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03/02/2015 | FRANCE | N°13LY01853

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 03 février 2015, 13LY01853


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2013, présentée pour la commune de Réauville, représentée par son maire en exercice ;

la commune de Réauville demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904629-0905268 du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé les délibérations des 13 août 2009 et 24 septembre 2009 du conseil municipal de Réauville et la décision du maire de signer les actes authentiques du 17 novembre 2009 ;

2°) de mettre à la charge de M. C...A...et M. F...E...une somme de 1 200 euros au titre de l'article L

. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la procédure vis...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2013, présentée pour la commune de Réauville, représentée par son maire en exercice ;

la commune de Réauville demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904629-0905268 du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé les délibérations des 13 août 2009 et 24 septembre 2009 du conseil municipal de Réauville et la décision du maire de signer les actes authentiques du 17 novembre 2009 ;

2°) de mettre à la charge de M. C...A...et M. F...E...une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la procédure visée à l'article L. 161-10 du code rural ne s'applique pas en l'espèce, dès lors que le chemin litigieux est resté affecté à l'usage du public ; une enquête publique a néanmoins été prescrite ;

- aucune irrégularité n'a été commise s'agissant de l'absence de mise en demeure de M. D... d'acquérir les terrains en cause, dès lors, d'une part, que l'article L. 161-10 du code rural ne s'applique pas et que, d'autre part, M. D...est le seul propriétaire concerné par le changement de tracé du chemin ;

- la délibération du 13 août 2009 vise à déplacer l'assiette du chemin aux frais de M. D..., la portion du chemin devenue inutile lui étant ensuite cédée par la délibération postérieure du 24 septembre 2009 ;

- les délibérations contestées ne peuvent être regardées comme ayant pour objet un échange de parcelles, le coût du déplacement du tracé étant pris en charge par M.D... ; le déplacement partiel de l'assiette nécessitait d'obtenir d'abord la maîtrise foncière des parcelles appartenant à M. D...devant accueillir le nouveau tracé ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Grenoble, l'opération litigieuse ne s'analyse pas en un échange de terrains avec M.D..., quand bien même la valeur de la portion du chemin déplacée et celle de la portion du chemin cédée seraient identiques, mais en une vente, réglée par M. D...pour partie par un prix et pour l'autre par des travaux ;

- le jugement contesté ne précise pas pour quel motif il estime que cette transaction constitue un échange ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2013, présenté par M. C...A..., domicilié..., et M. F...E..., domicilié..., qui concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint à la commune de Réauville de convoquer les consorts D...dans le mois suivant la notification du présent arrêt, de prendre toute mesure nécessaire à l'annulation des actes authentiques ou de saisir le tribunal administratif de Grenoble aux fins de constater la nullité des contrats, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Réauville sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à leur verser respectivement ;

ils soutiennent que :

- l'opération litigieuse n'obéit à aucun motif d'intérêt général ni à aucune nécessité pour les usagers ; elle a été initiée sur demande de M. D...en date du 11 mars 2009 tendant à un échange de parcelles en vue de modifier l'assiette du chemin rural traversant sa propriété et a pour effet de valoriser sa propriété, ce dont la commune n'a d'ailleurs pas tenu compte dans la fixation du prix de vente de la parcelle sur laquelle se situe le chemin rural ;

- la commune a commis une irrégularité en ne mettant pas en demeure les propriétaires riverains d'acquérir les terrains attenant à leur propriété, conformément aux dispositions de l'article L. 161-10 du code rural ; l'indivision D...n'est pas la seule propriétaire concernée par l'opération, les propriétaires des parcelles 689 et 694 l'étant également ; quand bien même un seul propriétaire aurait été concerné, la commune était tenue de respecter la procédure ;

- la procédure d'enquête publique a été conduite de manière irrégulière, en ce qu'aucun dossier d'enquête publique n'a été soumis à l'approbation du conseil municipal, ni lors du vote de la délibération du 20 avril 2009 ouvrant une première enquête, ni lors du vote de la délibération du 16 juin 2009 confiant l'enquête à un autre commissaire-enquêteur ; le volet technique du dossier n'ayant pas été présenté aux élus, la modification du tracé a été adoptée selon une procédure irrégulière ;

- la délibération du 16 juin 2009, en ce qu'elle désigne un commissaire-enquêteur, émane d'une autorité incompétente ;

- la commune a renoncé à l'exercice de ses prérogatives de maître d'ouvrage public en laissant M. D...diligenter les travaux relatifs à la fabrication de la nouvelle voie ;

- la commune n'a pas saisi " France domaine " alors que la procédure avait pour objet la cession d'un bien communal et l'acquisition d'un autre tènement en remplacement de l'assiette de la voie publique cédée ;

- les dispositions de l'article L. 161-10 du code rural ont été méconnues, dès lors que le chemin n'a pas cessé d'être affecté au public et que l'opération litigieuse revêt la nature d'un échange dissimulé ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 décembre 2014, présenté pour la commune de Réauville, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de la voirie routière ;

Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;

Vu le décret n° 76-921 du 8 octobre 1976 fixant les modalités de l'enquête publique préalable à l'aliénation, à l'ouverture, au redressement et à la fixation de la largeur des chemins ruraux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...substituant MeG..., représentant la commune de Réauville ;

1. Considérant qu'en 2007, M.D..., propriétaire riverain du chemin rural dit " chemin duD... ", en a sollicité le déplacement et, par courrier du 11 mars 2009, a proposé un tracé différent, situé à un endroit de sa propriété plus éloigné de son habitation ; qu'une enquête publique a été diligentée, au terme de laquelle le commissaire-enquêteur désigné par délibération du 16 juin 2009 a émis un avis favorable à la modification proposée, sous réserve qu'elle soit réalisée " dans les normes " et qu'elle soit conforme aux besoins de passage de tout type de circulation ; qu'au vu de ce rapport, le conseil municipal de Réauville a, par délibération du 13 août 2009, adopté le nouveau tracé du chemin et précisé que les travaux de modification de l'assiette seraient pris en charge par M.D... ; que, par délibération du 24 septembre 2009, la commune de Réauville a autorisé la vente de la portion du chemin rural à modifier aux consorts D...pour un montant de 150 euros et l'acquisition concomitante par la commune de la portion du chemin à créer, également située sur des parcelles de M.D..., pour un même montant de 150 euros, chargé le maire de signer tout acte notarié régularisant le nouveau tracé et mis à la charge des consorts D...les frais afférents à la modification du tracé ; que la commune de Réauville relève appel du jugement n° 0904629-0905268 du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, sur demande de M. A...et M.E..., riverains du chemin rural, les délibérations des 13 août 2009 et 24 septembre 2009 du conseil municipal de Réauville ainsi que la décision du 17 novembre 2009 du maire de signer les deux actes de vente immobilière ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime, alors dénommé " code rural " : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. " ; que selon son article L. 161-10 : " Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal, à moins que les intéressés groupés en association syndicale conformément à l'article L. 161-11 n'aient demandé à se charger de l'entretien dans les deux mois qui suivent l'ouverture de l'enquête. / Lorsque l'aliénation est ordonnée, les propriétaires riverains sont mis en demeure d'acquérir les terrains attenant à leurs propriétés. / Si, dans le délai d'un mois à dater de l'avertissement, les propriétaires riverains n'ont pas déposé leur soumission ou si leurs offres sont insuffisantes, il est procédé à l'aliénation des terrains selon les règles suivies pour la vente des propriétés communales. " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le législateur n'a pas entendu ouvrir aux communes, pour l'aliénation des chemins ruraux, d'autre procédure que celle de la vente dans les conditions ci-dessus précisées ; qu'il est constant que le chemin rural dit " chemin duD... ", objet de la transaction litigieuse, quotidiennement utilisé, ne pouvait être regardé comme n'étant plus affecté à l'usage du public ; que, dans ces conditions, la commune de Réauville ne pouvait légalement procéder à la cession d'une portion de ce chemin ; qu'il suit de là que la commune de Réauville n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la délibération du 13 août 2009, par laquelle, en décidant le déplacement de l'assiette du chemin rural litigieux, le conseil municipal a implicitement mais nécessairement exprimé son intention de faire cesser son affectation au public, ainsi que, par voie de conséquence, la délibération du 24 septembre 2009 autorisant les ventes croisées et la décision du maire de signer les actes de vente ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Réauville le versement respectif à M. A...et M. E...d'une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A...et M.E..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande la commune de Réauville au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Réauville est rejetée.

Article 2 : La commune de Réauville versera à M. C...A...et M. F...E..., une somme de 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Réauville, à M. C...A...et à M. F...E....

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Martin, président de chambre,

- Mme Courret, président-assesseur,

- Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 février 2015.

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N° 13LY01853


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01853
Date de la décision : 03/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

71-02-006 Voirie. Régime juridique de la voirie. Aliénation de chemins ruraux.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : LE GULLUDEC

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-02-03;13ly01853 ?
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