Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2013, présentée par le préfet de la Savoie ;
Le préfet de la Savoie demande à la Cour d'annuler le jugement n°1204581 en date du 18 octobre 2013 du Tribunal administratif de Grenoble qui a déchargé la société Koné du versement de la somme de 4 796 euros au titre de la contribution forfaitaire aux frais de réacheminement de l'étranger, mise à sa charge par l'arrêté du 30 août 2011 et qui a mis à la charge de l'Etat le versement à la société Koné d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Le préfet de la Savoie soutient que :
- la société était forclose à demander devant le Tribunal administratif de Grenoble la décharge de la somme de 4 796 euros au titre de la contribution forfaitaire aux frais de réacheminement de l'étranger, mise à sa charge par l'arrêté du 30 août 2011, dès lors que son recours gracieux a bien été reçu le 24 octobre 2011 par les services de la préfecture ainsi que l'atteste l'accusé de réception postal et que la société avait donc jusqu'à 24 février 2012 pour en demander au contentieux l'annulation ; que sa requête, enregistrée au greffe du tribunal le 27 février 2012, était par suite tardive ;
- le moyen de légalité externe tiré de l'absence de communication à la société de la copie du procès-verbal de gendarmerie relatant les faits sur lesquels se fondait l'administration pour prendre la décision en litige doit être écarté dès lors qu'il n'appartient qu'au procureur de la République de communiquer un tel procès-verbal ;
- il était fondé, en application des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, de mettre à la charge de la société Koné le versement de la somme de 4 796 euros au titre de la contribution forfaitaire aux frais de réacheminement de l'étranger, dès lors qu'il appartenait à cette société en sa qualité de donneur d'ordre de vérifier que son sous-traitant, la société TPA, s'était acquittée de ses obligations consistant à vérifier la situation administrative du ressortissant moldave et du ressortissant ukrainien qui ont travaillé pour elle ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 2 avril 2014 fixant la clôture d'instruction au 30 avril 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2014, présenté pour la société anonyme Koné, dont le siège est Savoie Technolac, BP 260 au Bourget du Lac (73375), représentée par son président directeur général en exercice, qui conclut au rejet de la requête du préfet de la Savoie ;
La société Koné soutient que :
- la fin de non recevoir opposée à sa requête par préfet de la Savoie doit être écartée, dès lors qu'elle avait formé un recours gracieux dont le préfet n'a pas accusé réception en application des dispositions de l'article 19 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; que le délai de forclusion n'a pu en conséquence courir à compter du jour d'intervention de la décision implicite de rejet de ce recours gracieux ; que par requête enregistrée le 27 février 2012, elle a sollicité l'annulation dudit arrêté, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, laquelle requête a été rejetée par ordonnance n° 1201297 en date du 21 juin 2012 du président du Tribunal administratif de Grenoble pour défaut de timbre ;
- la sanction qui a été prise à son encontre est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'en dépit de la demande qu'elle a formulée, les procès-verbaux de police et d'audition de son responsable ne lui ont pas été communiqués, en violation des règles de la procédure administrative contentieuse qui imposent le respect du contradictoire et des droits de la défense ; que s'agissant d'une sanction administrative et non d'une sanction pénale, il ne saurait être exigé qu'elle en demande communication au procureur de la République ;
- la sanction administrative n'était pas fondée en droit, dès lors que celle-ci n'était pas employeur de M. A...et de M.C... ;
- elle n'a pas violé les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, dès lors qu'elle était de bonne foi et qu'elle a bien procédé aux vérifications nécessaires avant de recourir aux services des deux salariés employés par la société TPA ;
- la solidarité financière du donneur d'ordre ne saurait être appliquée en l'espèce alors qu'il n'y avait aucune situation de sous traitance ;
- l'article R. 5221-2 du code du travail est incompatible avec les articles 59 et 60 du traité CEE ;
Vu la lettre du 15 octobre 2014 par laquelle la Cour a informé les parties que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur le moyen tiré d'office de l'irrecevabilité des conclusions de la demande que la société Koné a déposée devant le Tribunal administratif de Grenoble tendant à la décharge de la somme de 4 796 euros mise à sa charge au titre de la contribution forfaitaire aux frais de réacheminement de l'étranger par l'arrêté du préfet de la Savoie du 30 août 2011, enregistrée au greffe dudit tribunal le 21 août 2012, dès lors que cette société avait formé un premier recours contentieux le 27 février 2012 qui a été rejeté par ordonnance du président du Tribunal administratif de Grenoble n° 1201297 du 21 juin 2012 ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 octobre 2014, présenté pour la société anonyme Koné qui conclut aux mêmes fins que précédemment, pour les mêmes motifs et qui soutient, en outre, que le moyen tiré d'office de l'irrecevabilité des conclusions de la demande que la Cour est susceptible de retenir doit être écarté, dès lors qu'en l'espèce il aboutirait à porter atteinte au droit de l'exposante, qui n'a pas été avisée en temps utile du vice entachant sa première requête, à avoir un procès équitable, tel que ce droit est garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a lieu, par suite, d'écarter l'application des dispositions de l'article R. 412-5 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier, notamment l'ordonnance n° 1201297 en date du 21 juin 2012 du président du Tribunal administratif de Grenoble ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2015 :
- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant la société Koné ;
1. Considérant que le 5 août 2010, la police de l'air et des frontières a contrôlé au péage autoroutier de Saint-Jean-de-Maurienne MM. C...etA..., respectivement ressortissant ukrainien et ressortissant moldave, lesquels étaient dépourvus de titre de séjour les autorisant à travailler en France alors qu'ils étaient pourtant employés sur un chantier confié à la société Koné ; que, par un arrêté du 30 août 2011, le préfet de la Savoie a mis à la charge de la société Koné la somme de 4 796 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par jugement n°1204581 du 18 octobre 2013, dont le préfet de la Savoie fait appel, le Tribunal administratif de Grenoble a déchargée la société Koné du versement de cette somme ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...) La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou la publication de la décision attaquée " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ; que l'auteur d'un recours juridictionnel tendant à l'annulation d'une décision administrative doit toutefois être réputé avoir eu connaissance de la décision qu'il attaque au plus tard à la date à laquelle il a formé son recours ; que si un premier recours contre une décision notifiée sans mention des voies et délais de recours a été rejeté, son auteur ne peut introduire un second recours contre la même décision que dans un délai de deux mois à compter de la date d'enregistrement du premier au greffe de la juridiction saisie ; qu'il en va ainsi quelle que soit la date à laquelle la décision rejetant le premier recours est notifiée ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Koné a formé le 24 octobre 2011, un recours gracieux contre l'arrêté du 30 août 2011 par lequel le préfet de la Savoie a mis à sa charge la somme litigieuse ; que le préfet de la Savoie n'a pas répondu à ce recours, de sorte qu'une décision implicite de rejet est née le 24 décembre 2011 ; que la société Koné a formé, le 27 février 2012, devant le Tribunal administratif de Grenoble un recours contentieux contre la décision du 30 août 2011 ainsi que contre la décision implicite de rejet de son recours contre cette dernière ; que ce recours a été rejeté par ordonnance du président du Tribunal administratif de Grenoble n° 1201297 du 21 juin 2012 ; que, par suite, le délai de recours de deux mois doit être décompté à partir du 27 février 2012, date d'enregistrement de la première demande de la société Koné ; qu'il était expiré le 21 août 2012, date de sa nouvelle demande devant le Tribunal administratif de Grenoble ; que cette demande était donc tardive, sans que la société Koné, qui n'a pas été en mesure de saisir le juge, puisse invoquer les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant que faute d'avoir soulevé d'office cette irrecevabilité, le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 18 octobre 2013 doit être annulé ; que la demande présentée par la société Koné tendant à la décharge du versement de la somme de 4 796 euros au titre de la contribution forfaitaire aux frais de réacheminement de l'étranger, mise à sa charge par l'arrêté du préfet de la Savoie du 30 août 2011, doit en conséquence être rejetée ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société Koné une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°1204581 du Tribunal administratif de Grenoble du 18 octobre 2013 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Koné devant le Tribunal administratif de Grenoble ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de la Savoie et à la société anonyme Koné.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2015 à laquelle siégeaient :
M. Wyss, président de chambre,
M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 février 2015.
Le rapporteur,
O. Mesmin d'EstienneLe président,
J-P. Wyss
La greffière,
M-T. Pillet
La République mande et ordonne au préfet de la Savoie, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 13LY03111