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08/01/2015 | FRANCE | N°13LY03195

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 08 janvier 2015, 13LY03195


Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2013, présentée pour M. F... A...et Mme G... E...épouseA..., domiciliés chez M. D... H..., 16 rue Normandie Niémen à Echirolles (38130) ;

M. et Mme A... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 1303946 - 1303947 du 5 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 10 juillet 2013 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français, leur refusant un délai de départ v

olontaire et désignant le pays à destination duquel ils pourront être reconduits ...

Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2013, présentée pour M. F... A...et Mme G... E...épouseA..., domiciliés chez M. D... H..., 16 rue Normandie Niémen à Echirolles (38130) ;

M. et Mme A... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 1303946 - 1303947 du 5 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 10 juillet 2013 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français, leur refusant un délai de départ volontaire et désignant le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans le délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de leur situation, dans le délai d'un mois et, dans cette attente, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de deux jours .

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que les décisions par lesquelles le préfet leur a refusé la délivrance des titres de séjour sollicités et leur a fait obligation de quitter le territoire français méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- qu'en leur refusant la délivrance d'un titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur de droit en opposant des conditions fixées à l'article L. 313-10 du même code ;

- qu'en leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet a également entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ces décisions sur leur situation personnelle et n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur de leurs enfants ;

- que les décisions leur refusant un délai de départ volontaire sont insuffisamment motivées, méconnaissent les dispositions du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur leur situation familiale ;

- que le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en ne vérifiant pas si la désignation du Kosovo comme pays de renvoi était de nature à méconnaître les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- qu'enfin, les décisions fixant le pays à destination duquel ils seraient reconduits d'office sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

En application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative, le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2014 le rapport de M. Clot, président ;

1. Considérant que Mme A..., ressortissante du Kosovo, née le 1er janvier 1969, est entrée irrégulièrement en France le 3 septembre 2009, accompagnée de ses quatre filles mineures ; que son époux, M. A..., qui possède la même nationalité, né le 26 décembre 1969, déclare les avoir rejointes le 27 janvier 2010 ; qu'ils ont sollicité leur admission provisoire au séjour en qualité de demandeurs d'asile, respectivement, le 3 septembre 2009 et le 28 janvier 2010 ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leurs demandes d'asile par deux décisions des 8 février 2010 et 30 septembre 2010, confirmées le 12 juillet 2011 par la Cour nationale du droit d'asile ; que le 3 octobre 2011, le préfet de l'Isère leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination ; que, par jugement du 30 mars 2012, le Tribunal administratif de Grenoble a confirmé la légalité de ces décisions ; que, le 19 mars 2013, M. et Mme A... ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 10 juillet 2013, le préfet de l'Isère a refusé la délivrance des titres de séjour sollicités par M. et Mme A... et leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, en désignant le Kosovo comme pays de destination ; que M. et Mme A... font appel du jugement du 5 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité des décisions concernant MmeA... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

3. Considérant que la demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail présentée par un étranger sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas à être instruite selon les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 5221-2 et qu'en supprimant, par l'article 27 de la loi du 16 juin 2011, la référence antérieurement faite par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au troisième alinéa de l'article L. 313-10 du même code, le législateur a entendu ne plus limiter le champ de l'admission exceptionnelle au bénéfice de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " aux cas dans lesquels cette admission est sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national ;

4. Considérant que pour refuser l'admission au séjour de MmeA..., le préfet de l'Isère s'est fondé sur le motif tiré de ce que, n'ayant fourni qu'une promesse d'embauche et non un contrat de travail visé ou une autorisation de travail, elle ne peut donc se voir délivrer la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement de l'article L. 313-14 de ce code ; qu'il a ainsi entaché ce refus d'erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé et, par voie de conséquence, des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et désignant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par MmeA... :

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; que l'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) " ;

8. Considérant qu'eu égard au motif sur lequel elle repose, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet délivre à Mme A...une autorisation provisoire de séjour et réexamine sa situation dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification de cet arrêt ;

Sur les conclusions de Mme A...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Mme A...d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour opposé à M.A... :

10. Considérant qu'en opposant à M.A..., pour refuser la régularisation à titre exceptionnel de sa situation en qualité de salarié, le défaut de production d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou d'une autorisation de travail et le fait que le métier d'ouvrier du bâtiment ne figure pas sur la liste des métiers en tension, le préfet de l'Isère a commis une erreur de droit ; qu'il incombe toutefois à l'autorité administrative d'examiner, notamment, la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule pour déterminer si l'ensemble de ces éléments, joints à ceux relatifs à sa situation personnelle dont l'intéressé fait état, peuvent constituer, dans son cas, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ; qu'en l'espèce, il ressort des mentions de la décision contestée que le préfet a également relevé que M. A...ne justifiait pas de la qualification, de l'expérience et des diplômes requis pour occuper un poste d'ouvrier du bâtiment ; qu'il résulte de l'instruction que le préfet de l'Isère aurait pris la même décision s'il s'était uniquement fondé sur ce motif, qui justifie légalement le refus de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont cette décision serait entachée doit être écarté ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

12. Considérant que M. A... se borne à soutenir que ses quatre filles mineures sont scolarisées en France où elles font preuve d'une volonté d'intégration et de réussite telles qu'elles progressent de manière importante dans leur scolarité ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que rien ne fait obstacle à ce que les quatre filles mineures de M. A..., âgées de huit, treize, seize et dix-sept ans à la date des décisions en litige, accompagnent leurs parents au Kosovo, pays dont tous ont la nationalité ; que le refus de titre de séjour contesté, qui n'a pas pour effet de séparer M. A... de sa famille, n'a donc pas méconnu les intérêts supérieurs de ses enfants, protégés par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

15. Considérant que M. A... se borne à soutenir qu'il est présent sur le territoire français depuis le 27 janvier 2010 et que sa famille est intégrée en France, pays dont il parle la langue et partage les valeurs et où sont scolarisées ses quatre filles mineures ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. et Mme A... ont fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 3 octobre 2011, confirmés par jugement du Tribunal administratif de Grenoble le 30 mars 2012 ; que d'après les fiches de renseignement remplies par les requérants, et contrairement à leurs allégations, ils ne sont pas dépourvus de tout lien personnel et familial dans leur pays d'origine, où ils ont vécu, respectivement, jusqu'à l'âge de quarante et quarante-et-un ans, et où résident notamment les parents, le frère et une soeur de M. A... ainsi que deux des soeurs de Mme A... ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions d'entrée et de séjour en France de l'intéressé, le refus de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance, par le refus de titre de séjour contesté, des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés ;

16. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que compte tenu de ce qui vient d'être exposé, le moyen tiré de ce que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle serait susceptible de comporter pour la situation personnelle de M. A... doit être écarté ;

Sur la légalité de l'obligation faite à M. A...de quitter le territoire français :

17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) " ;

18. Considérant que le 10 juillet 2013, M. A..., de nationalité kosovare, à qui le préfet de l'Isère a refusé la délivrance d'un titre de séjour, se trouvait ainsi dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

19. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-avant, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés ;

Sur la légalité de la décision refusant à M. A...un délai de départ volontaire :

20. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) " ;

21. Considérant que la décision du 10 juillet 2013 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire au requérant sur le fondement du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est motivé en droit par le visa de ces dispositions ; que cette décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est suffisamment motivée en fait par l'indication, en particulier, que M. A... a " fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 3 octobre 2011 (...) confirmé par le Tribunal administratif de Grenoble le 30 mars 2012 " et que M. A... " ne justifie pas avoir exécuté la mesure " ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision doit être écarté ;

22. Considérant que M. A..., qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 3 octobre 2011, confirmée par jugement du Tribunal administratif de Grenoble le 30 mars 2012, qu'il n'a pas exécutée, entre dans les prévisions du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation en lui refusant un délai de départ volontaire ;

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

23. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

24. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

25. Considérant que M. A...fait valoir qu'en raison de son origine gorani et de ses activités professionnelles, il a été menacé et agressé au point d'être contraint de quitter le foyer familial avant de fuir son pays d'origine et qu'en cas de retour au Kosovo, sa vie serait menacée ; que ces allégations ne sont assorties d'aucune justification ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un retour au Kosovo l'exposerait à un risque réel, personnel et actuel de subir des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, en désignant ce pays comme pays de renvoi, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les dispositions et stipulations précitées, ni n'a commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant ;

26. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Les décisions du préfet de l'Isère du 10 juillet 2013 refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A..., lui faisant obligation de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et désignant le pays de destination sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de munir Mme A... d'une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande de titre de séjour, dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 5 novembre 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., à Mme G... E...épouse A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. B...et MmeC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2015.

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N° 13LY03195 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY03195
Date de la décision : 08/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-01-08;13ly03195 ?
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