; que, dans ces conditions, et alors même que l'intéressé a fait preuve d'une volonté d'insertion sociale, culturelle et professionnelle, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prenant à son encontre cette mesure d'éloignement ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnité :

9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) " ; que si M. B...produit un courrier daté du 5 décembre 2014 intitulé " demande préalable indemnitaire ", il ne justifie pas, ainsi que le préfet de la Drôme l'a fait valoir devant les premiers juges, de la réception de cette demande par l'administration ; que, dès lors, les conclusions à fin d'indemnité présentées devant le tribunal administratif de Grenoble étaient irrecevables et la fin de non-recevoir opposée, à titre principal, en première instance par le préfet de la Drôme doit être accueillie ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

11. Considérant que le présent arrêt de rejet n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. B...doivent être rejetées ;

Sur la requête n° 15LY01346 :

12. Considérant que la cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 15LY01118 de M. B...tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 15LY01346 de M. B...tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

13. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante ou son conseil du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. B...doivent, dès lors, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 15LY01118 de M. B... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 15LY01346 de M.B....

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2015 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 août 2015.

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N°s 15LY01118,15LY01346


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01118
Date de la décision : 27/08/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

60 Responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : JEAN-YVES BRET -PATRICK BERAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-08-27;15ly01118 ?
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