La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/02/2015 | FRANCE | N°13LY02510

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 19 février 2015, 13LY02510


Vu la requête, enregistrée le 16 septembre 2013, présentée pour M. B...A..., domicilié ... ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 1101072 du 16 juillet 2013 en tant qu'il a limité à 31 915 euros l'indemnité mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) en réparation des préjudices subis en conséquence d'une intervention chirurgicale pratiquée le 16 octobre 2006 au centre hospitalier d'Albertville ;

) de condamner l'ONIAM à lui verser une indemnité d'un montant total de 1 070 150,20...

Vu la requête, enregistrée le 16 septembre 2013, présentée pour M. B...A..., domicilié ... ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 1101072 du 16 juillet 2013 en tant qu'il a limité à 31 915 euros l'indemnité mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) en réparation des préjudices subis en conséquence d'une intervention chirurgicale pratiquée le 16 octobre 2006 au centre hospitalier d'Albertville ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser une indemnité d'un montant total de 1 070 150,20 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 15 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance ;

Il soutient qu'il est fondé à demander l'indemnisation :

- au titre des préjudices patrimoniaux temporaires, de frais de transport, d'assistance d'une tierce personne, de matériel médical ainsi que d'assistance à expertise, et d'une perte de gains professionnels ;

- au titre des préjudices patrimoniaux permanents, de frais d'assistance d'une tierce personne, de pertes de gains professionnels futurs et d'une incidence professionnelle ;

- au titre de préjudices extrapatrimoniaux temporaires, d'un déficit temporaire, des souffrances et d'un préjudice esthétique ;

- au titre des préjudices extrapatrimoniaux permanents, d'un préjudice esthétique, d'un préjudice sexuel et d'un préjudice d'agrément ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 mars 2014, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- M. A..., auquel il incombe de verser toute pièce relative aux frais de transport qu'il affirme avoir exposés, ne verse aucun élément probant ;

- le requérant n'a pas subi de perte de gains professionnels actuels ;

- M. A... ne peut solliciter l'indemnisation, au titre de l'assistance d'une tierce personne, d'une assistance psychologique ; le taux de déficit fonctionnel temporaire et permanent ne justifie pas une réévaluation des besoins en tierce personne fixés par l'expert ;

- dès lors que M. A... n'est pas inapte à tout poste, l'existence d'une éventuelle incidence professionnelle ne peut résulter que de la constatation de difficultés de reclassement, qui ne résultent pas exclusivement de la complication survenue à l'occasion de l'intervention en cause ; l'incidence professionnelle est compensée par le versement d'une rente annuelle ;

- aucune perte de gains professionnels en lien direct, exclusif et certain avec la complication chirurgicale ne peut être établie ; à titre subsidiaire, l'indemnité devrait être calculée en fonction d'un barème de capitalisation temporaire et M. A... devrait fournir des éléments relatifs aux indemnités journalières pour maladie versées à compter du 1er juillet 2009 ;

- les montants retenus par les premiers juges au titre des troubles dans les conditions d'existence, des souffrances endurées, du préjudice esthétique permanent et du préjudice sexuel doivent être confirmés ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les demandes de M. A... tendant à l'indemnisation d'un préjudice esthétique temporaire et d'un préjudice d'agrément ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 mai 2014, présenté pour M. A..., qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens et conclut, en outre, à titre subsidiaire, à l'organisation d'une mesure d'expertise médicale ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 janvier 2015, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2015 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A..., né en 1968, a subi, à la suite d'un accident du travail, une intervention chirurgicale de cure d'une hernie inguinale, pratiquée le 13 octobre 2006 au centre hospitalier d'Albertville, sous rachi-anesthésie, au cours de laquelle il aurait ressenti une vive douleur dans le membre inférieur droit, et s'est plaint dans les jours qui ont suivi de dysesthésies ; que nonobstant une intervention, pratiquée le 13 juin 2007 au centre hospitalier universitaire de Grenoble, d'ablation du matériel mis en place lors de l'intervention chirurgicale pratiquée en octobre 2006, il a continué à présenter des troubles et des souffrances, consistant en des troubles sensitifs et des douleurs de la racine de la cuisse et de la région scrotale droites, en raison d'une atteinte neurologique ; que par une lettre du 28 mai 2008, M. A... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Rhône-Alpes d'une demande d'indemnisation, et l'expert désigné a rendu le 6 décembre 2008 un rapport d'expertise par lequel il concluait à l'absence de faute de l'hôpital, en indiquant que " la complication nerveuse apparue relève d'un accident médical dont la littérature fait état comme une éventualité bien connue à craindre dans la chirurgie des hernies inguinales " ; que par une lettre du 29 mai 2009, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a adressé à M. A... un protocole d'indemnisation, complété par une offre du 27 octobre 2010, à hauteur de 26 964,64 euros, qui n'a pas été accepté par l'intéressé, qui a saisi le Tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à lui verser une indemnité d'un montant total de 1 070 150,20 euros en réparation des préjudices subis en conséquence de l'intervention chirurgicale pratiquée le 16 octobre 2006 au centre hospitalier d'Albertville ; que M. A... fait appel du jugement du 16 juillet 2013 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a limité à 31 915 euros l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM ;

Sur les préjudices patrimoniaux :

En ce qui concerne les dépenses de santé :

2. Considérant que M. A... ne justifie pas des frais de transport qu'il affirme avoir exposés pour se rendre à des séances de kinésithérapie et de psychologie et dont il sollicite l'indemnisation à titre forfaitaire ;

En ce qui concerne les frais liés au handicap :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par la CRCI, qui a constaté que M. A... pouvait se déshabiller seul, avec difficultés, et évalué au taux de 10 % le déficit fonctionnel permanent dont demeure atteint l'intéressé, depuis la date de consolidation de son état de santé, fixée au 5 novembre 2008, après avoir subi un déficit fonctionnel temporaire évalué à un taux de 30 % durant la période comprise entre le 13 octobre 2006 et le 5 novembre 2008, que " la participation de la famille apparaît nécessaire pour divers actes de la vie courante " sous la forme d'une intervention ponctuelle, en fonction des nécessités, d'une tierce personne, dans la limite de trois heures par semaine ; qu'il en résulte également, toutefois, que M. A... bénéficie de la prise en charge, par le département de la Savoie, au titre d'une prestation de compensation du handicap, de l'assistance d'une tierce personne pour une durée quotidienne de 55 minutes, pour un montant mensuel fixé à 93,73 euros pour la période correspondant au mois de juin 2009 puis à 97,09 euros depuis le 1er juillet 2009 ; qu'en se bornant à affirmer que sa compagne assure tous ses déplacements avec son propre véhicule et lui apporte l'assistance psychologique nécessaire, M. A... ne justifie pas avoir besoin d'une assistance supplémentaire, pour une durée quotidienne qu'il évalue à deux heures, sans exposer en quoi consisterait ce besoin d'assistance pour une durée supérieure à celle retenue par l'expert comme à celle déjà prise en charge ; que ses conclusions tendant à la condamnation de l'ONIAM à lui verser une indemnité au titre de l'assistance d'une tierce personne doivent, dès lors, être rejetées ;

En ce qui concerne les pertes de revenus :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le montant annuel moyen des revenus perçus par M. A... au titre de son activité professionnelle de maçon au cours des années 2004 et 2005, précédant l'année au cours de laquelle l'intervention chirurgicale à l'origine des complications en cause a été pratiquée, tels qu'ils ressortent des avis d'imposition de l'intéressé, doit être évalué à 26 220 euros ; que le montant annuel moyen de son revenu au cours de l'année 2005 et de la période de l'année 2006 antérieure à ladite intervention, rapporté à l'année entière, peut être évalué à un montant total de 70 463 euros ; que dès lors qu'il résulte également de l'instruction qu'au cours de la période d'incapacité temporaire subie par M. A... entre la date de l'accident médical et la date de consolidation de son état de santé il a perçu des indemnités journalières, au titre d'un accident du travail, pour un montant total de 74 568, 85 euros, supérieur au montant des revenus qu'il aurait perçus durant la même période sans cet accident, le requérant n'est pas fondé à demander une indemnisation à ce titre pour ladite période ;

5. Considérant, en second lieu, que si M. A... affirme qu'il serait, depuis la date de consolidation de son état de santé fixée par l'expert au 5 novembre 2008, dans l'incapacité d'effectuer tout travail, eu égard à son déficit fonctionnel, aux douleurs et à un syndrome dépressif, et qu'il ne perçoit comme revenu qu'une allocation adulte handicapé, d'un montant mensuel de 329,87 euros, et une rente d'accident du travail, d'un montant mensuel de 363,48 euros, alors qu'il percevait un revenu mensuel de 3 000 euros lorsqu'il était en activité, tout en produisant par ailleurs une déclaration de revenu pour l'année 2010 faisant apparaître un revenu annuel de 26 949,98 euros, il résulte de l'instruction que le taux d'incapacité permanente subi par l'intéressé a été fixé à 10 % par l'expert, qui a relevé que " M. A... n'est pas dans l'incapacité de se livrer à toute activité procurant gain ou profit " et que le requérant perçoit une rente d'accident du travail déterminée sur la base d'une incapacité professionnelle de 7 % ; que dès lors M. A..., qui au demeurant n'a pas chiffré ce poste de préjudice, n'est pas fondé à réclamer une indemnisation au titre de la perte de tout revenu à raison d'une incapacité totale de travail ;

En ce qui concerne l'incidence professionnelle :

6. Considérant que M. A..., qui se borne à prétendre être dans l'incapacité de se livrer à toute activité professionnelle, contrairement au demeurant à l'avis de l'expert désigné par la CRCI, et à solliciter le versement d'une indemnité évaluée par application d'un barème de capitalisation à la perte du revenu escompté de l'activité professionnelle exercée avant l'accident médical en cause, ne justifie pas que la nature de son handicap aurait eu des conséquences sur son activité professionnelle distinctes des pertes de revenus, et dont il serait fondé à demander l'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle ;

Sur les préjudices extra-patrimoniaux :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport, déposé le 6 décembre 2008 par l'expert mandaté par la CRCI, que l'état de santé de M. A... est à l'origine de troubles dans ses conditions d'existence, caractérisés, selon ledit expert, par un déficit fonctionnel temporaire estimé à 30 % du 13 octobre 2006 au 5 novembre 2008, sous déduction d'une période de 33 jours correspondant aux suites habituelles d'une intervention de cure chirurgicale d'une hernie inguinale sans complication, puis un déficit fonctionnel permanent de 10 % ; qu'il n'en résulte pas que les premiers juges se sont livrés à une appréciation insuffisante de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 20 000 euros ; qu'il en est de même de l'évaluation par les premiers juges du préjudice esthétique, à hauteur de 1 500 euros, des souffrances endurées, évaluées par l'expert à 3,5 sur une échelle de 7, à hauteur de 4 500 euros, et du préjudice sexuel, à hauteur de 5 000 euros ; qu'il n'en résulte pas qu'en conséquence de l'accident médical survenu à l'occasion de l'intervention chirurgicale pratiquée le 13 octobre 2006, M. A..., dont l'état de santé était, avant l'intervention en cause, caractérisé par des douleurs inguinales, ne pourrait plus pratiquer certaines activités de loisirs qu'il aurait pratiquées antérieurement, alors au demeurant qu'ainsi que le relève l'ONIAM, l'intéressé a acquis, postérieurement à la date de consolidation de son état de santé, au cours de l'année 2009, une carte destinée à la pratique de la pêche qu'il indique ne plus pouvoir pratiquer ; que le requérant n'est donc pas fondé à solliciter l'indemnisation d'un préjudice d'agrément spécifique, qui n'aurait pas déjà été indemnisé au titre des troubles dans ses conditions d'existence ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a limité à un montant de 31 915 euros l'indemnité mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en réparation des préjudices subis en conséquence de l'intervention chirurgicale pratiquée le 16 octobre 2006 au centre hospitalier d'Albertville ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la mise à la charge de l'ONIAM des dépens de l'instance :

9. Considérant, en premier lieu, que M. A... ne justifie pas des frais qu'il affirme avoir dû supporter pour se rendre aux opérations d'expertise ; que, dès lors, ses conclusions tendant à la mise à la charge de l'ONIAM de ces frais au titre des dépens de l'instance doivent être rejetées ;

10. Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'a pas la qualité de partie perdante, au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie. Copie en sera adressée à l'expert.

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 février 2015.

''

''

''

''

1

2

N° 13LY02510


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02510
Date de la décision : 19/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : LAZZARIMA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-02-19;13ly02510 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award