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28/05/2015 | FRANCE | N°13LY03170

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 mai 2015, 13LY03170


Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2013 au greffe de la Cour, présentée pour M. B... A..., domicilié... ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300294 du 1er octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des majorations correspondantes, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes

;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre...

Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2013 au greffe de la Cour, présentée pour M. B... A..., domicilié... ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300294 du 1er octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des majorations correspondantes, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la proposition de rectification, qui ne précise pas les raisons pour lesquelles il a été considéré comme le maître de l'affaire, est insuffisamment motivée ;

- que l'administration n'apporte pas la preuve qu'il a appréhendé les sommes réputées distribuées par la SARL F2E ; qu'alors que les impositions sont fondées non sur le 1° de l'article 109-1 du code général des impôts mais sur le c de l'article 111 du même code et que la présomption de distribution n'est opposable qu'à la société, la circonstance, d'ailleurs non établie, qu'il serait le maître de l'affaire ne permet pas de démontrer qu'il a effectivement appréhendé les sommes distribuées ; qu'il n'a perçu de la SARL F2E que des salaires d'un montant de 14 769,35 euros ;

- que les sommes débitées du compte bancaire de la société F2E sont justifiées et ne correspondent pas à des distributions ;

- qu'en particulier, l'administration a imposé une seconde fois, à hauteur de 7 179 euros, des sommes, déjà déclarées, correspondant à des salaires versés par la société ; qu'il y a donc lieu de décharger les impositions résultant de la prise en compte de ces sommes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ou, à défaut, celles résultant de leur prise en compte dans la catégorie des traitements et salaires ;

- qu'il justifie, par la production de copies des chèques émis, que la société a réglé des fournisseurs pour un montant de 10 452 euros, ce qui prouve le caractère professionnel de ces dépenses et le fait qu'il n'a pu appréhender les sommes en cause ;

- qu'il n'a pu appréhender les sommes, d'un montant total de 4 286 euros, correspondant aux paiements ou retraits effectués en France avec une carte bancaire pendant des périodes où il séjournait en Turquie ;

- que la SARL F2E a exposé des frais de restauration, de logement et de carburant des ouvriers sur les chantiers d'un montant de 9 293 euros, comprenant des frais de restauration et de logement payés par chèques d'un montant 3 223 euros, des frais de carburant payés par carte bancaire d'un montant de 3 313 euros et des dépenses d'achat de déjeuners dans des supermarchés payées par carte bancaire d'un montant de 2 757 euros, ou à tout le moins 1 648 euros ; que ces dépenses ont été exposées dans l'intérêt de la société et ne constituent pas des revenus distribués ;

- que l'administration n'apportant pas la preuve de son intention délibérée d'éluder l'impôt, elle ne pouvait assortir les impositions d'une majoration pour manquement délibéré ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre fait valoir :

- que la proposition de rectification est suffisamment motivée ;

- que M. A...étant le maître de l'affaire, il doit être regardé comme étant le bénéficiaire des distributions ; que c'est à juste titre que les sommes distribuées ont été imposées à son nom dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du c de l'article 111 du code général des impôts ;

- que les copies de chèques et les relevés bancaires produits par M. A...permettent d'établir l'existence de flux financiers mais non de justifier de la nature des sommes ainsi payées ; que la SARL F2E n'a pas présenté de comptabilité et n'a présenté que sept factures de charges ;

- que, s'agissant des trois chèques d'un montant global de 7 187,91 euros, le requérant ne justifie ni de la nature des sommes ainsi payées ni de leur précédente imposition en tant que traitements et salaires ;

- que, s'agissant des prétendues dépenses de fournisseurs, le caractère professionnel des paiements effectués n'est pas justifié par la seule production des copies de chèques ; qu'une seule facture est produite, sans que son paiement ne soit établi ;

- que, s'agissant des paiements par carte bancaire effectués lorsque M. A...n'était pas en France, ils ne peuvent, en l'absence de comptabilité et de factures au nom de la SARL F2E, être rattachés à l'activité professionnelle de la société ;

- que, s'agissant des frais de restauration et de logement des ouvriers, la seule production des copies des chèques ne permet pas, en l'absence de comptabilité et de factures, de justifier leur caractère professionnel ;

- que, s'agissant des frais de carburant et des autres dépenses de l'entreprise payés par carte bancaire, leur caractère professionnel n'est, en l'absence de comptabilité et de factures, pas davantage établi ;

- que M. A...ayant la maîtrise commerciale, administrative et financière de la SARL F2E, il ne pouvait ignorer que les prélèvements effectués sur le compte bancaire de la société n'étaient pas engagés dans l'intérêt de la société ; que l'intention d'éluder l'impôt est établie par les conditions de fonctionnement de la société, par l'importance de ces prélèvements et par leur caractère répétitif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales :

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2015 :

- le rapport de M. Meillier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la SARL F2E et d'un contrôle sur pièces visant M. B...A..., gérant et associé à hauteur de 50 % de cette société, l'administration fiscale a estimé que le caractère professionnel de certains paiements par chèque ou carte bancaire et de certains retraits d'espèces par carte bancaire apparaissant au débit du compte bancaire de ladite société entre le 7 juin et le 31 décembre 2010 n'était pas établi et que, par suite, M.A..., qui disposait seul de la maîtrise commerciale, administrative et financière de la société, devait être regardé comme le bénéficiaire de rémunérations et d'avantages occultes au sens du c de l'article 111 du code général des impôts, imposables en son nom dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'en conséquence M. A...a été assujetti, au terme d'une procédure de rectification contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties d'une majoration de 40 % pour manquement délibéré, au titre de l'année 2010 ; que, par jugement du 1er octobre 2013, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. A...tendant à la décharge de ces impositions ; que M. A...relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) " ;

3. Considérant que la proposition de rectification adressée le 23 septembre 2011 à M. A... indique, notamment, que des retraits, en espèces, chèques et " carte bleue ", d'un montant total de 214 962 euros, ont été effectués sur le compte bancaire de la SARL F2E au cours de l'année 2010 ; qu'elle précise que, dans la mesure où il a été établi que seul M. A... avait la maîtrise commerciale, administrative et financière de la société, ces retraits doivent être réputés effectués par ce dernier ; qu'elle expose que, dès lors qu'il n'a pas été possible d'identifier leur caractère professionnel, les sommes en cause doivent être considérées comme des distributions occultes, imposables sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts ; qu'enfin, elle mentionne que le montant des revenus distribués retenus au titre de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 s'élève, après application d'un coefficient de 1,25 en application du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, à 268 703 euros ; qu'ainsi, cette proposition de rectification comporte la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énonce les motifs de droit et de fait sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier ces rectifications ; que, dans ces conditions, et quand bien même ladite proposition de rectification ne fait pas état des raisons précises pour lesquelles M. A...a été regardé comme étant le maître de l'affaire, elle était suffisamment motivée pour permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ;

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 55, L. 57, L. 11 et R.* 194-1 du livre des procédures fiscales que, dans le cadre de la procédure contradictoire et en l'absence de dispositions contraires, la charge de la preuve incombe à l'administration à chaque fois que le contribuable n'a pas accepté les rectifications envisagées et les a contestées dans le délai qui lui est imparti, lequel est, en principe, de trente jours et peut, à sa demande, être prorogé de trente jours ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction qu'après avoir reçu le 24 septembre 2011 la proposition de rectification datée de la veille et avoir sollicité un délai supplémentaire, M. A... a formulé le 21 novembre 2011 des observations, reçues par le service le 23 novembre 2011 ; que dans ces conditions, la charge de la preuve incombe à l'administration ;

5. Considérant qu'en vertu du 3. de l'article 158 du code général des impôts sont notamment imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus considérés comme distribués en application des articles 109 et suivants du même code ; qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) " ;

S'agissant des trois chèques d'un montant total de 7 187,91 euros :

6. Considérant qu'il est constant que la SARL F2E a établi les 8 juillet, 11 octobre et 10 décembre 2010, trois chèques de 2 128,52 euros, 2 520 euros et 2 539,39 euros à l'ordre de M.A... ; que ces trois chèques, d'un montant total de 7 187,91 euros, ont été respectivement encaissés par M. A...les 9 juillet, 13 octobre et 16 décembre 2010 ; que M.A..., qui produit lui-même lesdits chèques, soutient que les sommes qu'il a ainsi appréhendées correspondent à des salaires qui lui ont été versés par la société et qui ont déjà été déclarés et imposés en tant que tels ; que le ministre relève toutefois qu'en l'absence de fiche de paie et d'enregistrement comptable, il n'est pas possible de déterminer l'objet exact des paiements effectués et de les qualifier de salaires ; que les seules circonstances, d'une part, que, dans le cadre de la procédure de rectification dont la SARL F2E a fait l'objet, le vérificateur a accepté de ne pas regarder comme des revenus distribués les chèques d'un montant supérieur à 2 000 euros établis au nom des salariés ou des associés et, d'autre part, que trois autres chèques, d'un montant de 2 729,51 euros, 2 312,54 euros et 2 539,39 euros, encaissés par M. A...les 11 juin, 3 septembre et 15 novembre 2010 n'ont pas donné lieu à rectification au nom de l'intéressé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, ne permettent pas de rattacher les chèques litigieux au paiement de salaires déjà déclarés et imposés dans la catégorie des traitements et salaires ; que, d'ailleurs, en l'absence de dépôt par la SARL F2E d'une déclaration annuelle des salaires, conformément à l'article 87 du code général des impôts, les sommes versées à M. A...en contrepartie de son activité au sein de la société constituaient des rémunérations occultes au sens du c de l'article 111 c du code général des impôts ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la somme de 7 187,91 euros aurait fait l'objet d'une double imposition et ne pourrait être imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

S'agissant des autres sommes, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens spécifiques à ces sommes :

7. Considérant qu'il appartient à l'administration, qui a fait application des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts, d'établir au préalable que la SARL F2E a versé des rémunérations ou accordé des avantages à M. A...personnellement ;

8. Considérant que M. A...conteste avoir appréhendé toute autre somme que les trois chèques précités ; que, pour établir que les prélèvements en cause ont été effectués par M. A... lui-même, pour son propre profit, le ministre se borne à soutenir que l'intéressé, gérant et associé à hauteur de 50 % de la SARL F2E, avait seul la maîtrise commerciale, administrative et financière de cette société ; que cette seule circonstance ne permet toutefois pas d'établir que la société a effectivement versé ou accordé à M. A... personnellement des rémunérations ou des avantages susceptibles, le cas échéant, de constituer des rémunérations et avantages occultes au sens du c de l'article 111 du code général des impôts ; que, dès lors, quand bien même le caractère professionnel de tout ou partie des dépenses payées au moyen des sommes en cause ne serait pas établi, le ministre n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que M. A... a bénéficié de distributions imposables au nom de son foyer fiscal sur le fondement des dispositions précitées du c de l'article 111 ;

Sur les pénalités :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée (... ) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;

10. Considérant que, pour justifier l'application de majorations pour manquement délibéré, l'administration se fonde sur l'importance des prélèvements effectués sur le compte bancaire de la SARL F2E, leur caractère répétitif au cours de l'année 2010, la circonstance qu'ils n'étaient pas destinés à rémunérer un quelconque service et la position de gérant occupée par M. A... au sein de la société ; que, toutefois, compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 et 8 du présent arrêt, les sommes que l'administration était fondée à imposer sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts correspondent à trois chèques d'un montant total de 7 187,91 euros seulement ; que, dans ces conditions, le ministre n'établit pas, s'agissant de ces trois sommes, la volonté délibérée de M. A... d'éluder l'impôt ni, par suite, la mauvaise foi du contribuable ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande, en tant qu'elle tendait, d'une part, à la décharge, en droits et pénalités, des impositions résultant des distributions autres que celles correspondant aux trois chèques des 8 juillet, 11 octobre et 10 décembre 2010, d'un montant total de 7 187,91 euros et, d'autre part, à la décharge de la majoration pour manquement délibéré assortissant les impositions résultant de la distribution de la somme de 7 187,91 euros ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. A...d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le montant des revenus distribués à M. A...par la SARL F2E au cours de l'année 2010 est ramené à 7 187,91 euros.

Article 2 : M. A...est déchargé de la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 et celles résultant de l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : M. A...est déchargé des majorations pour manquement délibéré auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010.

Article 4 : Le jugement n° 1300294 du 1er octobre 2013 du Tribunal administratif de Dijon est réformé, en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 6 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Mear, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2015.

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N° 13LY03170


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