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09/04/2015 | FRANCE | N°13LY03487

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 09 avril 2015, 13LY03487


Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2013, présentée pour la société CSF France dont le siège social est zone industrielle, route de Paris à Mondeville (14120) ;

La société CSF France demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1200046 du 18 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 30 août 2011 du ministre chargé du travail en tant qu'elle a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 25 février 2011 lui refusant l'autorisation de licencier Mme A... B...et a autorisé ledit licenciement

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2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administ...

Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2013, présentée pour la société CSF France dont le siège social est zone industrielle, route de Paris à Mondeville (14120) ;

La société CSF France demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1200046 du 18 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 30 août 2011 du ministre chargé du travail en tant qu'elle a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 25 février 2011 lui refusant l'autorisation de licencier Mme A... B...et a autorisé ledit licenciement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, le dépassement des délais prévus par l'article R. 2421-14 du code du travail n'est pas excessif au regard des circonstances de l'espèce ;

- à titre subsidiaire, contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal, ces délais n'étant pas prescrits à peine de nullité, leur non respect n'est pas de nature à entacher de nullité la procédure de licenciement ;

- les griefs à l'encontre de Mme B... sont matériellement établis et sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- la société n'a pas méconnu le règlement intérieur concernant ses obligations en matière de fouille du personnel ;

- la salariée n'a été victime d'aucune discrimination ni d'une inégalité de traitement par rapport à d'autres salariés ;

- le ministre ne peut tenir compte d'éléments nouveaux postérieurs à la décision de l'inspecteur du travail pour apprécier la légalité de cette dernière décision et le ministre n'est pas tenu de faire procéder à une enquête contradictoire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 mars 2014, présenté pour Mme B... qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société CSF France d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le Tribunal a estimé que les dépassements des délais prévus à l'article R. 2421-14 du code du travail sont excessifs et de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie par l'employeur ;

- la matérialité des faits n'est pas établie par l'employeur et le doute subsistant sur les faits de vol reprochés doit profiter au salarié ;

- l'employeur a méconnu le règlement intérieur relatif au contrôle et à la fouille du personnel dès lors qu'elle n'a pas été informée de la faculté de solliciter la présence de témoins et notamment d'un représentant du personnel, que la vérification de ses effets personnels a été décidée dès 12 heures, et que deux fouilles dans le local ont été réalisées en méconnaissance de ce règlement ;

- elle a été victime de la part de son employeur d'une discrimination et d'une inégalité de traitement par rapport à un autre salarié ayant eu un comportement similaire et il appartenait au ministre, compte tenu de ces éléments nouveaux, de réaliser une enquête contradictoire dans le cadre du recours gracieux ;

Vu l'ordonnance du 15 juillet 2014 fixant la clôture d'instruction au 13 août 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2015 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Kouahou, avocat de Mme B... ;

1. Considérant que la société CSF France, qui exploitait des magasins sous l'enseigne Carrefour Market, a sollicité, par un courrier du 23 décembre 2010, l'autorisation de licencier pour faute MmeB..., qui occupait les fonctions de " première de caisse " au magasin de Pierrelatte (Drôme), qui détenait le mandat de déléguée du personnel à la suite des élections du 8 avril 2010 et qui faisait l'objet d'une mise à pied depuis le 24 novembre 2010 ; que par décision du 25 février 2011, l'inspecteur du travail a refusé de faire droit à cette demande ; que, par un courrier en date du 4 mars 2011 reçu le 8 mars 2011, la société CSF France a formé un recours hiérarchique devant le ministre chargé du travail contre ce refus ; que le ministre a, par une décision implicite née du silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours, rejeté celui-ci ; que, par décision du 28 juillet 2011, le ministre a retiré sa décision implicite, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 25 février 2011 et a autorisé le licenciement de Mme B... ; qu'après avoir été informé de ce que MmeB..., élue membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) le 23 juin 2011, bénéficiait également de la protection attachée à ce mandat, le ministre a, le 30 août 2011, d'une part, retiré sa décision expresse du 28 juillet 2011 et, d'autre part, décidé une nouvelle fois de retirer sa décision implicite et celle du 25 février 2011 de l'inspecteur du travail et d'autoriser ledit licenciement ; que Mme B...a, par courriers du 6 septembre 2011 réceptionnés le 8, formé des recours gracieux contre les deux décisions du ministre des 28 juillet et 30 août 2011 ; que, le ministre a implicitement rejeté ces recours ; qu'à la suite des demandes présentées par Mme B... le 5 janvier 2012, le Tribunal administratif de Grenoble a, par l'article 1er de son jugement du 18 octobre 2013, annulé la décision du 30 août 2011 du ministre chargé du travail en tant qu'elle a annulé la décision de l'inspecteur du travail 25 février 2011 refusant l'autorisation de licencier Mme B... et autorisé ledit licenciement ; que la société CSF France relève appel de l'article 1er de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied. La mesure de mise à pied est privée d'effet lorsque le licenciement est refusé par l'inspecteur du travail ou, en cas de recours hiérarchique, par le ministre. " ; que si ces délais de dix jours et de quarante-huit heures ne sont pas prescrits à peine de nullité, ils doivent cependant être aussi courts que possible eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied ;

3. Considérant que Mme B... a fait l'objet d'une mise à pied à compter du 24 novembre 2010 ; que, comme l'expose l'intimée, le comité d'entreprise ne s'est réuni que le 14 décembre 2010, soit vingt jours après la mise à pied ; qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que la nécessité d'assurer une bonne information du comité d'entreprise et la réalisation d'une enquête complémentaire, alors notamment que les faits et les recherches complémentaires comme des auditions de témoins ne revêtaient aucune complexité ou difficulté particulière, impliquaient, comme l'allègue la société requérante, ce dépassement important, de dix jours, du délai prévu par les dispositions précitées, ni que la période de forte activité de fin d'année ou la circonstance que les membres du comité d'entreprise étaient issus de différents magasins auraient rendu difficile le respect de ce délai et seraient la cause, même pour partie, d'un tel dépassement ;

4. Considérant, en outre, qu'il ressort des pièces du dossier que, comme le soutient l'intimée, en admettant même que la demande d'autorisation de licenciement datée du 23 décembre 2010 ait été envoyée par l'employeur ce jour-là à l'inspection du travail qui l'a reçue le 28 décembre, il ressort des pièces du dossier que le délai de neuf jours ainsi mis pour présenter cette demande depuis le 14 décembre 2010, date de la réunion du comité d'entreprise ayant délibéré sur le projet de licenciement de MmeB..., dépasse lui aussi de manière importante le délai de quarante-huit heures prévu par les dispositions précitées ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le dépassement de sept jours de ce délai résulterait de circonstances particulières ou indépendantes de l'employeur, notamment qu'il serait la conséquence du délai de rédaction du procès-verbal de la réunion du 14 décembre 2010 qui serait seulement imputable au secrétaire du comité d'entreprise comme l'allègue la société requérante ;

5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, les délais ainsi écoulés entre la date de prise d'effet de la mise à pied conservatoire de MmeB..., la date de réunion du comité d'entreprise et la date de la demande d'autorisation de licenciement, soit au total vingt-neuf jours au lieu de douze jours prévus par les dispositions précitées du code du travail, sont excessifs ; que, contrairement à ce que soutient la société CSF France, la longueur excessive de ces délais affecte la régularité la procédure suivie par l'employeur et, par suite, entache d'illégalité les décisions litigieuses du ministre chargé du travail annulant le refus opposé par l'inspecteur du travail et autorisant la société CSF France à licencier cette salariée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CSF France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CSF France le paiement à Mme B...d'une somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société CSF France est rejetée.

Article 2 : La société CSF France versera à Mme B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société CSF France, à Mme A... B...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2015 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 avril 2015.

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N° 13LY03487


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY03487
Date de la décision : 09/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Procédure préalable à l'autorisation administrative.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : FROMONT BRIENS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-04-09;13ly03487 ?
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