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28/05/2015 | FRANCE | N°14LY01459

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 mai 2015, 14LY01459


Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2014 au greffe de la Cour, présentée pour la SAS Nicollin, dont le siège est 37-39 rue Carnot à Saint Fons (69190), par Me Arnaud, avocat ;

La SAS Nicollin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105749 du 8 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des majorations correspondantes, qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur l

es sociétés, aux contributions à l'impôt sur les sociétés, ainsi que des majora...

Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2014 au greffe de la Cour, présentée pour la SAS Nicollin, dont le siège est 37-39 rue Carnot à Saint Fons (69190), par Me Arnaud, avocat ;

La SAS Nicollin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105749 du 8 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des majorations correspondantes, qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, aux contributions à l'impôt sur les sociétés, ainsi que des majorations y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos les 31 décembre 2003 et 31 décembre 2004 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et majorations susvisées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SAS Nicollin soutient :

S'agissant de la régularité du jugement :

- que le tribunal, à défaut d'avoir statué sur l'ensemble de ses moyens et conclusions et à défaut d'avoir visé certaines conclusions a entaché son jugement de nullité ; qu'ainsi, le tribunal n'a ni visé ni répondu au moyen tiré de ce que l'administration devait apporter la preuve, au niveau de la vérification même, de ce que le dirigeant de la société était impliqué dans l'escroquerie ; qu'en outre, bien qu'ayant visé son mémoire complémentaire du 22 janvier 2014, il n'a ni analysé, ni mentionné en conclusions, le moyen nouveau tiré de ce que le bénéfice de la preuve par présomption lui est applicable ;

S'agissant du bien-fondé en matière d'impôt sur les sociétés :

- que la charge de la preuve de ce que les dépenses n'ont pas été exposées dans l'intérêt de l'exploitation incombait, au cours de la vérification de comptabilité, matérialisée par la proposition de rectification, à l'administration ;

- qu'à défaut pour elle-même de pouvoir apporter une preuve négative (absence de responsabilité de la direction dans l'établissement des achats fictifs), la preuve par présomption aurait dû être reconnue en l'espèce ;

- que le tribunal en jugeant " qu'il est constant que les loyers ont été versés sans contrepartie " a considéré que les contrats ne ressortent pas d'une gestion normale de l'entreprise et a, par suite, omis de procéder à l'analyse de la qualification juridique des contrats qui génèrent les charges contestées et lient la société à son créancier ;

- que la preuve de la responsabilité du dirigeant dans l'escroquerie n'étant pas rapportée par l'administration, les prestations de services faisant partie des charges liées à l'escroquerie restent des pertes déductibles du résultat de la société ;

- que dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée est relative à des charges déductibles du résultat fiscal, aucun profit sur le Trésor ne saurait être constaté ;

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée :

- que les contrats de crédit bail étant la conséquence des factures frauduleuses émises par la société Force Bureautique, le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ne pouvait lui être refusé dès lors que ses dirigeants ne pouvaient connaître la fraude dont la société était la victime ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 28 novembre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 22 décembre 2014 à 16 heures 30, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 1er décembre 2014, présenté pour la SAS Nicollin qui se désiste purement et simplement de son instance auprès de la Cour en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et maintient ses conclusions relatives à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés le 10 décembre 2014, à l'irrecevabilité des conclusions en décharge qui excèdent le montant des conclusions de 1ère instance de la société requérante et au rejet du surplus ;

Il soutient :

- que s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, les loyers ayant été versés pour des locations de matériels informatiques inexistants et les premiers loyers et les frais de fonctionnement ne correspondant à aucune prestation, la taxe sur la valeur ajoutée facturée à une entreprise et acquittée par celle-ci n'ouvre pas droit à déduction à son profit ; que si le droit à déduction ne doit pas être refusé lorsqu'il est établi que l'assujetti a participé à son insu à une fraude organisée par le fournisseur, la décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 21 juin 2012 est inapplicable en l'espèce, dès lors que les rappels en cause ont été motivés non par les irrégularités commises par la SARL Force Bureautique mais par l'absence de nécessité des biens et services en cause pour l'exploitation ;

- que s'agissant des règles gouvernant la charge de la preuve, dès lors que la vérification de comptabilité s'est déroulée dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire, il incombe à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions et qu'il appartient dès lors au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net que de la correction de leur inscription en comptabilité ; qu'en raison de la défaillance du contrôle interne, la société ne peut s'exonérer de sa responsabilité en se retranchant derrière la conduite du secrétaire général du groupe ;

Vu la décision accordant les dégrèvements ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2015 :

- le rapport de Mme Bourion, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;

1. Considérant que la SAS Nicollin, qui a pour activité le nettoiement et la collecte des ordures ménagères et des déchets industriels, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos les 31 décembre 2003 et 31 décembre 2004 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période couverte par ces exercices ; que l'administration a réintégré dans ses résultats des charges comptabilisées au titre de la location de longue durée de matériels de bureautique et d'informatique ainsi que des charges afférentes aux premiers loyers, aux frais de dossier et aux frais de fonctionnement et a refusé d'admettre en déduction la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures correspondantes ; qu'en conséquence de ces rectifications, effectuées selon la procédure contradictoire, la SAS Nicollin a été assujettie à des compléments d'impôt sur les sociétés et de contributions à l'impôt sur les sociétés ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, auxquels ont été appliqués les majorations pour manquement délibéré de 40 % et les intérêts de retard ; que la SAS Nicollin relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

Sur le désistement :

2. Considérant que, par un mémoire enregistré le 1er décembre 2014, la SAS Nicollin a déclaré se désister de ses conclusions relatives à l'impôt sur les sociétés et aux contributions à l'impôt sur les sociétés ainsi qu'aux pénalités y afférentes ; que ce désistement est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

Sur le non-lieu à statuer :

3. Considérant que, par décision en date du 10 décembre 2014, postérieure à l'introduction de la requête, l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales a accordé à la SAS Nicollin le dégrèvement des majorations de 40 % afférentes à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période courant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 à hauteur de 305 893 euros ; qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de ces majorations de 40 % afférentes à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur l'étendue du litige :

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède aux points 2 et 3, que seuls restent en litige au titre de la période courant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 861 116 euros, les intérêts de retard y afférents d'un montant de 142 302 euros et le montant non dégrevé de la majoration de 40 % correspondant à ces rappels de taxe qui s'élève à 38 553 euros ;

Sur la régularité du jugement :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision [...] contient [...] l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. [...] " ;

6. Considérant que le jugement attaqué vise la requête ainsi que les mémoires présentés par la SAS Nicollin qu'il a analysés ; qu'il n'avait pas à faire mention de l'ensemble des arguments avancés par les parties au soutien de leurs moyens ; qu'il répond à l'ensemble des moyens opérants des parties, et notamment aux moyens relatifs à la dévolution de la preuve ; que dès lors le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier faute d'avoir statué sur l'ensemble des conclusions et moyens invoqués par la société requérante doit être écarté comme manquant en fait ;

Sur le bien-fondé des droits de taxe sur la valeur ajoutée :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est (...) : / a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) " ; qu'aux termes de l'article 272 de ce même code : " (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu " ; qu'aux termes de l'article 283 du même code : " (...) 4. Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée. " ;

8. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'un assujetti n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe portée sur des factures correspondant à des biens ou à des prestations de services qui ne lui ont pas été effectivement fournis ;

9. Considérant que l'administration a relevé, d'une part, que les loyers versés par la société requérante pour la location de matériels de bureautique et d'informatique correspondaient à des matériels qui n'existaient pas, qui étaient restés chez le transporteur ou qui avaient été repris par la SA Force bureautique ; que, d'autre part, les autres factures en cause ne correspondent à aucune prestation effective ; que l'absence de prestations rendues n'est pas contestée par la société Nicollin ; que la société Nicollin ne peut utilement faire valoir, en se prévalant d'une part de l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 21 juin 2012 et d'autre part des réquisitions en date du 10 novembre 2014 du Parquet du Tribunal de grande instance de Paris, qu'elle était de bonne foi et qu'elle n'aurait pas participé à un circuit de fraude ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux factures litigieuses ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir invoquée par le ministre des finances et des comptes publics, la SAS Nicollin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions à fin de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004, et des intérêts de retard y afférents ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, le versement à la SAS Nicollin de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement pur et simple de la SAS Nicollin de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos le 31 décembre 2003 et le 31 décembre 2004.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SAS Nicollin tendant à la décharge des majorations de 40 % afférentes à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période courant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 à hauteur de 305 893 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Nicollin est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Nicollin et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Mear, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 mai 2015.

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N° 06PA01917

SARL GREEN

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N° 14LY01459

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01459
Date de la décision : 28/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Charges diverses.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEAR
Rapporteur ?: Mme Isabelle BOURION
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : ARNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-05-28;14ly01459 ?
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