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03/02/2015 | FRANCE | N°14LY00005

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 03 février 2015, 14LY00005


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 janvier 2014, présentée pour la SARL L'Eclair, dont le siège est situé 259, boulevard du Président Wilson à Aix-les-Bains (73100) ;

La SARL L'Eclair demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001612 du 8 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 à 2007, ainsi que des rappels de taxe sur la

valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 2 mars 2004 au 31 mars 2007...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 janvier 2014, présentée pour la SARL L'Eclair, dont le siège est situé 259, boulevard du Président Wilson à Aix-les-Bains (73100) ;

La SARL L'Eclair demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001612 du 8 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 à 2007, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 2 mars 2004 au 31 mars 2007 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société soutient que la méthode retenue aboutit à des incohérences dès lors qu'elle conduit à considérer que la société a procédé à des achats de viande supérieurs à ceux figurant en comptabilité ou reconstitués par le vérificateur, alors que l'administration ne l'avait pas soutenu initialement ; qu'il y aurait lieu de tenir compte des charges résultant de ces achats réputés occultes ; que le taux de perte retenu pour les pains est insuffisante ; que la méthode de reconstitution est radicalement viciée ; que la même incohérence peut être constatée pour les barquettes de frites ; que l'administration n'a pas suffisamment tenu compte des pertes de frites et des quantités de frites servies en accompagnement ; que la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la charge de la preuve du caractère excessif des impositions pèse sur la requérante ; qu'il n'est pas établi que la méthode de reconstitution par les pains serait viciée ni que le taux de perte retenu serait insuffisant ; que la constatation d'une quantité de viande incorporée dans les sandwichs inférieure à la quantité achetée résulte de la prise en compte dans la reconstitution du taux de perte favorable à la société retenu par la commission départementale des impôts ; que, compte tenu des graves irrégularités entachant la comptabilité de la société, celle-ci ne peut être regardée comme reflétant l'intégralité des achats de viande ; que la société ne peut demander la déduction que des charges dont elle peut justifier ; que la méthode de reconstitution pour les barquettes de frites n'est ni radicalement viciée ni excessivement sommaire ; que les majorations pour manquement délibéré sont justifiées ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 janvier 2015, présenté pour la SARL L'Eclair, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 2015 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL L'Eclair, qui exerce une activité de restauration rapide, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mars 2004 au 31 mars 2007 ; que l'administration ayant constaté de graves irrégularités dans la comptabilité de la société, a procédé à une reconstitution de recettes et a mis en recouvrement des suppléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de majorations pour manquement délibéré ; que la société relève appel du jugement du 8 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge ;

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. " ;

3. Considérant qu'il est constant que la comptabilité de la SARL L'Eclair comportait de graves irrégularités, tenant notamment à l'absence de livre journal, de relevés des stocks et de pièces justifiant du détail des recettes ; que l'administration ayant ainsi, à bon droit, écarté la comptabilité de la société comme non probante et les impositions ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en date du 24 avril 2009, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions incombe à la société, conformément aux dispositions précitées ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de la société pour les boissons, les sandwichs, les viandes servies en assiettes, les frites vendues en barquettes et les desserts ; qu'il a déterminé le nombre de sandwichs chauds vendus à partir des achats de pains, en considérant qu'un pain rond servait à la confection de deux sandwichs, que quatre pains ronds par jour étaient servis en accompagnement de plats et ne devaient par suite pas être pris en compte à ce stade, et que le taux de perte des pains en miche était de 5 % ; qu'il a ensuite déterminé les ventes par type de sandwich en fonction de la répartition constatée sur place pendant une période de quinze jours ; qu'après détermination du poids de viande par sandwich et du taux de perte sur la viande après cuisson, initialement fixé à 8 %, le vérificateur a calculé la quantité de viande utilisée dans les sandwichs puis, par différence avec la quantité totale de viande achetée qu'il avait reconstituée, la quantité de viande vendue en assiettes ; que, s'agissant des frites vendues en barquettes, le vérificateur en a déterminé le nombre à partir des achats de frites, des quantités de frites incorporées dans les plats sur place, selon les constatations qu'il a opérées, et d'un taux de perte incluant les consommations du personnel fixé à 10 % ;

5. Considérant que la SARL L'Eclair fait valoir qu'après prise en compte par l'administration du taux de perte de 37 % sur la viande après cuisson proposée par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la quantité de viande incorporée dans les sandwichs reconstituée excédait de 486 kg sur le deuxième exercice et 4 kg sur le troisième exercice les quantités de viande achetées retenues par le vérificateur ; que l'administration a d'ailleurs abandonné les redressements relatifs aux assiettes chaudes ; que, toutefois, cette seule circonstance n'est pas par elle-même de nature à établir que la méthode de reconstitution, à partir des quantités de pain, était radicalement viciée ou excessivement sommaire, compte tenu notamment des graves irrégularités affectant la comptabilité de la société et de ce que le vérificateur avait reconstitué la quantité de viandes achetées après exercice du droit de communication auprès de fournisseurs, sans que l'ensemble des fournisseurs interrogés n'apportent de réponses sur ce point ; que la SARL L'Eclair, à qui incombe la charge de la preuve, ne propose pas une méthode de reconstitution plus précise que celle mise en oeuvre et n'établit pas que l'administration aurait insuffisamment pris en compte les quantités de pains servies en assiette, alors qu'il résulte de l'instruction que son gérant avait indiqué qu'elles étaient peu importantes, ni que le taux de perte retenu pour les pains serait insuffisant ;

6. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, alors au demeurant que la reconstitution du chiffre d'affaires n'a pas été faite à partir des quantités de viande achetées, que l'administration aurait pris en compte à deux reprises une facture d'achat de 775 kg de viande pour la période du 1er janvier au 31 mars 2005 ; que, par ailleurs, l'administration a pu, sans entacher d'irrégularité la méthode de reconstitution, déterminer le bénéfice de la SARL L'Eclair, après avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, sans tenir compte de charges résultant de l'achat de quantités de viande réputées incorporées dans les sandwichs, à hauteur ainsi qu'il a été dit, de 486 kg sur le deuxième exercice et 4 kg sur le troisième exercice, la SARL L'Eclair, qui supporte la charge de la preuve, n'établissant pas la réalité de tels achats dissimulés ;

7. Considérant que, compte tenu des graves irrégularités affectant la comptabilité de la SARL L'Eclair, la circonstance que le nombre de barquettes de frites vendu reconstitué par le vérificateur serait supérieur au nombre de barquettes vides achetées ne permet pas d'établir, alors que le vérificateur s'est fondé sur les quantités de frites vendues pour en déterminer le nombre, que la méthode retenue serait radicalement viciée ou excessivement sommaire ; que la SARL L'Eclair, à qui incombe la charge de la preuve, n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause le taux de perte de 10 % retenu sur les frites fixé après constatations opérées sur place par le vérificateur ;

Sur les pénalités :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du même code dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2006 : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ;

9. Considérant que compte tenu des graves irrégularités de comptabilité constatées et eu égard au caractère répété et à l'importance des minorations de recettes, lesquelles représentaient respectivement 28,5 %, 30,6 % et 19 % du chiffre d'affaires déclaré sur les exercices clos 2005, 2006 et 2007, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, du manquement délibéré de la société et justifie, dès lors, l'application des majorations de 40 % litigieuses ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL L'Eclair n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la SARL L'Eclair et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL L'Eclair est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL L'Eclair et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 20 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président,

Mme Bouissac, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 février 2015.

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