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21/07/2015 | FRANCE | N°13LY02417

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 juillet 2015, 13LY02417


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Retia a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2011 par lequel le préfet de l'Isère lui a imposé des prescriptions complémentaires relatives aux objectifs et aux travaux de réhabilitation de son ancien site industriel de Brignoud.

Par un jugement n° 1104923-1104928 du 5 août 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés l

es 4 septembre et 20 décembre 2013, et un mémoire enregistré le 17 juin 2015, la société Retia, r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Retia a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2011 par lequel le préfet de l'Isère lui a imposé des prescriptions complémentaires relatives aux objectifs et aux travaux de réhabilitation de son ancien site industriel de Brignoud.

Par un jugement n° 1104923-1104928 du 5 août 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés les 4 septembre et 20 décembre 2013, et un mémoire enregistré le 17 juin 2015, la société Retia, représentée par la SCP UGGC Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1104923-1104928 du tribunal administratif de Grenoble du 5 août 2013 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2011 par lequel le préfet de l'Isère lui a imposé des prescriptions relatives aux objectifs et aux travaux de réhabilitation de son ancien site industriel de Brignoud ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le jugement s'est fondé sur un moyen qui n'avait pas été soulevé par l'administration ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé dès lors qu'il lui impose le respect de certaines teneurs résiduelles en polluants sans tenir compte de l'usage affecté au site ainsi que de remédier à des pollutions qui ne sont pas rattachables aux activités qu'elle a exercées sur ce site ;

- l'arrêté litigieux a été édicté en méconnaissance des règles de consultation du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) dès lors que l'arrêté définitif a été pris près d'un an avant sa consultation, avec un projet différent et sans que la version définitive du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ne lui soit communiquée ;

- les mesures qui lui sont imposées ne présentent aucun lien avec les activités classées qu'elle a reprises ;

- l'arrêté litigieux fixe des délais qui sont manifestement insuffisants pour se conformer aux obligations prescrites.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 décembre 2013, 19 mars 2014 et 26 juin 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- concernant la légalité externe et interne de l'arrêté attaqué, il y a lieu de se reporter aux observations du préfet en première instance ;

- la société Retia n'établit pas l'apport partiel d'actifs qu'elle revendique ; en tout état de cause, les activités reprises présentent un lien de connexité avec les activités polluantes ;

- la société requérante est tenue de remettre en état le site.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courret,

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public,

- et les observations de Me Clément, représentant la société Retia.

1. Considérant que la société Retia relève appel du jugement du 5 août 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2011 par lequel le préfet de l'Isère lui a imposé des prescriptions complémentaires relatives aux objectifs de travaux de réhabilitation de son ancien site industriel de Brignoud ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;

3. Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par la société Retia, ont suffisamment motivé leur jugement en indiquant, notamment, que l'arrêté litigieux était suffisamment motivé en droit et en fait et que la société requérante doit être regardée comme étant l'ayant droit, pour la branche d'activité de fabrication du polychlorure de vinyle, quel que soit le procédé de fabrication utilisé, de la société Arkema au regard des pollutions générées par cette activité sur le site de Brignoud ; que si la société Retia met en cause l'insuffisante motivation de ce jugement en faisant valoir que l'arrêté litigieux impose le respect des teneurs résiduelles en polluants dans le sol et les eaux souterraines sans apporter aucune justification aux seuils retenus et que la pollution au mercure et au plomb n'est pas rattachable à l'activité de fabrication de polychlorure de vinyle (PVC) qu'elle a reprise, ces éléments se rattachent à la contestation du bien-fondé du jugement ; qu'en outre, le jugement, qui a clairement exposé le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire prévue pour la consultation du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, a mentionné que l'absence de communication à cet organisme de l'arrêté attaqué ne peut être regardée, en l'espèce, comme ayant eu une influence sur le sens de la décision prise et comme l'ayant privée d'une garantie ; qu'en conséquence, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté ;

4. Considérant que contrairement aux allégations de la société Retia, les premiers juges, en prenant en compte la liste des arrêtés préfectoraux, jointe à la déclaration de changement d'exploitant de la SAS Retia du 9 septembre 2005 qui mentionne un arrêté en 1999 relatif à la " mise en oeuvre de mesures conservatoires visant à circonscrire la pollution au mercure " qui constitue une pièce du dossier qui lui a été régulièrement communiquée, n'ont pas soulevé un " moyen " qui n'aurait pas été débattu contradictoirement ;

Sur la légalité de l'arrêté du 7 juillet 2011 du préfet de l'Isère :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 512-31 du code de l'environnement : " Des arrêtés complémentaires peuvent être pris sur proposition de l'inspection des installations classées et après avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. Ils peuvent fixer toutes les prescriptions additionnelles que la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 rend nécessaires ou atténuer celles des prescriptions primitives dont le maintien n'est plus justifié. L'exploitant peut se faire entendre et présenter ses observations dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article R. 512-25 et au premier alinéa de l'article R. 512-26.(...). " ; qu'aux termes de l'article R. 512-39-5 du même code : " Pour les installations ayant cessé leur activité avant le 1er octobre 2005, le préfet peut imposer à tout moment à l'exploitant, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article R. 512-31, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, en prenant en compte un usage du site comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation. " ; qu'aux termes de l'article R. 512-25 dudit code : " (...) Le demandeur a la faculté de se faire entendre par le conseil ou de désigner, à cet effet, un mandataire. Il est informé par le préfet au moins huit jours à l'avance de la date et du lieu de la réunion du conseil et reçoit simultanément un exemplaire des propositions de l'inspection des installations classées. " ; qu'aux termes de l'article R. 512-26 de ce code : "Le projet d'arrêté statuant sur la demande est porté par le préfet à la connaissance du demandeur, auquel un délai de quinze jours est accordé pour présenter éventuellement ses observations par écrit au préfet, directement ou par mandataire. (...). " ;

6. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que celui-ci énonce de manière particulièrement détaillée les considérations de droit et de fait qui en sont le support ; que si la société requérante fait valoir que cet arrêté lui impose le respect de certaines teneurs résiduelles en polluants sans tenir compte de l'usage affecté au site ainsi que de remédier à des pollutions qui ne sont pas rattachables aux activités qu'elle a exercées sur ce site, ces éléments sont relatifs au bien-fondé de l'arrêté ; que, par suite, le moyen tiré d'une motivation insuffisante doit être écarté ;

7. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est toutefois de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie ; que la société Retia fait valoir que l'arrêté litigieux, édicté près d'un an après la consultation du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, a été ultérieurement modifié et que cet arrêté vise un rapport du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dont la version définitive ne lui a été communiquée qu'après cette consultation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces circonstances ont été susceptibles d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou aurait privé la requérante d'une garantie ;

8. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 512-6-1 du même code : " Lorsque l'installation soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme et, s'il ne s'agit pas de l'exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation. " ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative peut prendre à tout moment à l'égard de l'exploitant d'une installation classée dont l'exploitation a cessé, les mesures qui se révéleraient nécessaires à la protection des intérêts énumérés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, y compris après sa mise à l'arrêt définitif ; qu'incombe ainsi à l'exploitant d'une installation classée, à son ayant droit ou à celui qui s'est substitué à lui, la mise en oeuvre des mesures permettant de remettre en état le site qui a été le siège de l'exploitation dans l'intérêt, notamment, de la santé ou de la sécurité publique et de la protection de l'environnement ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que conformément à l'article 34 du décret du 21 septembre 1977, aujourd'hui codifié à l'article R. 512-68 du code de l'environnement, la société Retia a procédé, par un courrier du 9 septembre 2005, à une déclaration de changement d'exploitant auprès du préfet de l'Isère en lui faisant connaître qu'elle s'était substituée à la société Arkema, anciennement Atofina, sur le site de l'ancien terrain industriel de Brignoud ; que suite à ce courrier, le préfet a édicté, le 27 janvier 2006, un récépissé de déclaration de changement d'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement, accompagné d'arrêtés préfectoraux imposés à la société Arkema restant applicables à la société Retia, incluant notamment un arrêté de 1999 relatif à la pollution au mercure ; que la société requérante soutient que l'arrêté litigieux ne peut lui imposer de prendre en charge la pollution au mercure constatée sur le site au motif qu'elle n'a repris que des activités de polychlorure de vinyle et non les activités électrométallurgiques et de production de chlore à l'origine de cette pollution qui ont cessé en 1971 ; que, toutefois, et alors même que seules les activités de fabrication de polychlorure de vinyle et de fabrication de dérivés du phosphore auraient été reprises, la société requérante, au terme de sa déclaration de changement d'exploitant, se trouve également substituée à la société Arkema pour la mise en oeuvre de mesures conservatoires visant à circonscrire la pollution au mercure ; que, par suite, le préfet de l'Isère était fondé à imposer à la société Retia des prescriptions liées à la pollution au mercure ;

11. Considérant que la société Retia fait valoir que le délai de six mois qui lui a été accordé par l'article 1.4 de l'arrêté litigieux pour communiquer à l'administration le dossier préalable de réalisation des travaux est insuffisant ; que la société requérante se borne à soutenir qu'elle devait recourir à une procédure d'appel d'offres dont l'organisation est de l'ordre de six mois et que les investigations nécessaires nécessitaient un délai de dix-huit mois ; qu'en tout état de cause, ayant satisfait aux dites obligations, ce moyen ne peut, dans le cadre du présent contentieux, qu'être sans objet ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société Retia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Retia est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Retia et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2015 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juillet 2015.

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N° 13LY02417


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02417
Date de la décision : 21/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Actes affectant le régime juridique des installations - Mise à l'arrêt.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Pouvoirs du préfet - Modification des prescriptions imposées aux titulaires.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Catherine COURRET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : UGGC et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-07-21;13ly02417 ?
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