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28/05/2015 | FRANCE | N°12LY20007

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 mai 2015, 12LY20007


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 3 avril 2014, la Cour, avant dire droit sur la requête présentée pour M. A... B..., domicilié..., a prescrit une expertise médicale.

Par une ordonnance du 14 avril 2014, le président de la Cour a désigné en qualité d'expert Mme E... F....

Par une ordonnance du 23 mai 2014, le président de la Cour a désigné en qualité de sapiteur M. D... C....

Par une ordonnance du 23 mai 2014, le président de la Cour a accordé à Mme F... une allocation provisionnelle de 2 000 euros.

Par une ordonnance du 23 mai 2014

, le président de la Cour a accordé à M. C...une allocation provisionnelle de 1 500 euros.

L'e...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 3 avril 2014, la Cour, avant dire droit sur la requête présentée pour M. A... B..., domicilié..., a prescrit une expertise médicale.

Par une ordonnance du 14 avril 2014, le président de la Cour a désigné en qualité d'expert Mme E... F....

Par une ordonnance du 23 mai 2014, le président de la Cour a désigné en qualité de sapiteur M. D... C....

Par une ordonnance du 23 mai 2014, le président de la Cour a accordé à Mme F... une allocation provisionnelle de 2 000 euros.

Par une ordonnance du 23 mai 2014, le président de la Cour a accordé à M. C...une allocation provisionnelle de 1 500 euros.

L'expert et le sapiteur désignés ont déposé leur rapport et un rapport complémentaire les 6 et 21 novembre 2014.

Par ordonnances du 27 novembre 2014, le président de la Cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise aux sommes de 2 507 euros HT en ce qui concerne Mme F..., expert et de 1 501,80 euros TTC en ce qui concerne M.C..., sapiteur.

Par un mémoire enregistré le 9 janvier 2015, présenté pour le centre hospitalier de Nîmes, celui-ci indique que le préjudice de M. B...peut être évalué comme suit : DFTT du 10 au 23 janvier 2008 : 195 euros ; DFTP de 19 % du 23 janvier 2008 au 26 mars 2010 : 2 260 euros : DFTP de 22 % du 26 mars 2010 au 11 mai 2012 : 2 564,10 euros ; DFP imputable de 5 % : 4 100 euros ; douleurs physiques de 3/7 : 5 000 euros ; préjudice esthétique de 1/7 : 1 000 euros ; aide d'une tierce personne : 15 533,69 euros pour la période du 11 mai 2005 au 31 décembre 2014 et 58 842,79 euros à compter du 1er janvier 2015, sous déduction des aides que M. B...est susceptible de percevoir.

Par un mémoire enregistré le 3 février 2015, la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc demande à la Cour de réserver ses droits.

Par une lettre du 3 mars 2015 la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc a été invitée à régulariser le mémoire visé ci-dessus en le présentant pas l'un des mandataires énumérés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 27 février 2015, présenté pour M.B..., il est demandé à la Cour :

1°) de condamner le centre hospitalier de Nîmes à lui verser les sommes suivantes : dépenses de santé actuelles : 29 177,25 euros ; aide d'une tierce personne : 28 092,84 euros pour la période du 11 mai 2012 au 31 décembre 2014 et 104 966,16 euros à compter du 1er janvier 2015 ; DFT : 260 euros, 3 013,40 euros et 3 418,10 euros ; souffrances endurées : 6 000 euros ; DFP : 12 000 euros ; préjudice d'agrément : 5 000 euros ; préjudice esthétique permanent : 1 000 euros ; préjudice sexuel : 2 000 euros ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Nîmes les dépens et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la responsabilité du centre hospitalier retenue par le tribunal administratif doit être confirmée et que le rapport de l'expert doit être homologué.

Par un mémoire enregistré le 10 mars 2015, présenté pour le centre hospitalier de Nîmes, celui-ci conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Il soutient en outre que les demandes de M. B...sont excessives : la somme qu'il réclame au titre des dépenses de santé actuelles est injustifiée, ces dépenses étant prises en charge par la MSA ; le coût horaire d'une tierce personne, de 17 euros, est excessif, ce taux ne devant pas excéder 9,40 euros, soit la moyenne du SMIC horaire net de 2012 à 2014 ; M. B... ne fait pas mention des allocations qu'il reçoit et qui pourraient venir en déduction des sommes qui lui seraient versées par le centre hospitalier.

Par une ordonnance du 19 janvier 2015, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 10 février 2015 et, par une ordonnance du 27 février 2015, cette date a été reportée au 20 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public concluant en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., né le 16 octobre 1942, souffrant d'une dysplasie de la hanche droite, a été opéré en 1979 d'une ostéotomie à cette même hanche nécessitant la mise en place d'une plaque. En 2006, eu égard à l'intensification de la douleur ressentie par l'intéressé, il a été préconisé un enlèvement du matériel d'ostéosynthèse existant en vue de mettre en place une prothèse totale de la hanche. Cette opération, réalisée au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nîmes, a, compte tenu des difficultés rencontrées pour dévisser la plaque, nécessité trois interventions, la dernière ayant été effectuée au début du mois de janvier 2008, sans pose de prothèse totale de la hanche, et sans que soit pratiquée une antibiothérapie prophylactique. Quelques jours après cette dernière intervention, le patient a dû être à nouveau hospitalisé en raison d'une tuméfaction au niveau de la cicatrice du site opératoire. Il a été procédé à un nettoyage de la plaie qui s'est révélée infectée superficiellement par de rares leucocytes et quelques colonies de staphylocoques dorés. Le patient a quitté le CHU de Nîmes le 23 janvier 2008 et a bénéficié d'un traitement à base d'antibiotiques jusqu'au 21 février suivant. M. B... a dû être à nouveau hospitalisé pour un abcès à la cuisse droite. A cette occasion a été posé le diagnostic d'une infection chronique sur des séquestres osseux et prescrit une antibiothérapie pour une durée de trois mois qui a été renouvelée pour la même durée en décembre 2008. A la suite de ce traitement, si la cicatrice ne présente plus d'écoulement, l'intéressé fait néanmoins l'objet d'un traitement antibiotique au long cours, sans que puisse être exclue une reprise évolutive du sepsis.

2. M. B... fait appel du jugement du Tribunal administratif de Nîmes du 3 novembre 2011, en tant, d'une part, qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que soit ordonné un complément d'expertise ou une contre-expertise et, d'autre part, qu'il a limité à la somme de 1 000 euros l'indemnité qu'il a condamné le CHU de Nîmes à lui verser en réparation de ses préjudices, qu'il impute aux fautes commises par cet établissement.

3. Par son arrêt du 3 avril 2014, la Cour a écarté les moyens de la requête de M. B... relatifs à la régularité de l'expertise ordonnée, sur sa demande, par le juge des référés du Tribunal administratif de Nîmes. Elle a également écarté son argumentation relative aux fautes qui, selon lui, auraient été commises lors des opérations qu'il a subies au CHU de Nîmes. Elle a, en revanche, jugé cet établissement responsable de l'infection nosocomiale contractée par l'intéressé en janvier 2008. Elle a prescrit une expertise afin, d'une part, de déterminer les causes du second épisode infectieux dont il a souffert à partir d'août 2008 et, d'autre part, d'évaluer les préjudices qui ont pu en résulter pour lui.

4. Par un mémoire enregistré le 3 février 2015, la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc indique à la Cour le montant de ses débours et lui demande de réserver ses droits. Ce mémoire n'a pas été présenté par l'un des mandataires énumérés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative, auquel renvoie l'article R. 811-7, et n'a pas été régularisé malgré l'invitation qui en a été faite à cette caisse par lettre du 3 mars 2015. Il doit donc être écarté des débats.

5. Il résulte de l'instruction que, dans les suites immédiates de sa troisième prise en charge au CHU de Nîmes, le 1er janvier 2008, pour retirer la plaque fémorale mise en place 28 ans auparavant, opération réalisée le 2 janvier 2008, M. B...a connu une infection par staphylocoque doré multisensible. Selon l'expert désigné par la Cour, le patient ne présentait pas d'infection lors de son admission. Dès lors, alors que la preuve d'une cause étrangère n'est pas apportée, cette infection, survenue au décours de cette prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge, revêt le caractère d'une infection nosocomiale. Par suite, la responsabilité du CHU de Nîmes se trouve engagée, de ce fait, à l'égard de M.B....

Sur le préjudice de M.B... :

6. L'expert estime que la date de consolidation doit être fixée au 11 mai 2012.

En ce qui concerne les dépenses de santé :

7. Si M. B...demande une somme de 29 177,25 euros au titre de dépenses de santé actuelles, il ne résulte pas de l'instruction que des dépenses de cette nature sont restées à sa charge.

En ce qui concerne l'assistance par une tierce personne :

8. Selon l'expert, en l'absence de toute complication, l'état de M.B..., qui aurait conduit à la pose d'une prothèse de la hanche, n'aurait rendu nécessaire l'aide d'une tierce personne que durant 2 heures par semaine, alors que son état actuel nécessite cette aide 2 heures par jour.

9. M. B...ne demande une indemnisation de ce préjudice qu'à compter du 12 mai 2012, date de consolidation. Compte tenu d'un taux horaire de 12,50 euros, d'une durée hebdomadaire de 12 heures, eu égard au besoin d'aide d'une tierce personne requis par l'état initial de l'intéressé, et d'un taux de capitalisation de 12,549 issu de la table de survie de l'INSEE pour la période 2006-2008, avec un taux d'intérêt de 1,2 %, l'indemnité due à M. B... au titre de ce poste de préjudice doit être fixée à 98 000 euros.

10. Il ne résulte pas de l'instruction que M. B...bénéficie de la prestation de compensation du handicap prévue pas l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, qui a notamment pour objet de couvrir les frais d'assistance par tierce personne, qui, en vertu des dispositions de l'article L. 245-7 du même code, ne peut donner lieu à remboursement en cas de retour à meilleure fortune du bénéficiaire et qui doit, dès lors, venir en déduction de l'indemnité due par le CHU au titre de ces frais.

En ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire :

11. L'expert estime que du fait de la complication infectieuse, M. B...a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 10 au 23 janvier 2008, puis partiel, au taux de 19 %, jusqu'au 26 mars 2010 et au taux de 22 % jusqu'au 11 mai 2012. L'indemnité réparant ce poste de préjudice doit être fixée à 4 460 euros.

En ce qui concerne les souffrances endurées et le préjudice esthétique :

12. Les souffrances endurées par M. B...à raison de la complication infectieuse dont il a été victime ainsi que son préjudice esthétique sont évalués par l'expert à, respectivement, 3 et 1 sur une échelle de 7. Les indemnités dues à ce titre doivent être fixées à, respectivement, 3 000 euros et 700 euros.

En ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent :

13. Selon l'expert et le sapiteur, avant sa prise en charge au CHU de Nîmes, M. B... présentait, du fait d'une dysplasie de la hanche, un déficit fonctionnel permanent de 17 %. En l'absence de complication infectieuse, la pose d'une prothèse aurait permis de ramener ce taux d'incapacité à 10 %, avec une probabilité qu'ils évaluent à 80 à 90 %. Du fait des infections dont il a été victime et de l'impossibilité de mettre en place une prothèse de la hanche, son handicap a, au contraire, été aggravé, son déficit fonctionnel permanent ayant été porté à 22 %. Dans un rapport complémentaire, l'expert et le sapiteur ont précisé que " en l'absence d'infection, l'amélioration fonctionnelle aurait été très probable ", cette probabilité d'amélioration pouvant, selon eux, être évaluée à un taux compris " entre 80 % et 90 % ". Ainsi, les infections contractées ont entraîné non seulement une aggravation de 17 % à 22 % de l'invalidité de l'intéressé, mais lui ont, en outre, fait perdre, de manière certaine, la possibilité d'obtenir l'amélioration escomptée de son état, et donc que son invalidité soit ramenée à 10 %. Il sera fait une juste évaluation de l'indemnité réparant ce poste de préjudice en la fixant à 12 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice d'agrément :

14. L'expert et le sapiteur ne mentionnent pas de préjudice d'agrément autre que celui " imputable à l'évolution pour son propre compte de la pathologie initiale ". Le requérant ne justifie d'aucun préjudice d'agrément résultant de la complication infectieuse qui est survenue.

En ce qui concerne le préjudice sexuel :

15. L'expert et le sapiteur, qui mentionnent une perte de la libido dans un contexte d'état dépressif surajouté, ne font pas état d'un préjudice sexuel imputable à l'infection contractée.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a limité à 1 000 euros l'indemnité qui lui est due par le CHU de Nîmes, cette indemnité devant être portée à la somme totale de 118 160 euros.

Sur les dépens :

17. L'article R. 761-1 du code de justice administrative prévoit que : " Les dépens comprennent les frais d'expertise (...). Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".

18. Les frais de l'expertise ordonnée par la Cour doivent, dans les circonstances de l'espèce, être mis à la charge du CHU de Nîmes.

Sur les conclusions de M. B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. D'une part, M.B..., pour le compte de qui les conclusions de la requête au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ont été présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 70 % qui lui a été allouée par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Marseille du 21 février 2012. D'autre part, l'avocat de M. B...n'a pas demandé que lui soit versée par le CHU de Nîmes la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions de la requête présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 1 000 euros que le CHU de Nîmes est condamné à verser à M. B... par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Nîmes du 3 novembre 2011 est portée à 118 160 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nîmes du 3 novembre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par la Cour sont mis à la charge du CHU de Nîmes.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc et au centre hospitalier universitaire de Nîmes. Il en sera adressé copie à Mme E... F... et à M. D... C....

Délibéré après l'audience du 7 mai 2015, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2015.

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N° 12LY20007 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY20007
Date de la décision : 28/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : VIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-05-28;12ly20007 ?
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