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30/04/2015 | FRANCE | N°13LY01315

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 30 avril 2015, 13LY01315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Résidence La Rénovation a demandé au Tribunal administratif de Grenoble la condamnation de la commune de Thonon-les-Bains à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du comportement fautif de cette collectivité.

Par un jugement n° 0903823 du 14 mars 2013, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 mai 2013, la SARL Résidence La Rénovatio

n demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 14 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Résidence La Rénovation a demandé au Tribunal administratif de Grenoble la condamnation de la commune de Thonon-les-Bains à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du comportement fautif de cette collectivité.

Par un jugement n° 0903823 du 14 mars 2013, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 mai 2013, la SARL Résidence La Rénovation demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 14 mars 2013 ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise pour évaluer son préjudice économique ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Thonon-les-Bains une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 Q bis du code général des impôts.

Elle soutient que :

- le délai anormalement long dans l'instruction de ses demandes du 6 février 2006, de classement de vingt-quatre logements en meublés de tourisme, est imputable aux fautes commises par le maire de la commune qui a tardé à transmettre ces demandes au préfet, qui a demandé au préfet de suspendre l'instruction de ces demandes en raison de règles de sécurité qui ne lui étaient pas applicables, ce qu'il ne pouvait ignorer, qui lui a imposé des travaux de mise en sécurité et a pris un arrêté ordonnant la fermeture provisoire de son établissement qui a été suspendu par le juge des référés, et qui a fait preuve d'une volonté de nuire ;

- elle a subi un préjudice économique dès lors qu'elle a été privée de la possibilité d'obtenir un classement dès la période estivale de 2006, d'apparaître à ce titre dans l'annuaire national de France Télécom et dans l'annuaire local " Le Messager " et de pouvoir s'en prévaloir sur son site internet et d'obtenir le label " Clévacances " en 2006 et 2007 ;

- l'organisation d'une mesure d'instruction demandée devant le Tribunal avait pour objet de déterminer précisément et objectivement le montant de son préjudice.

Par un mémoire enregistré le 29 juin 2013, la SARL Résidence La Rénovation conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre que l'incidence du classement tardif en raison de la carence fautive du maire est établie par l'évolution de son chiffre d'affaires entre 2004 et 2011, que le classement en 2006 aurait eu dès cette époque un effet bénéfique et que l'organisation d'une mesure d'instruction est ainsi justifiée.

Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2013, la commune de Thonon-les-Bains conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL Résidence La Rénovation d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, à ce que l'Etat soit condamné à la garantir de toute condamnation.

Elle soutient que :

- la commune n'a commis aucune faute ;

- l'Etat doit être appelé dans la cause dès lors que la requérante met en réalité en cause le fonctionnement et les décisions prises par des structures relevant de l'Etat ;

- le préjudice allégué n'est pas justifié et doit être réduit à proportion de la faute commise par la société dans le refus de se conformer aux règles de sécurité ;

- à titre subsidiaire, l'Etat doit être condamné à la garantir de toute condamnation dès lors que le maire n'a fait qu'appliquer les décisions de l'Etat maintenant le classement en ERP de cet établissement et lui conseillant à tort, en exerçant des pressions, de faire respecter cette règlementation.

Par un mémoire, enregistré le 15 novembre 2013, la SARL Résidence La Rénovation conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Par un mémoire, enregistré le 20 décembre 2013, la commune de Thonon-les-Bains conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Par ordonnance en date du 17 octobre 2014, la clôture d'instruction a été fixée au 7 novembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 7 novembre 2014, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique conclut au rejet de la requête de la SARL Résidence La Rénovation et, en tout état de cause, de l'appel en garantie présenté par la commune de Thonon-les-Bains à l'encontre de l'Etat.

Il soutient que :

- la responsabilité de la commune ne saurait être engagée en l'absence de préjudice et, par suite, l'appel en garantie est dépourvu d'objet ;

- la prétendue faute de l'Etat, consistant en une erreur d'interprétation, n'est pas établie.

Par ordonnance en date du 12 novembre 2014, la clôture d'instruction a été reportée au 5 décembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code du tourisme ;

- le décret n° 87-149 du 6 mars 1987 fixant les conditions minimales de confort et d'habitabilité auxquelles doivent répondre les locaux mis en location ;

- l'arrêté du 28 décembre 1976 instituant la répartition catégorielle des meublés de tourisme et des gîtes de France ;

- l'arrêté du 30 janvier 1978 fixant les règles de construction spéciales à l'habitat de loisirs à gestion collective ;

- l'arrêté du 14 février 1986 fixant les normes et la procédure de classement des hôtels et des résidences de tourisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gallety, avocat de la SARL Résidence La Rénovation, et de Me Carnelutti, avocat de la commune de Thonon-les-Bains.

1. Considérant que la SARL Résidence La Rénovation précédemment dénommée " Apart'Hotel de La Rénovation ", qui exploitait un établissement à Thonon-les-Bains, a été radiée le 20 mars 2003 de la liste départementale des hôtels de tourisme, a décidé de poursuivre une activité de loueur de meublés avec des prestations para-hôtelière en tant qu'établissement d'hébergement non classé et a donné en location-gérance à un tiers la branche d'activité correspondant au fonds de commerce du restaurant-brasserie ; que, le 6 février 2006, cette société a adressé au maire de Thonon-les-Bains les dossiers relatifs aux vingt-quatre logements concernés pour leur classement en meublés de tourisme, conformément à l'arrêté du 28 décembre 1976 susvisé alors applicable ; que, par un arrêté en date du 21 novembre 2006, le préfet de la Haute-Savoie a classé lesdits logements dans la catégorie " meublés de tourisme " deux étoiles, à la suite de l'avis favorable émis par la commission départementale de l'action touristique le 23 octobre 2006 ; qu'estimant que le délai apporté à ce classement en meublé de tourisme était anormalement long et résultait des agissements fautifs de la commune de Thonon-les-Bains qui aurait tardé à transmettre les dossiers au préfet de la Haute-Savoie et fait retarder leur instruction en appliquant à tort les règles relatives aux établissements recevant du public aux meublés de tourisme, la société a demandé au Tribunal administratif de Grenoble la condamnation de ladite commune à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice économique qu'elle estime avoir ainsi subi ; que la SARL Résidence La Rénovation relève appel du jugement du 14 mars 2013 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le Tribunal, comme devant la Cour, l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi ; qu'il incombe alors, en principe, au Tribunal, ainsi qu'à la Cour, de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation ; qu'il ne revient au Tribunal et à la Cour d'ordonner une expertise que lorsqu'ils ne sont pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'ils ont recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile ;

3. Considérant que la SARL Résidence La Rénovation soutient que le retard pour obtenir son classement en résidence de tourisme deux étoiles l'a privée de la possibilité de se prévaloir utilement de ce classement dans l'annuaire de France Télécom, dans l'annuaire local " Le Messager " et sur son site internet et l'a empêchée d'obtenir le label " Clévacances " pour les années 2006 et 2007, ce qui a eu une incidence sur son activité et le chiffre d'affaires réalisé et lui a causé un préjudice économique ;

4. Considérant que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, et la société requérante n'allègue d'ailleurs pas qu'elle aurait interrompu son activité avant que le préfet n'ait procédé à ce classement ; que, par ailleurs il résulte des données comptables communiquées par la société qu'elle connaissait une baisse continue de son chiffre d'affaires depuis l'exercice 2005, soit antérieurement à sa demande de classement, que cette baisse s'est poursuivie jusqu'à l'exercice 2008, soit près de deux années après la décision de classement du 21 novembre 2006, et qu'une augmentation du chiffre d'affaires n'a été observée qu'à partir de l'exercice 2009 ; que la société ne produit aucun autre élément de nature à établir que le délai d'instruction de son dossier serait à l'origine d'une perte d'activité et d'un manque à gagner correspondant à une perte de clientèle ; que, dans ces conditions, elle n'établit pas l'existence d'un préjudice ; que compte tenu de ces éléments, et comme l'a jugé le Tribunal, la demande de la société aux fins que soit ordonnée une expertise pour évaluer le préjudice subi ne présente pas un caractère utile ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Résidence La Rénovation n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société une somme au titre des frais exposés par la commune de Thonon-les-Bains et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Résidence La Rénovation et les conclusions de la commune de Thonon-les-Bains présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Résidence La Rénovation, à la commune de Thonon-les-Bains et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2015 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Segado et MmeA..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 30 avril 2015.

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N° 13LY01315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01315
Date de la décision : 30/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice. Absence ou existence du préjudice. Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : GALLETY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-04-30;13ly01315 ?
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