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29/01/2015 | FRANCE | N°14LY02567

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 29 janvier 2015, 14LY02567


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 août 2014, présentée pour M. A... B..., domicilié... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement nos 1402827-1402828 du 12 mai 2014 par lesquels le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté n° 2014-AMC10 du 7 mai 2014 du préfet de l'Isère, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai, lui fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant

une durée d'un an et désigne le pays à destination duquel il pourra être recondui...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 août 2014, présentée pour M. A... B..., domicilié... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement nos 1402827-1402828 du 12 mai 2014 par lesquels le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté n° 2014-AMC10 du 7 mai 2014 du préfet de l'Isère, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai, lui fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an et désigne le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et, d'autre part, de l'arrêté n° 2014-EC-71-A en date du 7 mai 2014 du même préfet l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours à compter du 9 mai 2014 à 12 heures 00 ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2014-AMC10, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour et fixation du pays de destination, ainsi que l'arrêté n° 2014-EC-71-A ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient :

- que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé est insuffisamment motivé ; qu'il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, le préfet ne produisant pas l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et ne justifiant pas de l'identité de ce médecin ; qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français pris à son encontre méconnaissent les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, d'une part, ces décisions l'exposent à des risques de persécution en cas de retour en Géorgie et, d'autre part, elles méconnaissent son droit au recours ainsi que le caractère suspensif de sa demande d'asile, celle-ci étant toujours en cours d'instruction, du fait de l'irrégularité de la procédure devant la Cour nationale du droit d'asile et de l'annulation par le Conseil d'Etat de la décision de rejet prise par cette Cour le 30 août 2012 ; que, pour les mêmes raisons, et compte tenu de son état de santé, les mesures de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français sont également entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

- que l'arrêté d'assignation à résidence est insuffisamment motivé, notamment au regard de l'existence d'une perspective raisonnable d'éloignement ; qu'en raison de l'absence de perspective raisonnable d'éloignement, cet arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'est ni nécessaire ni proportionné et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement et les arrêtés attaqués ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations ;

Vu l'ordonnance en date du 13 octobre 2014, fixant la clôture d'instruction au 29 octobre 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 23 juin 2014, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a admis M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement dispensant le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application des articles L. 732-1 et R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2015 :

- le rapport de M. Meillier, premier conseiller ;

1. Considérant que M. A...B..., ressortissant géorgien né en 1973, déclare être entré en France le 25 novembre 2010, date à laquelle il a sollicité son admission provisoire au séjour au titre de l'asile ; que sa demande d'asile a été rejetée le 9 mai 2011 par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée le 30 août 2012 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il a saisi le Conseil d'Etat d'un pourvoi en cassation contre la décision de cette Cour ; qu'il a également sollicité le 7 janvier 2013 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 31 mai 2013, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a désigné le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ; que, par demande du 17 décembre 2013, il a une nouvelle fois sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que, par arrêté du 7 mai 2014, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a l'obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an et a désigné le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ; que, par un second arrêté daté du même jour, le même préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours à compter du 9 mai 2014 à 12 heures 00 ; que, par jugement nos 1402827-1402828 du 12 mai 2014, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions des demandes de M. B...tendant à l'annulation des arrêtés du 7 mai 2014, en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur ce territoire, fixation du pays de destination et assignation à résidence ; que, par jugement distinct du 24 septembre 2014, le Tribunal administratif de Grenoble, siégeant en formation collégiale, a rejeté les conclusions de la demande dirigées contre le premier arrêté du 7 mai 2014, en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour ; que M. B...relève appel du jugement du 12 mai 2014 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a, en principe, le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'en l'absence de décision de la Cour nationale du droit d'asile, l'autorité administrative ne peut, en principe, regarder l'étranger qui a saisi cette juridiction d'un recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire national ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par décision n° 367725 du 18 juin 2014, postérieure au jugement attaqué, le Conseil d'Etat a annulé la décision du 30 août 2012 de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile de M. B... ; que, du fait de cette annulation, qui présente un caractère rétroactif, M. B... devait, à la date des arrêtés contestés, être regardé comme bénéficiant toujours du droit de séjourner en France en qualité de demandeur d'asile ; que, dès lors, le préfet de l'Isère ne pouvait légalement prendre à son encontre des mesures d'obligation de quitter le territoire français sans délai, de fixation de son pays de destination, d'interdiction de retour et d'assignation à résidence ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2014-AMC10 du 7 mai 2014, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai, fixe son pays de destination et lui interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, et rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2014-EC-71-A du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article R. 742-3 du même code : " Sur présentation de l'accusé de réception d'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile contre une décision négative de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou du reçu de l'enregistrement du recours délivré par la Cour nationale du droit d'asile, le demandeur d'asile obtient le renouvellement du récépissé de la demande d'asile visé à l'article R. 742-2 d'une durée de validité de trois mois renouvelable jusqu'à la notification de la décision de la Cour (...) " ;

7. Considérant que M.B..., qui a saisi la Cour nationale du droit d'asile d'un recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 mai 2011, peut prétendre au bénéfice d'un récépissé portant la mention " récépissé constatant le dépôt d'une demande d'asile " jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il ne résulte de l'instruction ni que cette juridiction ait statué, ni que sa décision ait été notifiée à l'intéressé, ni qu'un tel document provisoire de séjour ait été effectivement remis à celui-ci ; que, dès lors, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M.B... d'un document provisoire de séjour portant la mention " récépissé constatant le dépôt d'une demande d'asile " ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Isère de délivrer à l'intéressé un tel récépissé dans un délai fixé, dans les circonstances de l'espèce, à quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me Schürmann, avocat de M.B..., d'une somme de 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Schürmann renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté n° 2014-AMC10 du 7 mai 2014 du préfet de l'Isère, en tant qu'il oblige M. B...à quitter le territoire français sans délai, désigne le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et lui interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, l'arrêté n° 2014-EC-71-A en date du 7 mai 2014 du même préfet l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, ainsi que les articles 2 et 3 du jugement nos 1402827-1402828 du 12 mai 2014 du Tribunal administratif de Grenoble sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. B...un récépissé portant la mention " récépissé constatant le dépôt d'une demande d'asile " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Schürmann, avocat de M.B..., une somme de 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Schürmann renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre

Mme Mear, président assesseur,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 janvier 2015.

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N° 14LY02567


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02567
Date de la décision : 29/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-01-29;14ly02567 ?
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