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05/02/2015 | FRANCE | N°13LY02310

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 05 février 2015, 13LY02310


Vu I, sous le n° 13LY02310, le recours enregistré le 16 août 2013, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

Le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 1200231 du 18 juin 2013 en tant qu'il a annulé la décision du 18 juin 2011 de l'inspecteur du travail refusant à la société Mewa l'autorisation de licencier M. A...B..., ainsi que sa décision du 8 février 2012 co

nfirmant ce refus, et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme...

Vu I, sous le n° 13LY02310, le recours enregistré le 16 août 2013, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

Le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 1200231 du 18 juin 2013 en tant qu'il a annulé la décision du 18 juin 2011 de l'inspecteur du travail refusant à la société Mewa l'autorisation de licencier M. A...B..., ainsi que sa décision du 8 février 2012 confirmant ce refus, et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à la société Mewa au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les conclusions ci-dessus analysées de la demande de la société Mewa devant le tribunal administratif ;

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, l'utilisation du système de géolocalisation comme dispositif de contrôle du travail des salariés a constitué un mode de preuve illicite compte tenu de ce que ce dispositif a été utilisé à d'autres fins que celles déclarées à la CNIL et de ce que l'employeur n'a pas respecté ses obligations d'information collective et individuelle ; ainsi, les griefs invoqués par l'employeur, obtenus au moyen de ce procédé, ne sont pas établis ;

- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, les faits reprochés à M. B...concernant des livraisons chez un client les 20 janvier et 2 février 2011 ne sont pas établis ;

- à titre subsidiaire, il demande que soit substitué au motif initial celui tiré de l'absence de gravité suffisante de la faute ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 29 octobre 2013 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, fixant au 26 novembre 2013 la date de clôture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 octobre 2013, présenté pour la société Mewa, qui conclut au rejet du recours du ministre et à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de M. B...chacun une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le Tribunal a estimé que les incidents chez un client les 20 janvier et 2 février 2011 étaient établis ;

- comme l'a jugé le Tribunal, il est établi que M. B...a emprunté le périphérique parisien malgré l'interdiction eu égard au poids de matière dangereuse transporté, que cette faute, constitutive d'un manquement aux règles de sécurité, est d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que la preuve de cette faute a été obtenue selon un procédé licite ;

- M. B...a fait l'objet dans le passé de plusieurs sanctions et continue à enfreindre les règles ;

Vu les mémoires, enregistrés les 4 novembre et 6 décembre 2013, présentés pour M. A... B..., qui conclut à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé les décisions refusant son licenciement, au rejet de la demande formée par la société Mewa devant le tribunal administratif et à ce que soit mise à la charge de cette société une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- concernant les incidents des 20 janvier et 2 février 2011, aucun protocole de sécurité n'a été rédigé et aucune procédure de chargement et déchargement ne lui était opposable ; il ne connaissait pas ainsi les nouvelles consignes du client alors qu'il le livrait depuis près de cinq années ; il n'a jamais refusé une livraison ; le doute doit profiter au salarié ;

- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, l'information concernant l'emprunt du périphérique parisien résulte d'un procédé illicite ; il conteste en outre la fiabilité du système de géolocalisation mis en place ainsi que l'emprunt du périphérique en infraction avec l'interdiction de circulation des matières dangereuses ;

Vu l'ordonnance du 5 novembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 6 décembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance du 10 décembre 2013 reportant la clôture d'instruction au 3 janvier 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu II, sous le n° 13LY02320, la requête enregistrée le 21 août 2013, présentée pour M. A... B..., domicilié... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 1200231 du 18 juin 2013 en tant qu'il a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 18 juin 2011 refusant à la société Mewa l'autorisation de le licencier, ainsi que la décision du ministre chargé du travail du 8 février 2012 confirmant ce refus ;

2°) de rejeter les conclusions ci-dessus analysées de la demande de la société Mewa devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la société Mewa une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- concernant les incidents des 20 janvier 2011 et 2 février 2011, aucun protocole de sécurité n'a été rédigé et aucune procédure de chargement et déchargement ne lui était opposable ; ainsi, il ne connaissait pas les nouvelles consignes du client alors qu'il le livrait depuis près de cinq années ; il n'a jamais refusé une livraison ; le doute doit profiter au salarié ;

- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, l'information concernant l'emprunt du périphérique parisien résulte d'un procédé illicite ; il conteste en outre la fiabilité du système de géolocalisation mis en place ainsi que l'emprunt du périphérique en infraction avec l'interdiction de circulation des matières dangereuses ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 29 octobre 2013 fixant la clôture d'instruction au 26 novembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 octobre 2013, présenté pour la société Mewa, qui conclut au rejet de la requête de M. B...et à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de M. B... chacun une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le Tribunal a estimé que les incidents chez un client les 20 janvier et 2 février 2011 sont établis ;

- comme l'a jugé le Tribunal, il est établi que M. B...a emprunté le périphérique parisien malgré l'interdiction eu égard au poids de matière dangereuse transporté ; cette faute, constitutive d'un manquement aux règles de sécurité, est d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; la preuve de cette faute a été obtenue selon un procédé licite ;

- M. B...a fait l'objet dans le passé de plusieurs sanctions et continue à enfreindre les règles ;

Vu l'ordonnance du 5 novembre 2013 reportant la clôture d'instruction au 6 décembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 décembre 2013, présenté pour M. A...B..., qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 10 décembre 2013 reportant la clôture d'instruction au 3 janvier 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la route ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel ;

Vu la loi ° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2015 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Delay, avocat de M. B...et de Me Dubruel, avocat de la société Mewa ;

1. Considérant que le recours du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et la requête de M. B...visés ci-dessus sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que la société Mewa, qui exerce une activité de blanchisserie industrielle et de location de textile industriel, a sollicité par un courrier du 15 avril 2011 l'autorisation de licencier pour faute M.B..., employé en qualité de chauffeur et titulaire des mandats de délégué du personnel depuis le 26 mars 2010 et de membre du comité d'entreprise de l'unité économique et sociale Mewa depuis le 9 avril 2010 ; qu'une décision implicite de rejet est née le 18 juin 2011 à la suite du silence gardé pendant deux mois par l'inspecteur du travail sur cette demande ; que, par un courrier du 26 juillet 2011, l'inspecteur du travail a communiqué à la société Mewa, en réponse à une demande de cette dernière, les motifs de ce refus ; que la société a ensuite formé, par un courrier du 8 août 2011 reçu le 9 août 2011, un recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail ; que ce recours a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par le ministre chargé du travail pendant plus de quatre mois ; que, par une décision expresse du 8 février 2012, le ministre a, d'une part, retiré sa décision implicite et, d'autre part, confirmé la décision implicite de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser le licenciement ; que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et M. B...relèvent appel du jugement du 18 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, à la demande de la société Mewa, a annulé la décision du 18 juin 2011 de l'inspecteur du travail refusant à la société Mewa l'autorisation de licencier M. B..., ainsi que la décision du ministre du 8 février 2012 confirmant ce refus ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié " ;

5. Considérant, en premier lieu, que le 20 janvier 2011 M. B...s'est présenté chez un client de la société Mewa, le garage du canal de l'Est ; qu'il a klaxonné à plusieurs reprises devant l'entrée afin de faire lever la barrière et lui permettre l'accès à l'entreprise ; qu'un responsable de la société cliente lui a indiqué qu'il lui appartenait de se présenter préalablement à l'accueil ; que M. B...est finalement reparti avec le chargement qui était destiné au client et sans récupérer les textiles sales ; que le 2 février 2011, M. B...s'est présenté une nouvelle fois chez ce client ; qu'il est entré dans l'enceinte de l'entreprise alors que la barrière était ouverte, sans se présenter à l'accueil et sans respecter les consignes d'accès au site ; que le même responsable de la société cliente est une nouvelle fois intervenu auprès de M.B..., lequel est finalement reparti sans récupérer les textiles sales de cette entreprise ; que la société Mewa fait grief à M. B...de ne pas avoir, les 20 janvier et 2 février 2011, chez ce même client, respecté les consignes relatives à l'accès à cette entreprise et de n'avoir pas procédé à la livraison après une altercation avec un responsable de cette société ;

6. Considérant que, concernant l'incident du 20 janvier 2011, M. B... a toutefois déclaré sans être sérieusement contredit qu'il livrait depuis plusieurs années ce client sans se présenter à l'accueil et sans que cela pose problème, et qu'il n'avait pas été informé des changements de consignes ; qu'il est en outre constant qu'aucun protocole de sécurité pour les chargements et les déchargements, prévu notamment à l'article R. 4514-4 du code du travail, n'était établi entre ce client et son employeur le jour de l'incident, ce protocole de sécurité comprenant, outre les informations utiles à l'évaluation des risques de toute nature générés par l'opération, les mesures de prévention et de sécurité à observer à chacune des phases de sa réalisation, dont les consignes de sécurité, particulièrement celles relatives à l'opération de chargement ou de déchargement, le lieu de livraison ou de prise en charge, les modalités d'accès et de stationnement aux postes de chargement ou de déchargement accompagnées d'un plan et des consignes de circulation ; qu'enfin, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. B...ait été informé avant cet incident des nouvelles consignes de présentation ; que, par suite, le grief tiré de ce que l'intéressé n'a pas respecté ce jour-là la procédure de livraison chez ce client n'est pas établi ;

7. Considérant qu'en revanche, concernant le non respect des procédures de livraison le 2 février 2011, il ressort des pièces du dossier, notamment des éléments exposés par la société Mewa et son client dans un courriel et un courrier établis à la suite des différents incidents ainsi que de l'audition du 31 mars 2011 de M. B...devant le comité d'entreprise, retranscrite dans le procès-verbal produit devant les premiers juges, qu'il avait été informé, à la suite de ce premier incident du 20 janvier 2011, des consignes d'accès chez ce client ; que ni l'absence de protocole de sécurité, ni la circonstance que la barrière était ouverte lors du second incident du 2 février 2011 ne lui conféraient le droit de déroger à ces consignes de sécurité lors de ce second incident et de pénétrer sur le site sans autorisation préalable ; que, par suite, ce fait reproché par l'employeur de M. B...est matériellement établi ;

8. Considérant, enfin, concernant l'absence de livraison et de récupération des textiles usagés, que M. B...soutient qu'il est reparti sans effectuer la livraison à la demande du client ; que ni le courriel et le courrier établis par le client de la société Mewa à la suite " des deux incidents " et produits par l'intimée, ni aucune autre pièce du dossier ne permettent de constater que M. B...se serait refusé à procéder à la livraison et à la reprise des textiles usagés les 20 janvier et 2 février 2011 ; qu'il ne résulte ni de l'audition de M. B...devant le comité d'établissement, retranscrite dans le procès-verbal, ni d'aucune autre pièce du dossier que l'intéressé aurait reconnu avoir refusé de réaliser ce travail ; qu'ainsi, et compte tenu de l'article L. 1235-1 du code du travail qui dispose que le doute profite au salarié, la matérialité des agissements fautifs ainsi reprochés par la société Mewa à M. B...ne saurait être regardée comme établie ;

9. Considérant, en second lieu, que la société Mewa reproche à son salarié d'avoir emprunté le 9 février 2011 le boulevard périphérique parisien avec à son bord 19 fûts de lavettes sales constitutives de matières dangereuses évalués à un poids total de 1 520 kilogrammes sans apposer sur le véhicule les plaques oranges et alors que la circulation y était interdite à partir de 1 000 kilogrammes par la règlementation en vigueur sur les transports des matières dangereuses, et sans respecter les consignes de sécurité mises en place par la société pour la circulation des véhicules afin de respecter la règlementation et la sécurité de ce transport ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté que M. B...transportait 19 fûts de lingettes sales constituant des matières dangereuses au sens de la règlementation des transports des matières dangereuses et qu'en l'absence de système de pesée dans le véhicule, la société, par mesure de précaution, avait indiqué aux chauffeurs qu'ils devaient regarder chaque fût comme pesant 80 kilogrammes, soit le poids maximal s'il était rempli ; qu'il ne saurait être reproché à la société Mewa d'avoir adopté un tel principe de précaution compte tenu des matières dangereuses transportées ; que, même si l'intéressé pouvait être amené à constater que certains fûts n'étaient pas remplis et même si son employeur aurait pu faire installer un système de pesée, il appartenait cependant à M. B...de respecter ces règles de sécurité ainsi rappelées par son employeur et de prendre en compte le poids ainsi évalué pour déterminer les conditions dans lesquelles il pouvait ou non emprunter les voies de circulation ;

11. Considérant que, pour établir que l'intéressé a, en méconnaissance de ces consignes de sécurité, circulé le 9 février 2011 avec ces 19 fûts sur une portion du boulevard périphérique parisien dont la circulation était interdite à partir de 1 000 kilogrammes pour les transports de matière dangereuse, la société Mewa a utilisé les informations contenues dans le système de géolocalisation embarqué dans le véhicule de M. B..., faisant état de la présence de ce véhicule sur cette voie ;

12. Considérant que toutefois, un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l'employeur pour d'autres finalités que celles déclarées auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et portées à la connaissance des salariés ; qu'il résulte des dispositions des articles L. 2323-32 et L. 1222-4 du code du travail et de l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, que le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou techniques permettant un contrôle des salariés, qu'aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été préalablement porté à sa connaissance et que la personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant notamment de la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ;

13. Considérant que si la société Mewa avait, avant les faits litigieux, déclaré le système de géolocalisation mis en place à la CNIL selon le modèle de la déclaration simplifiée prévue par la délibération de cette commission n° 2006-067 du 16 mars 2006, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la surveillance des salariés ait été mentionnée comme l'une des finalités de ce système de géolocalisation à la CNIL ; que de plus, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du procès-verbal du comité d'entreprise du 21 juillet 2010 informant de l'utilisation de la géolocalisation et de ceux du 16 décembre 2010 faisant état des premiers résultats de la mise en place de la géolocalisation et du 31 mai 2012, postérieur aux faits et aux décisions litigieuses, que le comité d'entreprise avait été informé de l'utilisation de ce système de géolocalisation à cette fin ; qu'en outre, M. B...soutient qu'il n'a pas été personnellement informé d'une telle finalité du système de géolocalisation et qu'il pouvait ainsi faire l'objet d'un tel contrôle ; que ni la circonstance qu'il était membre du comité d'entreprise, ni aucun autre élément produit au dossier ne sont de nature à remettre en cause cette dernière déclaration ; que, par suite, l'utilisation des relevés de géolocalisation pour contrôler si l'intéressé respectait les consignes de sécurité de transport, et donc à une autre fin que celle portée à la connaissance de M. B... et du comité d'entreprise, ne peut constituer un mode de preuve licite ;

14. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 31 mars 2011 dont se prévaut la société Mewa que M.B..., qui nie avoir utilisé le périphérique parisien interdit à la circulation ce jour-là avec ces 19 fûts, ait reconnu avoir effectué ce transport ;

15. Considérant que, dans ces conditions, la matérialité des faits du 9 février 2011 reprochés à M. B...ne peut être regardée comme établie ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler les décisions de refus de l'inspecteur du travail et du ministre chargé du travail, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'ensemble des griefs formulés par l'employeur sont établis ;

17. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par la société Mewa, tant devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand que devant la Cour, contre ces décisions ;

18. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 susvisée dispose que : " Dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté. /Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. " ;

19. Considérant que, d'autre part, aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. " ;

20. Considérant que la société Mewa soutient que les décisions litigieuses sont entachées d'un vice de forme dès lors que le courrier du 26 juillet 2011 de l'inspecteur du travail lui communiquant les motifs de la décision implicite de rejet en réponse à sa demande ne comporte pas la signature de cet inspecteur en méconnaissance des dispositions de l'article 4 précité de la loi du 12 avril 2000 ; que toutefois, ce courrier ne constitue pas une décision au sens de ces dispositions ; que, par suite, le moyen ne peut qu'être écarté ;

21. Considérant, en second lieu, que, comme il a été dit précédemment, alors que les autres griefs retenus par l'employeur ne sont pas matériellement établis comme l'ont indiqué les décisions litigieuses, le grief tiré de ce que M. B...a méconnu la procédure de livraison chez un client le 2 février 2011 est établi contrairement à ce qu'ont estimé l'inspecteur du travail et le ministre dans ces décisions ;

22. Mais considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

23. Considérant que le ministre invoque ainsi dans ses écritures d'appel, pour établir que les décisions en litige sont légales, le motif tiré de ce que M. B...n'a pas commis de faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; qu'il résulte de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision s'il avait entendu initialement se fonder sur ce motif, qui était de nature à fonder légalement les décisions litigieuses dès lors que le seul agissement fautif qui est matériellement établi et peut être ainsi reproché à l'intéressé ne présente pas, en l'espèce, un caractère de gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et M. B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions en litige et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à la société Mewa au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

25. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société Mewa ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Mewa une somme au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par M. B...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 1200231 du 18 juin 2013 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la société Mewa devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand tendant à l'annulation de la décision du 18 juin 2011 de l'inspecteur du travail refusant à la société Mewa l'autorisation de licencier M.B..., ainsi que de la décision du 8 février 2012 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé confirmant ce refus est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à M. A...B...et à la société Mewa.

Délibéré après l'audience du 15 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 février 2015.

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N° 13LY02310...

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02310
Date de la décision : 05/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CABINET ISEE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-02-05;13ly02310 ?
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