La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2015 | FRANCE | N°14LY01675

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 07 juillet 2015, 14LY01675


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 22 mai 2014, présentée pour M. et Mme A...B..., demeurant ... ;

M. et Mme B...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103098 du 21 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de met

tre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de j...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 22 mai 2014, présentée pour M. et Mme A...B..., demeurant ... ;

M. et Mme B...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103098 du 21 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme B...soutiennent que l'existence d'une minoration de prix, à la date du contrat de réservation, n'est pas établie ; que les termes de comparaison retenus par l'administration ne sont pas pertinents ; qu'il y a lieu de tenir compte des difficultés de commercialisation des derniers lots en fin de programme et de la construction d'une mosquée et d'une école coranique à proximité des immeubles ; que le jugement, sur ce point, est insuffisamment motivé ; que les modalités d'évaluation de l'écart de prix avec les transactions de référence doivent être revues à la lumière de la position prise par le service suite au recours exercé par la SARL For Entreprise ; qu'ils n'entretenaient aucune relation d'intérêts avec la SARL For Entreprise ; que l'existence d'une volonté d'accorder et de recevoir une libéralité ne pouvait être présumée ; que la distribution de bénéfices doit être imposée au titre de l'année au cours de laquelle les résultats de la SARL For Entreprise ont été rectifiés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut au non-lieu à statuer à concurrence des sommes ayant fait l'objet d'un dégrèvement, et au rejet du surplus des conclusions de la requête ;

Il soutient que le montant de la distribution a été ramené à 67 835 euros ; que les dispositions de l'article 111 c du code général des impôts sont applicables puisqu'il existe un écart de prix significatif entre le prix de cession et la valeur vénale des immeubles, sans contrepartie pour la société cessionnaire ; qu'il existe une relation d'affaires entre le vendeur et l'acquéreur ; que la volonté d'octroyer et de recevoir une libéralité doit être présumée ; que le montant de la distribution doit être rattaché à l'année de signature de l'acte de cession, soit en 2004 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 8 octobre 2014, présenté pour M. et Mme B..., qui persistent dans leurs conclusions, par les mêmes moyens, en soutenant en outre que l'administration a omis de dégrever les contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2015 :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;

1. Considérant que M. et Mme B...ont acquis deux appartements de type T3 et T4 auprès de la SARL For Entreprise, par deux actes notariés en date du 23 décembre 2004 ; que la SARL For Entreprise a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration a considéré, notamment, qu'elle avait cédé les deux appartements en cause à un prix minoré, vente qu'elle a regardée comme constitutive d'un acte anormal de gestion ; qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a estimé que M. et Mme B...avaient bénéficié d'un avantage occulte correspondant à la différence entre la valeur vénale des biens et leurs prix d'achat, et mis à leur charge, au titre de l'année 2004, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties de pénalités ; que M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 21 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge desdites impositions ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par avis en date des 18 septembre 2014 et 27 janvier 2015, la directrice des finances publiques de la région Rhône-Alpes a procédé au dégrèvement des sommes respectives de 4 073 euros en droits et pénalités, au titre des cotisations d'impôt sur le revenu, et de 963 euros en droits et pénalités, au titre des cotisations de contributions sociales : que les conclusions de la requête sont dans cette mesure devenues sans objet ;

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 111 c du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) " ;

4. Considérant qu'en cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111 c) du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause ; que la preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession ; que dans le cas où le vendeur et l'acquéreur sont liés par une relation d'intérêts, l'intention d'octroyer et de recevoir une libéralité est présumée ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre du programme immobilier " Résidence des Vallées " à Thonon-les-Bains la SARL For Entreprise a vendu en l'état de futur d'achèvement à M. et Mme B...deux appartements de type T3 et T4, par actes notariés distincts du 23 décembre 2004, pour un prix toutes taxes comprises de 125 917 euros et de 161 000 euros respectivement, soit un prix au tantième de 433 euros et de 420 euros ; que l'administration fait valoir, sans être contredite, qu'un appartement de type 3 avec cave et garage a été vendu le 16 novembre 2004, pour un prix de 151 069 euros, soit un prix au tantième de 545 euros, et qu'un appartement de type 1, avec cave et garage, a été vendu le 10 décembre 2004 pour un prix de 83 847, soit un prix au tantième de 531 euros ; qu'ainsi, elle a constaté des écarts de prix au moment de la signature des actes notariés de 21,99 % pour l'appartement de type T3 et de 16,73 % pour celui de type T4 ;

6. Considérant que, même pour les ventes en l'état futur d'achèvement et sauf changement dans les circonstances juridiques et économiques, entre la date du contrat de réservation et celle de l'acte notarié, aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce que l'administration retienne comme terme de comparaison les prix stipulés dans les actes notariés, dès lors que les termes de comparaison choisis par l'administration restent appropriés et qu'elle a procédé à la comparaison entre le prix ou l'évaluation retenue par les parties à l'opération imposée en prenant en considération non seulement les caractéristiques du bien mais également les conditions juridiques et économiques de l'opération taxable ; que, si M. et Mme B...soutiennent qu'il convient de prendre en compte, pour la comparaison, la date de réservation de l'appartement et non la date de la vente, il résulte en tout état de cause de l'instruction que l'un des appartements ayant servi à la comparaison a été réservé moins d'un mois avant ceux acquis par M. et Mme B...;

7. Considérant que l'existence d'une mosquée et d'une école coranique à proximité immédiate du programme immobilier n'est, en tout état de cause, pas de nature à justifier les écarts de prix constatés par comparaison avec des ventes d'appartements du même programme ; que, s'ils font valoir que les appartements litigieux, alors même qu'ils ont été réservés moins de dix mois après l'acquisition des terrains par la SARL For Entreprise, correspondraient à des queues de programme et qu'un rabais aurait été consenti en raison de la vente groupée des deux appartements, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que des appartements similaires vendus en fin de programme ont trouvé à se vendre à un prix supérieur à celui des appartements en litige ; qu'il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction que la SARL For Entreprise aurait connu des difficultés dans la vente de ses biens ; que l'administration établit ainsi l'existence d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur réelle des biens, sans que cet écart ne soit justifié par une contrepartie ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le cabinet B...patrimoine, dont M. et Mme B...étaient les cogérants, intervenait pour la commercialisation de certains programmes immobiliers réalisés par la SARL For Entreprise ; que le cabinet B...avait signé le 28 octobre 2002 un mandat de vente non exclusif s'agissant du programme " Résidence des Vallées ", auquel appartenaient les appartements en litige, le cabinet percevant des rémunérations pour chaque lot vendu ; que de tels faits révèlent l'existence d'une relation d'intérêts entre M. et Mme B...et la SARL For Entreprise ;

9. Considérant que, dans ces conditions, l'administration établit comme il lui incombe de le faire, l'existence d'une libéralité, l'intention pour la SARL For Entreprise de l'octroyer et pour M. et Mme B...de la recevoir ; que, par suite, elle pouvait imposer l'avantage en cause en tant que revenus distribués aux intéressés ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. " ; que les versements assimilés à des libéralités sont imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au titre de l'année où ils ont été mis à la disposition des bénéficiaires ; que ce n'est que lorsque cette date ne peut être déterminée que de tels versements sont présumés distribués à la date de clôture de l'exercice au titre duquel leur existence a été constatée ; que, s'agissant d'une libéralité constituée par une vente à un prix minoré il y a lieu de se référer, pour établir la date de mise à disposition de l'avantage à l'acquéreur, aux règles de rattachement des produits applicables au vendeur ;

11. Considérant qu'aux termes du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à la détermination du bénéfice imposable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " (...) les produits correspondants à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées (...) " ; qu'en l'absence de toute disposition législative définissant les actes ou opérations qui, au regard de la loi fiscale, doivent être regardés comme constitutifs d'une livraison, il y a lieu de se référer à la définition de la " délivrance " mentionnée à l'article 1605 du code civil qui dispose que " L'obligation de délivrer les immeubles est remplie de la part du vendeur lorsqu'il a remis les clefs, s'il s'agit d'un bâtiment, ou lorsqu'il a remis les titres de propriété. " ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des procès-verbaux de réception produits par les requérants, que les clefs de l'appartement de Type 3 n° A 14 leur ont été remises le 28 janvier 2005, la mention manuscrite du document produit devant prévaloir sur la mention dactylographiée ; que, toutefois, il résulte de la même instruction que les clefs de l'appartement de type 3 n° B 15 leur ont été remises le 4 février 2005 à 15 heures ; que, dès lors, les époux B...sont fondés à soutenir, sur le terrain de la loi fiscale, que l'administration ne pouvait légalement les imposer, au titre de l'année 2004, sur les sommes correspondant à l'avantage constitué par la vente de ces deux appartements que les époux B...avaient achetés en l'état futur d'achèvement ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de leur demande à hauteur de 67 835 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. et Mme B...tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme qu'ils demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés ;

DECIDE :

Article 1er : A concurrence d'une somme de 4 073 euros en droits et pénalités, au titre des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, et de 963 euros en droits et pénalités, au titre des cotisations supplémentaires de contributions sociales, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête.

Article 2 : Les bases d'imposition de M. et Mme B...à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2004 sont réduites de la somme de 67 835 euros.

Article 3 : M. et Mme B...sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à la réduction des bases d'imposition résultant de l'article précédent.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 mars 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus de la requête de M. et Mme B...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2015 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Bouissac, président-assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2015.

''

''

''

''

2

N° 14LY01675

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01675
Date de la décision : 07/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : MOULINIER, DULATIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-07-07;14ly01675 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award