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03/02/2015 | FRANCE | N°14LY00962

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 03 février 2015, 14LY00962


Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2014, présentée pour le préfet du Rhône ;

Le préfet du Rhône demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1308472 du 18 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 22 novembre 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., l'obligeant à quitter le territoire français et désignant un pays de destination ;

il soutient que :

- au regard des pièces qu'il a produites et au fait que M. A...a refusé de lever le secret médical sur son état de santé, c'est à tor

t que le tribunal administratif a annulé les décisions susmentionnées du 22 novembre 2013 ;

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Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2014, présentée pour le préfet du Rhône ;

Le préfet du Rhône demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1308472 du 18 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 22 novembre 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., l'obligeant à quitter le territoire français et désignant un pays de destination ;

il soutient que :

- au regard des pièces qu'il a produites et au fait que M. A...a refusé de lever le secret médical sur son état de santé, c'est à tort que le tribunal administratif a annulé les décisions susmentionnées du 22 novembre 2013 ;

- il existe des structures sanitaires et des traitements adaptés à l'état de santé de M. A...en Guinée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2014, présenté pour M.A..., qui conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que :

- à titre principal, c'est à bon droit que le tribunal administratif a annulé le refus de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11, son état de santé ne pouvant être pris en charge en Guinée ; il a fait état de ses pathologies en première instance ; le préfet se fonde sur des éléments généraux, imprécis et dépourvus de caractère probant alors qu'il lui appartient d'apporter la preuve de l'existence d'un traitement adapté à son état de santé en produisant des éléments propres à contredire utilement l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; le médecin de l'agence régionale de santé a estimé à deux reprises qu'il ne pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; un premier titre de séjour lui a été délivré ; alors même que son état de santé n'a pas évolué favorablement et que le médecin de l'agence régionale de santé a, une nouvelle fois, affirmé que le traitement n'était pas disponible en Guinée, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; le préfet du Rhône n'a pas contesté l'avis du médecin de l'agence régionale de santé aux termes duquel il ne peut voyager vers son pays d'origine ;

- à titre subsidiaire, le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est fondée sur un refus de titre de séjour illégal ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est fondée sur des décisions illégales ;

Vu la décision du 18 juillet 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section cour administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;

- et les observations de MeB..., représentant le préfet du Rhône ;

1. Considérant que M.A..., né le 1er juin 1985, de nationalité guinéenne, est entré en France le 24 juillet 2007, selon ses déclarations ; qu'après rejet de sa demande d'asile par les autorités compétentes, il a sollicité un titre de séjour pour raisons de santé ; qu'il a bénéficié, à ce titre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 18 juin 2012 au 17 juin 2013 ; que, par décisions du 22 novembre 2013, le préfet du Rhône a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et lui a notifié une obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays où il serait légalement admissible ; que le préfet du Rhône relève appel du jugement n° 1308472 du 18 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions, lui a enjoint de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A...d'une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...). " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire ;

4. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits en première instance et en appel, que M. A...souffre d'un état anxiodépressif, d'une radiculopathie droite sévère et d'hématuries, pathologies pour lesquelles il suit un traitement médicamenteux anti-inflammatoire et antalgique comportant un corticoïde et du Lyrica ; que les perspectives d'évolution de son état de santé sont qualifiées de mauvaises ; qu'une intervention chirurgicale au niveau cervical est envisagée, dont il est indiqué qu'elle n'est pas réalisable en Guinée ; qu'il est précisé que le défaut de prise en charge de l'état de santé de M. A...pourrait entraîner une paralysie du membre supérieur droit et une insuffisance rénale avec dialyse, laquelle serait impossible en Guinée ; qu'il ressort des pièces produites par le préfet du Rhône, et notamment du " bulletin du médicament essentiel générique ", établi par le ministère de la santé guinéen, que sont disponibles en Guinée des anti-inflammatoires, des analgésiques et des médicaments destinés au traitement des troubles psychiatriques et que deux centres hospitaliers universitaires existent, comportant notamment des services de neuro-chirurgie, de psychiatrie, de neurologie et d'urologie, ainsi que des cliniques privées et des centres de santé ; que, si le préfet du Rhône verse également aux débats un " guide thérapeutique national " élaboré en 2013 par le ministère de la santé guinéen, ce document se borne à édicter des conseils de soins et de prévention à destination des professionnels de santé ; que les éléments produits par le préfet du Rhône, généraux et non assortis de précisions permettant de démontrer qu'une prise en charge adaptée de l'état de santé de l'intéressé est possible en Guinée, ne suffisent pas à contredire les éléments produits par M. A...et l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, rendu le 5 juillet 2013, dont il ressort que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existe pas dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état de santé doivent être poursuivis pendant une durée de douze mois ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 22 novembre 2013 annulant son refus de renouveler le titre de séjour de M.A..., ainsi que, par voie de conséquence, ses décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixant un pays de destination, lui a enjoint de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. A...et a mis à sa charge une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 euros à verser à Me Sabatier, avocat de M.A..., en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Rhône est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Sabatier une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...A....

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 février 2015.

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N° 14LY00962


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00962
Date de la décision : 03/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : CLAISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-02-03;14ly00962 ?
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