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25/06/2015 | FRANCE | N°14LY03365

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 25 juin 2015, 14LY03365


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler les décisions du 19 février 2014 du préfet de l'Isère portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai il serait reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il établirait être légalement admissible ;

- d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui dé

livrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation ;

- de mettre à la charge de l'Etat l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler les décisions du 19 février 2014 du préfet de l'Isère portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai il serait reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il établirait être légalement admissible ;

- d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation ;

- de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1403707 du 30 septembre 2014, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du préfet de l'Isère du 19 février 2014, enjoint audit préfet de délivrer à M. B...un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et condamné l'Etat à verser au conseil de M. B...la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2014, le préfet de l'Isère demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1403707 du Tribunal administratif de Grenoble du 30 septembre 2014 ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. B...devant le Tribunal administratif de Grenoble.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le demandeur devait être regardé comme invoquant le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, alors qu'il avait invoqué le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas applicable aux ressortissants algériens ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le refus de titre méconnaissait les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dès lors que M. B... peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, ainsi que l'a estimé le médecin de l'agence régionale de santé dans son avis du 29 avril 2013 et que cela ressort des certificats médicaux produits et des éléments fournis par le conseiller santé auprès de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 4 juin 2015 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que M. B..., ressortissant algérien né en 1971, entré en France le 1er mai 2011, à l'âge de 40 ans, sous couvert d'un visa court séjour valable du 28 avril 2011 au 12 juin 2011, a déposé une première demande de titre de séjour " étranger malade ", le 4 octobre 2011, à laquelle il a été fait droit ; que son titre de séjour a été renouvelé à la suite des demandes présentées le 10 mars 2012 puis le 4 septembre 2012 ; que la demande de renouvellement du certificat de résident algérien de M. B..., venant à expiration le 15 avril 2013, a été rejetée par une décision du préfet de l'Isère du 19 février 2014, assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et d'une décision fixant le pays de destination ; que le préfet de l'Isère fait appel du jugement du 30 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé, sur la demande de M. B..., lesdites décisions du 19 février 2014 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...). " ;

3. Considérant que, pour bénéficier des stipulations précitées du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, M. B... a fait valoir qu'il souffrait de plusieurs pathologies, liées à une tumeur de l'hypophyse et à la maladie de Cushing, pour lesquelles il bénéficie d'une surveillance et d'une prise en charge médicale et pharmaceutique en France, consistant en particulier en la substitution de plusieurs hormones ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 29 avril 2013, que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. B... peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que cet avis n'est pas contredit par les certificats médicaux produits par l'intéressé, dont, au demeurant, certains ont été établis postérieurement aux décisions en litige, et qui se bornent à mentionner, comme le certificat rédigé par le chef du service des maladies endocriniennes et métaboliques de l'hôpital Cochin le 23 février 2012, soit à une date à laquelle M. B... bénéficiait d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, que sa situation médicale réclame une " surveillance et un traitement à partir de milieux hyper-spécialisés comme l'est le Service de Cochin et cette expertise n'est sûrement pas disponible de la même façon en Algérie ", ou le certificat médical, établi le 21 avril 2014, par un professeur des Hospices civils de Lyon, qui après avoir fait état d'une "situation relativement stabilisée", et du besoin d'un "suivi bisannuel" affirme qu'il semble " difficile à réaliser en Algérie" ; qu'il n'est pas davantage contredit par le certificat médical rédigé, le 19 mars 2014, par un médecin du centre Pierre et Marie Curie d'Alger, qui rappelle que le patient est " substitué pour les déficits endocriniens ", même s'il mentionne que ledit service ne dispose pas de fludrocortisone ni de syncortil injectable ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler les décisions préfectorales en litige, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de la méconnaissance par le préfet de l'Isère des stipulations précitées du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

4. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

5. Considérant, en premier lieu, que la décision en litige énonce les éléments de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et, en particulier de la lecture de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour en litige, qui mentionne notamment qu'après un examen approfondi de la situation du demandeur, ce dernier ne pouvait obtenir la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien, que le préfet de l'Isère ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. B... ou qu'il se serait estimé lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et aurait ainsi commis une erreur de droit ; que ces moyens doivent, dès lors, être écartés ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;

8. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être exposé, le préfet de l'Isère a refusé le 19 février 2014 la délivrance d'un titre de séjour à M. B... ; qu'ainsi, à la date de la décision litigieuse, celui-ci était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

10. Considérant que, comme il a été dit, il ressort des pièces du dossier qu'il existe pour M. B... un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, dès lors, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle pourrait comporter pour sa situation personnelle ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;

12. Considérant que, comme il a été dit, il ressort des pièces du dossier qu'il existe pour M. B... un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'en désignant l'Algérie comme pays à destination duquel il serait reconduit, le préfet de l'Isère a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales en ce qu'il ne pourrait y bénéficier de soins adaptés à son état de santé ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 19 février 2014 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, lui a enjoint de délivrer à M. B...un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a condamné l'Etat à verser au conseil de M. B...la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1403707 du 30 septembre 2014 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2015 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juin 2015.

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N° 14LY03365


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03365
Date de la décision : 25/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : MEBARKI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-06-25;14ly03365 ?
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