Vu la requête, enregistrée le 12 février 2014, présentée pour M. C... A...et Mme B...A..., domiciliés CCAS, 35 rue Garillard au Péage de Roussillon (38550) ;
M. et Mme A... demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1305052-1305053 du 16 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 16 juillet 2013 refusant de leur délivrer un titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de leur délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de leur remettre une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer leur situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à leur conseil d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent :
- que les refus de titre de séjour sont insuffisamment motivés, notamment en ce qui concerne l'état de santé de Mme A... et la possibilité pour elle de recevoir des soins au Kosovo ; que le refus de titre de séjour opposé à Mme A... méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que compte tenu notamment de la durée de leur séjour en France, le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales par voie de conséquence ; qu'elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article 3 de cette convention et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement attaqué ;
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction ;
En application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative, le rapporteur public a, sur sa proposition, été dispensé d'exposer ses conclusions à l'audience ;
Vu les décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) du 6 mars 2014, admettant M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et refusant cette aide à Mme A... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les requérants ayant été régulièrement avertis du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2015 le rapport de M. Clot, président ;
1. Considérant que M. et Mme A..., ressortissants du Kosovo, déclarent être entrés irrégulièrement en France le 29 novembre 2010 ; que le statut de réfugié leur a été refusé par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 juillet 2011, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 11 décembre 2012 ; que Mme A...a sollicité, le 25 janvier 2013, un titre de séjour sur le fondement du 11°de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 16 juillet 2013, le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que les intéressés font appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que les décisions en litige refusant un titre de séjour à M. et Mme A..., qui comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, satisfont à l'obligation de motivation qu'impose la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat (...)" ;
4. Considérant que par avis du 8 mars 2013, un médecin de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes a estimé que l'état de santé de Mme A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque ; qu'il ressort des certificats médicaux qu'elle produit que Mme A... a subi une biopsie du sein gauche le 17 mars 2011 qui a révélé un fibro-adénome, qu'elle s'est fait implanter une prothèse au genou droit le 4 avril 2011, qu'elle ressent toujours des douleurs au niveau de cette articulation, qu'elle souffre d'hypertension artérielle, de diabète non insulino-dépendant et d'une dépression réactionnelle ; qu'elle fait valoir que ces pathologies nécessitent un suivi dont elle ne pourra pas bénéficier au Kosovo, compte tenu notamment de son origine Rom ; que cette circonstance n'est pas de nature à établir l'absence de traitement approprié dans ce pays ; que, dès lors, le préfet de l'Isère, qui a décidé de suivre l'avis précité du médecin de l'agence régionale de santé, n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en refusant à Mme A... le titre de séjour qu'elle a sollicité ;
5. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
6. Considérant que M. et Mme A... font valoir qu'ils ont fait preuve d'une réelle volonté d'intégration et que plusieurs membres de leur famille résident sur le territoire français ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A..., qui ne sont entrés en France qu'à l'âge de, respectivement, 55 et 56 ans, n'y séjournaient que depuis deux ans et huit mois à la date des décisions en litige ; qu'ils ne sont pas dépourvus de tous liens familiaux dans leur pays d'origine, où résident trois de leurs enfants ; qu'ainsi, eu égard aux conditions et à la durée de leur séjour en France, le préfet de l'Isère n'a pas porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale que garantit l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que ses décisions sont susceptibles de comporter pour la situation personnelle des intéressés ;
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). " ; que le 16 juillet 2013, M. et Mme A..., à qui le préfet de l'Isère avait refusé un titre de séjour, se trouvaient dans le cas prévu par ces dispositions, dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
8. Considérant que les décisions refusant à M. et Mme A... un titre de séjour n'étant pas illégales, ces derniers ne sont pas fondés à se prévaloir de l'illégalité de ces refus à l'encontre des décisions les obligeant à quitter le territoire français ; que, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité des refus de titre de séjour, les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaissent pas les stipulation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni ne sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; que ces décisions ne désignant pas le pays de destination, le moyen tiré de ce que les intéressés encourraient des risques en cas de retour dans le pays dont ils possèdent la nationalité est inopérant ;
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
9. Considérant que les décisions refusant à M. et Mme A... un titre de séjour et leur faisant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégales, ces derniers ne sont pas fondés à se prévaloir de leur illégalité à l'encontre des décisions fixant le pays de destination ;
10. Considérant qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que le retour au Kosovo de M. et Mme A... pourrait porter une atteinte excessive au droit au respect de leur vie privée et familiale qu'ils tiennent des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni que les décisions désignant le Kosovo comme pays à destination duquel ils seront éloignés soient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elles sont susceptibles de comporter pour leur situation personnelle ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
12. Considérant que si M. et Mme A...font valoir qu'ils ne peuvent retourner au Kosovo où leur vie serait menacée, ils ne justifient pas de la réalité de risques actuels et personnels qu'ils encourraient dans ce pays ; que d'ailleurs, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont refusé de leur accorder le statut de réfugié ; que, par suite, les décisions contestées ne méconnaissent ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles de leur conseil tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 29 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 février 2015.
''
''
''
''
N° 14LY00360 2