Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2014, présentée pour M. A...D...et Mme E...B...épouseD..., domiciliés 16 route des Vignes à Saint-Julien-en-Genevois (74160) ;
M. et Mme D...demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1306919 - 1306965 du 14 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 19 juin 2013 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de leur délivrer un titre de séjour ;
2°) d'annuler lesdites décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à Mme D...et mention " artisan " à M. D...dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail durant cet examen, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à leur conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour lui de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le Tribunal a joint leurs deux demandes et statué par un seul jugement alors que les refus en litige ne procèdent pas d'une instruction commune par l'administration ;
- le refus de titre opposé à Mme D...méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, Mme D...n'ayant pas présenté de demande de titre de séjour et n'ayant pas été mise à même de présenter ses observations avant que ne soit pris ce refus de titre ; il est entaché d'un défaut de motivation ;
- le refus opposé à M. D...n'est pas motivé ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il s'est borné à déclarer son activité d'auto-entrepreneur sur internet selon l'une des deux procédures légales, qu'il n'a pas entendu utiliser cette procédure pour ne pas avoir à justifier de sa situation administrative, qu'il n'a jamais entendu frauder, qu'il a en outre fourni l'ensemble des documents nécessaires au dépôt de sa demande de titre de séjour en qualité d'artisan et a répondu à sa demande de production complémentaire ; le préfet n'a pu, sans entacher sa décision d'une erreur de droit, lui opposer l'absence de visa de long séjour dès lors qu'il résidait en France et, de plus, de manière régulière ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 8 octobre 2014 fixant la clôture d'instruction au 24 octobre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les décisions du 29 avril 2014, par lesquelle les bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. D... et l'a refusé Mme B... épouseD... ;
En application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative, le rapporteur public a, sur sa proposition, été dispensé d'exposer ses conclusions à l'audience ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2014 le rapport de M. Segado, premier conseiller ;
1. Considérant que M. et MmeD..., ressortissants du Kosovo, ont déclaré être entrés irrégulièrement en France le 14 avril 2011 avec leurs quatre enfants mineurs ; qu'ils ont présenté chacun des demandes d'asile qui ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 mai 2011, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 12 mars 2012 ; que le préfet de l'Isère a alors pris à leur encontre des refus de titre de séjour assortis de l'obligation de quitter le territoire français par arrêtés du 27 septembre 2011 ; que par un jugement du 13 mars 2012, confirmé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 12 décembre 2012, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions du préfet de l'Isère ; qu'à la suite d'une nouvelle demande de titre, le préfet de la Haute-Savoie a refusé, le 19 juin 2013, de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. et Mme D...relèvent appel du jugement du 14 mars 2014, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 19 juin 2013 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de leur délivrer un titre de séjour ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les requérants font valoir que c'est à tort que le Tribunal a joint les demandes que chacun d'eux a présentées contre le refus de séjour le concernant personnellement et a statué par un seul jugement, alors que ces décisions de refus ne procéderaient pas, selon eux, d'une instruction commune par l'administration ; que toutefois, alors que ces refus de séjour ont été pris en réponse à un même courrier du 12 octobre 2012 des intéressés sollicitant un examen de leur droit au séjour au regard de leur situation familiale commune et de l'exercice d'une activité professionnelle par M.D..., cette circonstance n'est pas de nature à entacher d'irrégularité ledit jugement ;
Sur la légalité des décisions de refus de titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...). " et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
4. Considérant que les décisions contestées, qui énoncent les considérations de droit et les raisons de fait justifiant le rejet des demandes de titre de séjour de M. et MmeD..., sont suffisamment motivées au regard des exigences de l'article 3 précité de la loi du 11 juillet 1979 ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales... " ; que, Mme D...ne peut utilement invoquer ces dispositions à l'encontre du refus de titre qui a été pris à son encontre en réponse, contrairement à ce qu'elle allègue, à une demande formulée pour elle le 12 octobre 2012 ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : (...)2° A l'étranger qui vient exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale, à condition notamment qu'il justifie d'une activité économiquement viable et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques et qu'il respecte les obligations imposées aux nationaux pour l'exercice de la profession envisagée. Elle porte la mention de la profession que le titulaire entend exercer. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent 2° (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; que l'article L. 313-14 de ce code ajoute que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. " ;
7. Considérant que M. D...soutient que le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit, en lui opposant l'absence de visa de long séjour alors qu'il résidait en France et, de plus, de manière régulière ; qu'il résulte toutefois des pièces du dossier que le préfet a opposé l'absence de visa de long séjour en ce qui concerne la délivrance d'un titre de séjour temporaire en vue d'exercer une profession artisanale prévu au 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, contrairement à ce que soutient l'intéressé, d'une part, il ne résidait pas régulièrement sur le territoire français, et, d'autre part, la circonstance qu'il résidait irrégulièrement en France ne le dispensait pas de justifier de la production d'un visa de long séjour requis par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'une carte de séjour temporaire en qualité " d'artisan " sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 ;
8. Considérant, que M. D...soutient, par ailleurs, qu'il s'est borné à déclarer son activité d'auto-entrepreneur sur internet selon l'une des deux procédures légales, qu'il n'a pas entendu utiliser cette procédure pour ne pas avoir à justifier de sa situation administrative et qu'il n'a jamais entendu frauder ; qu'il expose également qu'il a fourni l'ensemble des documents nécessaires au dépôt de sa demande de titre de séjour en qualité d'artisan et a répondu à la demande de production complémentaire qui lui a été faite ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le refus de lui délivrer un titre de séjour au regard tant des dispositions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'au regard des dispositions de l'article L. 313-11-7° et de l'article L. 313-14 dudit code et à titre dérogatoire, n'est pas fondé sur un motif tiré de ce que l'intéressé s'est abstenu de produire un dossier complet concernant sa demande de titre ; que, si le préfet a mentionné que l'intéressé avait délibérément effectué les démarches relatives à la création d'entreprise par l'intermédiaire d'un site internet sur lequel aucune vérification de la situation administrative n'est réalisée, il ressort des pièces du dossier et des termes mêmes de la décision contestée que le préfet ne s'est pas fondé sur ce motif pour refuser la délivrance d'un titre de séjour, notamment au regard des dispositions de l'article L. 313-14 et dans le cadre de son pouvoir de régularisation, qui étaient le fondement de la demande de M. D... ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que celui-ci a vécu avec son épouse respectivement jusqu'à l'âge de 43 et 35 ans au Kosovo, où la cellule familiale qu'ils forment avec leurs enfants peut se reconstituer et où rien ne fait obstacle à ce que leurs enfants poursuivent leur scolarité, qu'ils ne vivaient que depuis deux ans en France à la date des décisions en litige, que M. D...ne dispose d'aucune formation particulière pour exercer la profession de plâtrier peintre qu'il a déclarée sous le régime d'auto-entrepreneur par internet alors qu'il faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire, et qu'il ne fait pas état d'un motif exceptionnel de régularisation au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., à Mme E...B...épouse D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2014, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Segado et MmeC..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 8 janvier 2015.
''
''
''
''
2
N° 14LY01126