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02/06/2015 | FRANCE | N°14LY01375

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 02 juin 2015, 14LY01375


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004.

Par un jugement n° 1003038 du 16 janvier 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 avril 2014, et un mémoire complémentaire enregistré le 31 octobre 2014, M. et Mme B...demandent à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 janvier 2014 du tribunal administratif de Grenoble ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004.

Par un jugement n° 1003038 du 16 janvier 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 avril 2014, et un mémoire complémentaire enregistré le 31 octobre 2014, M. et Mme B...demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 janvier 2014 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de prononcer la décharge desdites impositions et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration ne peut refuser à M. B...le bénéfice des dispositions de l'article 81 A II du code général des impôts, et de l'instruction 5B-24-77 du 26 juillet 1977, au motif qu'il était lié par contrat avec la société mère britannique de la société Trikon Technologies France, dès lors que le fait d'exiger des résidents fiscaux détachés à l'étranger d'être liés statutairement ou contractuellement à un employeur établi en France pour bénéficier de l'exonération d'impôt restreint leur liberté de travailler dans n'importe quel autre Etat membre de l'Union européenne ;

- l'administration ne peut plus lui opposer un tel argument dans l'état actuel du droit issu de la loi de finances pour 2006 ;

- l'administration ne peut lui opposer le fait que sa rémunération était refacturée par la filiale française à la société mère britannique, au regard de l'instruction 5 F-13-12 du 20 juin 1998 ;

- il était co-gérant et rémunéré par la SARL Trikon Technologies ;

- il peut se prévaloir de l'instruction 5 F-3-12 du 20 juin 1998, qui prévoit qu'un simple lien contractuel entre le contribuable et la société établie en France suffit pour bénéficier du dispositif prévu par l'article 81 A du code général des impôts ;

- l'administration ne peut se fonder sur des instructions postérieures aux périodes d'imposition ;

- la nature de ses fonctions et de l'activité de la société induisaient nécessairement qu'il ait exercé des fonctions de prospection commerciale hors de France ;

- il justifie de déplacements à l'étranger pour un total de 148 jours en 2003 et 52 en 2004, soit 200 jours sur neuf mois consécutifs ;

- il n'a pas à justifier que ses démarches ont conduit à l'implantation effective d'une société à l'étranger ;

- il peut bénéficier d'une exonération d'impôt sur ses indemnités d'expatriation en vertu du III de l'article 81 A du code général des impôts, quand bien même celles-ci étaient fixées de manière forfaitaire ;

- l'impôt relatif aux gains de cessions de valeurs mobilières a déjà été payé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. B...ne peut bénéficier du dispositif d'exonération prévu par les dispositions du II de l'article 81 A du code général des impôts, sur le terrain de la loi fiscale, car ses rémunérations ne se rapportent pas à l'une des activités énumérées au a et au b du II de l'article 81 A du code général des impôts ;

- au demeurant, il ne justifie pas du nombre de jours qu'il a passés à l'étranger ;

- M. et Mme B...ne peuvent se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 36 de l'instruction 5 B-24-77 du 26 juillet 1977, repris au paragraphe 8 de l'instruction administrative 5 F-13-98 du 20 juin 1998, qui se bornent à recommander aux services un examen compréhensif de la situation du contribuable ;

- au demeurant, M. B...ne justifie pas être susceptible de bénéficier de la mesure de tolérance, n'étant pas salarié mais ayant uniquement exercé des fonctions de dirigeant de sociétés et n'ayant jamais établi avoir reçu des missions de prospection de clientèle à l'étranger ;

- au surplus, les instructions 5 B-24-77 et 5 F-13-98 invoquées par les requérants prévoient expressément que les mesures particulières d'exonération qu'elles prévoient ne trouvent à s'appliquer que si l'employeur est établi en France, alors que M. B...ne peut être regardé comme ayant exercé ses missions à l'étranger dans le cadre de son activité au sein de la société française ;

- M. B...n'apporte pas la preuve que les suppléments de rémunération qu'il a perçus étaient directement liés à des déplacements à l'étranger effectués dans l'intérêt direct de la filiale française et qu'il pouvait de ce fait bénéficier des dispositions du III de l'article 81 A du code général des impôts ;

- le contrat de travail liant M. B...à la société britannique ne prévoyait pas le versement de primes d'expatriation ;

- il n'existe aucun litige né et actuel concernant le calcul de l'impôt sur le revenu, s'agissant des revenus de capitaux mobiliers ;

- M. et Mme B...n'ont acquitté aucun impôt concernant la plus-value de cession de valeurs mobilières, d'un montant de 10 874 euros au titre de l'année 2004.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause l'exonération d'impôt en faveur des salariés détachés à l'étranger prévue par les dispositions de l'article 81 A du code général des impôts dont s'était prévalu M. B...en sa qualité de cogérant salarié de la SARL Trikon Technologies au titre des années 2003 et 2004 ; que M. et Mme B...ont également fait l'objet, au titre de l'année 2004, de rectifications dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et au titre d'une plus-value de cession de valeurs mobilières ; que M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités afférentes auxquelles ils ont été assujettis de ce fait ;

Sur les salaires et traitements :

En ce qui concerne le bénéfice de l'exonération totale :

Quant à l'application de la loi fiscale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 81 A du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " II Les traitements et salaires perçus en rémunération de leur activité à l'étranger par des personnes de nationalité française autres que les travailleurs frontaliers, qui ont leur domicile fiscal en France et qui, envoyées à l'étranger par un employeur établi en France, justifient d'une activité à l'étranger d'une durée supérieure à 183 jours au cours d'une période de douze mois consécutifs, ne sont pas soumis à l'impôt./ Cette exonération n'est accordée que si les rémunérations considérées se rapportent aux activités suivantes à l'étranger : a Chantiers de construction ou de montage, installation d'ensembles industriels, leur mise en route et leur exploitation, la prospection et l'ingénierie y afférentes; b Prospection, recherche ou extraction de ressources naturelles. " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.B..., qui disposait d'un contrat de travail le liant à la société britannique Trikon Technologies Inc., dont l'activité est le commerce international de matériaux semi-conducteurs et de puces électroniques, était rémunéré par la SARL Trikon Technologies, filiale française de cette société, qui est chargée de l'installation et du service après-vente de ces machines en France, Belgique, Espagne et Italie ; que, pour refuser à l'intéressé le bénéfice des dispositions précitées, l'administration s'est fondée sur le fait que l'intéressé devait être regardé comme effectuant ses déplacements à l'étranger pour le compte de la société Trikon Technologies Inc., établie en Grande-Bretagne, que son activité ne se rapportait pas aux activités éligibles énumérées par les dispositions précitées et qu'il ne justifiait pas d'une activité à l'étranger d'une durée supérieure à 183 jours ;

4. Considérant que, si M. B...soutient qu'il était chargé d'une mission de prospection commerciale pour le compte de la SARL Trikon Technologies et que son activité de cogérant de cette société l'amenait nécessairement à effectuer de nombreuses missions à l'étranger, il n'apporte aucune précision sur la nature exacte de son activité à l'étranger et n'établit pas, comme il est seul en mesure de le faire, que celle-ci entrerait dans le champ des activités limitativement énumérées fixées par les dispositions précitées ; que, par ailleurs, en se bornant à produire un relevé de ses déplacements établi par une agence de voyages, lequel comprend des contradictions, ainsi que le relève l'administration, il n'apporte pas d'éléments suffisants permettant de justifier qu'il avait effectué une activité professionnelle à l'étranger supérieure à 183 jours au cours d'une période de douze mois consécutifs, ni l'existence d'un lien entre ces déplacements et une des activités mentionnées par les dispositions précitées ; que, dans ces conditions, et alors même que l'administration ne pouvait opposer la circonstance qu'il travaillait en fait pour une société implantée dans un autre Etat membre de l'Union européenne, compte tenu des principes de non-discrimination et de libre circulation institués par le traité de Rome, M. B...ne pouvait bénéficier de l'exonération totale prévue par les dispositions précitées du II de l'article 81 A du code général des impôts ;

Quant à l'application de la doctrine :

5. Considérant qu'aux termes du paragraphe 36 de l'instruction 5 B-24-77 du 26 juillet 1977 : " Conformément aux engagements pris par le ministre au cours des débats parlementaires, la situation des salariés exerçant leur activité dans la prospection de certains marchés extérieurs sera examinée avec compréhension. Ainsi, l'exonération prévue par la loi pourra être accordée par le service, après examen du cas particulier, aux salariés dont les rémunérations se rapportent à la prospection de la clientèle de certains marchés commerciaux, lorsqu'il sera établi que cette prospection conditionne réellement l'implantation de sociétés françaises à l'étranger (...) " ; que ces dispositions se bornent à recommander aux services fiscaux un examen compréhensif de la situation du contribuable dont l'activité exercée à l'étranger n'est pas au nombre de celles énumérées au II de l'article 81 A du code général des impôts et ne contiennent, par suite, aucune interprétation formelle de la loi fiscale, au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, et en tout état de cause, M. B... ne peut utilement soutenir qu'il entrerait dans le champ des prévisions de cette instruction ;

6. Considérant que, compte tenu du motif du refus légalement opposé à M.B..., ce dernier ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction 5 F-3-12 du 20 juin 1998, qui prévoit qu'un simple lien statutaire entre le contribuable et la société établie en France suffit pour pouvoir bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions du II de l'article 81 A du code général des impôts ;

7. Considérant que M. et Mme B...ne peuvent se prévaloir du contenu de l'instruction administrative 5 B-125-06 du 6 avril 2006 commentant l'article 51 de la loi de finances rectificative pour 2006, dès lors que la publication de cette instruction est postérieure à la date de déclaration des revenus litigieux ;

En ce qui concerne le bénéfice de l'exonération partielle :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 81 A du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " (...) III Lorsque l'intéressé ne peut bénéficier de ces exonérations, ces rémunérations ne sont soumises à l'impôt en France qu'à concurrence du montant du salaire qu'il aurait perçu si son activité avait été exercée en France. Cette disposition s'applique également aux contribuables visés au 2 de l'article 4 B. " ;

9. Considérant que M. B...demande à bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions précitées pour la prime d'expatriation qu'il indique avoir perçue, en se prévalant de la résolution votée le 28 mars 2003 par l'assemblée générale de la SARL Trikon Technologies, laquelle prévoyait le versement d'une prime déterminée en fonction du nombre de jours qu'il était amené à passer par an à l'étranger ; que, toutefois, le ministre fait valoir que, ainsi qu'il ressort du jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 8 janvier 2008, l'attribution d'un mandat de cogérance au sein de ladite société avait été décidée alors qu'il travaillait en réalité pour la société britannique Trikon Technologies Inc., avec laquelle il était lié par un contrat, en vue de le faire bénéficier d'un taux d'imposition bas et de la protection sociale française ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction qu'alors que la SARL Trikon Technologies exerçait une activité de maintenance sur des matériels installés en Belgique, France, Italie et Espagne, les relevés de voyage produits par M. B..., qui soutient avoir exercé des missions de prospection commerciale, ne font état que d'un seul voyage vers ces pays ; qu'enfin, l'intéressé ne produit aucun élément qui établirait la réalité d'un quelconque travail pour la SARL Trikon Technologies ; qu'ainsi, les sommes versées à titre de primes d'expatriation par la société française, qui n'étaient justifiées par aucune activité exercée pour son compte hors de France et étaient fondées sur une résolution de l'assemblée générale de la SARL Trikon Technologies prise dans le but de lui accorder un avantage fiscal, ne peuvent être regardées comme des compléments de salaires versés par cette société entrant dans le champ des dispositions précitées ; que, par ailleurs, et en supposant que les sommes en litige auraient été versées pour le compte de la société britannique Trikon Technologies Inc., à laquelle les rémunérations de M. B... étaient refacturées, il résulte de l'instruction que le contrat de travail liant M. B...à cette société ne prévoyait le versement d'aucun complément de rémunération pour l'exercice d'une activité hors de France, de sorte que ce dernier ne justifie pas qu'une partie de sa rémunération était constituée de compléments de salaires versés à raison de séjours à l'étranger susceptibles d'entrer dans le champ des dispositions précitées ;

Sur les revenus de capitaux mobiliers :

10. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. et Mme B...ne peuvent, en tout état de cause, demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant pour les revenus de capitaux mobiliers qu'ils avaient déclarés, du fait de la progressivité de l'impôt, des rehaussements dans la catégorie des traitements et salaires ;

Sur les plus-values de cession mobilière :

11. Considérant que M. et MmeB..., qui ne contestent pas avoir réalisé des plus-values de cession mobilière imposables en 2004, soutiennent avoir versé les impositions correspondantes avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses ; que, toutefois, et alors qu'il ressort du bordereau de situation en date du 14 janvier 2011 émis par la trésorerie d'Heyrieux que ceux-ci n'avaient versé aucune somme à cette date, ils n'apportent aucun élément à l'appui de leur allégation ; que, dès lors, leur moyen doit être, en tout état de cause, écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2015, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Bouissac, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juin 2015.

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N° 14LY01375


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01375
Date de la décision : 02/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-07-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Traitements, salaires et rentes viagères. Personnes et revenus imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : TAJ SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-06-02;14ly01375 ?
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