La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/2015 | FRANCE | N°14LY00277

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 avril 2015, 14LY00277


Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2014, présentée par le préfet du Puy-de-Dôme ;

le préfet du Puy-de-Dôme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201884 du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 29 juin 2012 par laquelle le conseil municipal de Saint-Eloy-La-Glacière a procédé à la répartition du produit des coupes de bois de l'année 2011 entre les ayants droit de la section de commune de Saint-Eloy-Les Amouilhaux ;

2°) d'annuler ladit

e délibération ;

il soutient que :

- les ayants droit affouagistes disposent uniquemen...

Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2014, présentée par le préfet du Puy-de-Dôme ;

le préfet du Puy-de-Dôme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201884 du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 29 juin 2012 par laquelle le conseil municipal de Saint-Eloy-La-Glacière a procédé à la répartition du produit des coupes de bois de l'année 2011 entre les ayants droit de la section de commune de Saint-Eloy-Les Amouilhaux ;

2°) d'annuler ladite délibération ;

il soutient que :

- les ayants droit affouagistes disposent uniquement d'un droit de jouissance ;

- le partage en espèces du revenu tiré de l'affouage est prohibé par les articles L. 2411-10 et L. 2411-15 du code général des collectivités territoriales ;

- cet état du droit n'a été modifié ni par la jurisprudence qui interdit aux personnes publiques d'accorder des libéralités aux personnes privées, ni par l'article L. 145-3 du code forestier ;

- une simple coupe de bois destinée à la vente ne peut être considérée comme un affouage tel qu'il est défini dans le code forestier ; la délibération attaquée ne fait mention ni de l'affouage, ni d'un partage par feu ; la recette de la coupe de bois corrélée à la nature des bois démontre qu'il ne s'agit pas d'un partage d'affouage ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 2 avril 2014 à la commune de Saint-Eloy-La-Glacière agissant pour la section de commune Les Amouilhaux, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu l'ordonnance du 2 avril 2014 fixant la clôture d'instruction au 15 mai 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2014, présenté pour la commune de Saint-Eloy-La-Glacière agissant pour la section de commune Les Amouilhaux qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'appel formé par le préfet est irrecevable, seul le ministre de l'intérieur ayant qualité pour former appel contre le jugement litigieux ;

- un arrêt du Conseil d'Etat confirme que le conseil municipal a la faculté de vendre tout ou partie de l'affouage et de répartir le produit de la vente entre les titulaires de ce droit conformément aux dispositions de l'article L. 145-3 du code forestier ;

- conformément aux dispositions de l'article L. 145-1 et suivants du code forestier, le conseil municipal a déterminé préalablement le mode de partage retenu et a fixé la liste des affouagistes ;

- le préfet ne démontre pas que les coupes de bois n'étaient pas destinées à l'affouage et notamment que le bois objet des coupes n'est pas susceptible d'être utilisé comme bois de chauffage ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 septembre 2014, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

il soutient, en outre, que :

- dans le cadre du contrôle de légalité, le préfet est compétent pour former des recours en appel conformément à l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ;

- la délibération contestée ne satisfait pas aux conditions de l'affouage telles qu'elles sont définies par le code forestier ; le partage des revenus tirés de la vente de coupes de ligneux n'est autorisé que si ces dernières sont constituées d'affouage ; l'affouage doit être validé par l'assemblée délibérante qui détermine le mode de partage retenu ainsi que la quantité de bois nécessaire aux affouagistes afin de faire connaître cette quantité à l'Office national des forêts qui est chargé de ces coupes ; la délibération du 1er avril 2011 ne fait pas mention de bois destiné à l'affouage ; la délibération du 20 mai 2011 précise la liste des affouagistes sans mentionner le mode de partage ;

- la nature du bois ne constitue pas l'affouage, la coupe ne correspondant pas aux besoins ruraux et domestiques des ayants droit ;

Vu l'ordonnance du 1er octobre 2014 portant réouverture de l'instruction en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 mars 2015, présenté pour la commune de Saint-Eloy-La-Glacière agissant pour la section de commune Les Amouilhaux qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code forestier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2015 :

- le rapport de Mme Courret, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant la commune de Saint-Eloy-La-Glacière ;

1. Considérant que par une délibération du 29 juin 2012, le conseil municipal de Saint-Eloy-La-Glacière a procédé à la répartition du produit des coupes de bois de l'année 2011 entre les ayants-droit de la section de Saint-Eloy-Les Amouilhaux ; que le préfet du Puy-de-Dôme a déféré cette délibération au tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que le préfet relève appel du jugement du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté son déféré à l'encontre de cette délibération ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité (...) / L'appel des jugements du tribunal administratif ainsi que des décisions relatives aux demandes de suspension prévues aux alinéas précédents, rendus sur recours du représentant de l'Etat, est présenté par celui-ci. " ; qu'ainsi le préfet du Puy-de-Dôme tient de ces dispositions le pouvoir de faire appel au nom de l'Etat du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 3 décembre 2013 rejetant son déféré ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par la commune de Saint-Eloy-La-Glacière et tirée de ce que le litige dont il s'agit n'entrant pas dans les matières prévues à l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative donnant compétence au préfet pour produire des mémoires devant la cour administrative d'appel, seul le ministre aurait qualité pour interjeter appel d'un jugement rendu par le tribunal administratif, doit être écartée ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable au litige : " Constitue une section de commune toute partie d'une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune. / La section de commune a la personnalité juridique. " ; qu'aux termes de l'article L. 2411-10 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature. / Les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées par bail rural ou par convention pluriannuelle de pâturage conclue dans les conditions prévues à l'article L. 481-1 du code rural ou par convention de mise à disposition d'une société d'aménagement foncier et d'établissement rural au profit des exploitants agricoles ayant un domicile réel et fixe, ainsi que le siège d'exploitation sur la section. L'autorité municipale peut attribuer, le cas échéant, le reliquat de ces biens au profit d'exploitants agricoles sur la section ayant un bâtiment d'exploitation hébergeant pendant la période hivernale leurs animaux sur la section, ou à défaut au profit de personnes exploitant des biens sur le territoire de la section et résidant sur le territoire de la commune ; à titre subsidiaire, elle peut attribuer ce reliquat au profit de personnes exploitant seulement des biens sur le territoire de la section ou, à défaut, au profit des exploitants ayant un bâtiment d'exploitation sur le territoire de la commune. / (...) L'ensemble de ces dispositions, qui concerne les usages agricoles et pastoraux des biens de section, ne fait pas obstacle au maintien, pour les ayants droit non agriculteurs, des droits et usages traditionnels tels que l'affouage, la cueillette, la chasse notamment, dans le respect de la multifonctionnalité de l'espace rural. / Chaque fois que possible, il sera constitué une réserve foncière destinée à permettre ou faciliter de nouvelles installations agricoles. / Les revenus en espèces ne peuvent être employés que dans l'intérêt des membres de la section. Ils sont affectés prioritairement à la mise en valeur et à l'entretien des biens de la section ainsi qu'aux équipements reconnus nécessaires à cette fin par la commission syndicale. " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 145-1 du code forestier alors en vigueur : " Pour chaque coupe des forêts des communes et sections de commune, le conseil municipal (...) peut décider d'affecter tout ou partie du produit de la coupe au partage en nature entre les bénéficiaires de l'affouage pour la satisfaction de leurs besoins ruraux ou domestiques, sous réserve de la possibilité, pour ces bénéficiaires, de ne vendre que les bois de chauffage qui leur ont été délivrés en nature / Les bois non destinés au partage en nature sont vendus par les soins de l'Office national des forêts dans les conditions prévues au chapitre IV du présent titre. L'Office délivre les bois au vu d'une délibération du conseil municipal déterminant le mode de partage choisi en application de l'article L. 145-2 ainsi que les délais et les modalités d'exécution et de financement de l'exploitation. (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 145-2 du même code : " S'il n'y a titre contraire, le partage de l'affouage, qu'il s'agisse des bois de chauffage ou des bois de construction, se fait de l'une des trois manières suivantes : / 1° Ou bien par feu, c'est-à-dire par chef de famille ou de ménage ayant domicile réel et fixe dans la commune avant la publication du rôle ; / 2° Ou bien moitié par chef de famille ou de ménage et moitié par tête d'habitant remplissant les mêmes conditions de domicile. / (...) ; / 3° Ou bien par tête d'habitant ayant domicile réel et fixe dans la commune avant publication du rôle Chaque année, dans la session de printemps, le conseil municipal détermine lequel de ces trois modes de partage sera appliqué. " ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 145-3 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération litigieuse : " Le conseil municipal peut aussi décider la vente de tout ou partie de l'affouage au profit de la caisse communale ou des affouagistes (...) par les soins de l'Office national des forêts. " ; qu'aux termes de l'article R. 145-2 dudit code : " Les communes font connaître en temps opportun à l'Office national des forêts la quantité de bois qui leur est nécessaire tant pour le chauffage que pour la construction et les réparations. (...). " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus qu'une section de commune est une personne morale de droit public qui possède à titre permanent et exclusif des biens ou des droits qui sont distincts de ceux de la commune ; que, si les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature, ils ne sont pas titulaires d'un droit de propriété sur ces biens ou ces droits ; qu'ainsi, la section de commune dont les revenus en espèces doivent être employés dans son intérêt exclusif, ne peut les partager entre ses ayants droit, à l'exception, lorsque cette section est propriétaire de bois soumis à l'affouage, du produit de la vente de tout ou partie de cet affouage ; que le partage de l'affouage concerne la coupe de bois destinée à la satisfaction des besoins ruraux ou domestiques, bois de chauffage, de construction ou de réparation, des bénéficiaires de l'affouage ; qu'ainsi, le conseil municipal, après avoir préalablement fixé le mode de partage et la quantité de bois destinée à l'affouage, quantité portée à la connaissance de l'Office national des forêts chargé de la coupe, peut partager le produit de la vente de l'affouage aux ayants droit de la section de commune ;

6. Considérant que par une délibération du 29 juin 2012, le conseil municipal de Saint-Eloy-La-Glacière a procédé à la répartition du produit de la coupe de bois de l'année 2011 entre les ayants droit de la section de Saint-Eloy-Les Amouilhaux ; que si cette délibération fait référence à une délibération du 1er avril 2011 qui, selon les dires de la commune, avait décidé de vendre l'affouage par l'intermédiaire de l'Office national des forêts conformément à l'article L.145-3 du code forestier, il ressort des termes mêmes de cette délibération qu'elle avait fixé, sur proposition de l'Office national des forêts, les modalités et les destinations de vente des coupes de bois pour l'exercice 2011 de la section de Saint-Eloy-Les Amouilhaux ; que de même, si la délibération litigieuse fait mention d'une délibération du 20 mai 2011 qui avait fixé la répartition de l'affouage par feu, cette dernière n'a fait que dresser la liste des affouagistes pour 2011 ; qu'ainsi, comme le soutient le préfet du Puy-de-Dôme, et même si la délibération attaquée fait référence au partage d'une partie de l'affouage entre les ayants droit de la section de Saint-Eloy-Les Amouilhaux, le conseil municipal n'avait préalablement fixé ni le mode de partage, ni la quantité de bois destinée à l'affouage ; qu'au demeurant, un courrier daté du 31 décembre 2013 de l'Office national des forêts produit pour la première fois en appel, précise que cette coupe de bois ne concerne pas des bois d'affouage ; que, par suite, la délibération litigieuse ne peut être regardée que comme ayant partagé des revenus d'une coupe de bois et non d'une coupe délivrée pour l'affouage ; que, dès lors, le conseil municipal de Saint-Eloy-La-Glacière ne pouvait procéder au partage de ces revenus ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Puy-de-Dôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté son déféré ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Saint-Eloy-La-Glacière demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 3 décembre 2013 est annulé.

Article 2 : La délibération du 29 juin 2012 du conseil municipal de Saint-Eloy-La-Glacière est annulée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-Eloy-La-Glacière tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à la commune de Saint-Eloy-La-Glacière.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2015 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 avril 2015.

''

''

''

''

2

N° 14LY00277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00277
Date de la décision : 21/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-02-03-01 Collectivités territoriales. Commune. Biens de la commune. Intérêts propres à certaines catégories d'habitants. Sections de commune.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Catherine COURRET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : TEILLOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-04-21;14ly00277 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award