Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2013, présentée pour M. E...F..., domicilié... ;
M. F...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Dijon n° 1101586 du 4 avril 2013, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Soirans à lui payer une somme de 338 480 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2011, en réparation du préjudice que lui a causé le refus du maire de l'inscrire sur la liste d'attente des demandes d'autorisation de stationnement de taxi ;
2°) d'ordonner, en tant que de besoin, une enquête au titre des articles R. 623-1 et suivants du code de justice administrative ;
3°) de prononcer la condamnation demandée ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Soirans les dépens de l'instance, ainsi qu'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le maire de Soirans a commis une faute en refusant illégalement de l'inscrire sur la liste d'attente en vue de la délivrance d'une autorisation de stationnement de taxi malgré sa demande du 27 avril 2005 renouvelée le 13 janvier 2006, ainsi que les 10 janvier et 7 mars 2007 dès lors que, d'une part, il établit qu'il a présenté de telles demandes, dont la présentation n'est soumise à aucun formalisme, et que, d'autre part, compte tenu notamment des dispositions de l'article 12 du décret du 17 août 1995 qui prévoient que les autorisations de stationnement sont attribuées dans l'ordre chronologique d'enregistrement des demandes, le maire ne pouvait légalement refuser de l'inscrire au motif qu'il réserve le stationnement des taxis aux habitants de la commune, et attribuer une autorisation de stationnement à M. D... B...alors que sa demande, du 27 avril 2005, renouvelée le 13 janvier 2006 était antérieure ;
- le Tribunal administratif de Dijon a commis une erreur de fait en affirmant que le courrier du maire de Soirans du 7 mai 2007 était adressé à M.F... ;
- à titre subsidiaire, la Cour peut entendre la secrétaire de mairie afin de l'interroger sur la réalité du dépôt de la demande du 27 avril 2005 ;
- les décisions implicites de rejet nées de l'absence de réponse expresse aux demandes qu'il a présentées sont illégales du fait qu'elles ne sont pas motivées alors qu'elles entrent dans le champ d'application de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
- le refus illégal d'une autorisation de stationnement est de nature à engager la responsabilité de l'administration ;
- d'après l'étude de marché qu'il a lui-même réalisée, sa perte de revenus doit être évaluée à 218 480 euros ;
- la perte sur la revente d'un fonds artisanal doit être évaluée à 120 000 euros ;
- à titre subsidiaire, la Cour peut ordonner une expertise afin d'évaluer le montant du préjudice dans l'hypothèse où elle s'estimerait insuffisamment éclairée sur ce point ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 5 novembre 2013, fixant au 25 novembre 2013 la date de clôture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 novembre 2013, présenté pour la commune de Soirans, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. F... d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le Tribunal administratif de Dijon n'a commis aucune erreur de fait dans la mesure où le courrier du maire de Soirans du 7 mai 2007, bien qu'adressé au Médiateur de la République, faisait écho à la demande présentée par M. F...le 8 mars 2007 ;
- M. F...n'apporte pas la preuve du dépôt ou de la réception de ses demandes du 27 avril 2005 et du 13 janvier 2006 ;
- le motif de refus exprimé par le maire de Soirans dans son courrier du 7 mai 2007 est " effectivement inappropriée et regrettable " mais n'a causé aucun préjudice à M. F... ;
- la commune de Soirans n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;
- l'étude de marché produite par M. F...pour étayer ses prétentions indemnitaires n'est pas probante puisque c'est lui-même qui l'a réalisée ;
- le montant demandé au titre de la perte sur la revente d'un fonds artisanal n'est pas davantage justifié ;
- le lien de causalité n'est pas établi ;
Vu l'ordonnance du 25 novembre 2013, reportant au 13 décembre 2013 la date de clôture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 décembre 2013, présenté pour M. F..., qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que :
- l'attestation de M. A...ne saurait être remise en cause du seul fait que celui-ci est âgé de 83 ans ;
- l'attestation de Mme G...a une force probante discutable, puisque celle-ci est l'ancienne épouse du maire de Soirans ;
- cette attestation, qui affirme que tout dépôt d'une demande donne lieu à un récépissé dont la commune conserve une copie, n'est accompagnée d'aucune copie de récépissés d'autres demandes présentées à la commune de Soirans ;
- M. F...tenait un calendrier précis des diverses demandes qu'il déposait, qui atteste de la réalité des demandes contestées ;
- les procès-verbaux du conseil municipal de la commune de Soirans ne font état d'aucune décision à propos de demandes d'autorisations de stationnement, contrairement à ce que laissent supposer les propos du maire de Soirans ;
- M. F...est compétent pour réaliser une étude de marché et chiffrer lui-même son préjudice, étant titulaire d'un certificat de mercatique stratégique de niveau 1 et d'un diplôme de gestion et management stratégique de niveau 1 ;
Vu l'ordonnance du 30 décembre 2013, reportant au 24 janvier 2014 la date de clôture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 95-66 du 20 janvier 1995 relative à l'accès à l'activité de conducteur et à la profession d'exploitant de taxi ;
Vu le décret n° 95-935 du 17 août 1995 portant application de la loi n° 95-66 du 20 janvier 1995 relative à l'accès à l'activité de conducteur et à la profession d'exploitant de taxi ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2014 :
- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de M.F... ;
1. Considérant que M. F...était titulaire d'une carte professionnelle de conducteur de taxi depuis le 4 janvier 2005 ; que le 3 mai 2011, il a présenté une réclamation indemnitaire à la commune de Soirans afin d'obtenir la réparation des préjudices qu'il aurait subis en raison des refus du maire de l'inscrire sur la liste d'attente des demandes d'autorisation de stationnement de taxis ; que, par décision du 19 mai 2011, le maire a rejeté cette réclamation ; que M. F...relève appel du jugement du 4 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Soirans à lui payer une somme de 338 480 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2011, en réparation des préjudices économiques ainsi subis ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'à supposer que les termes employés par le Tribunal administratif de Dijon au considérant 5 du jugement attaqué puissent signifier que le courrier du maire de Soirans du 7 mai 2007 était destiné à M.F..., alors qu'il est en réalité adressé au délégué du Médiateur de la République, cette circonstance n'est, en tout état de cause, pas de nature à entacher ledit jugement d'irrégularité ;
Sur la responsabilité de la commune de Soirans :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 20 janvier 1995 susvisée alors en vigueur : " L'appellation de taxi s'applique à tout véhicule automobile de neuf places assises au plus, y compris celle du chauffeur, muni d'équipements spéciaux, dont le propriétaire ou l'exploitant est titulaire d'une autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de la clientèle, afin d'effectuer à la demande de celle-ci et à titre onéreux le transport particulier des personnes et de leurs bagages " ; qu'aux termes de l'article 7 de cette loi : " Les dispositions de la présente loi ne font pas obstacle à l'exercice par les autorités administratives compétentes des pouvoirs qu'elles détiennent, dans l'intérêt de la sécurité et de la commodité de la circulation sur les voies publiques, en matière d'autorisation de stationnement " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 9 du décret du 17 août 1995 susvisé, dans sa rédaction alors applicable : " Après avis de la commission départementale ou, le cas échéant, communale des taxis et des véhicules de petite remise instituée par le décret du 13 mars 1986 susvisé, le maire fixe, s'il y a lieu, le nombre de taxis admis à être exploités dans la commune, attribue les autorisations de stationnement et délimite les zones de prise en charge " ; qu'aux termes de l'article 12 dudit décret : " Les listes d'attente en vue de la délivrance de nouvelles autorisations, mentionnées à l'article 6 de la loi du 20 janvier 1995 susvisée, sont établies par l'autorité compétente pour délivrer les autorisations. Elles mentionnent la date à laquelle chaque demande a été déposée et le numéro d'enregistrement de la demande. / Les demandes sont valables un an. Celles qui ne sont pas renouvelées au moins trois mois avant l'échéance cessent de figurer sur les listes ou sont regardées comme des demandes nouvelles. / Les nouvelles autorisations sont attribuées dans l'ordre chronologique d'enregistrement des demandes " ;
5. Considérant, en premier lieu, que M. F...soutient avoir présenté une demande d'autorisation de stationnement le 27 avril 2005, puis l'avoir renouvelée le 13 janvier 2006 et le 10 janvier 2007, et que sa demande était ainsi antérieure à celle présentée pour M. D... B...qui s'est vu attribuer au cours de l'année 2006 une autorisation de stationnement par le maire de Soirans ;
6. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que le maire de Soirans conteste avoir reçu de telles demandes de M.F..., ce que ne dément pas son courrier au délégué du Médiateur de la République du 7 mai 2007 ; qu'en outre, M.F..., à qui incombe la charge de la preuve d'établir l'existence d'une faute, ne produit ni accusé de réception, ni récépissé permettant de justifier de la réalité des demandes alléguées ; que s'il produit, pour la première fois en appel, une attestation de M.A..., celle-ci ne suffit pas pour justifier de l'existence d'une demande d'autorisation présentée le 27 avril 2005 alors que le contenu de ce témoignage, rédigé plus de huit années après, est directement contredit par l'attestation de la secrétaire de mairie de l'époque, dont la validité n'est remise en cause ni par la circonstance, qui n'a jamais été dissimulée, que celle-ci a été mariée avec le maire de Soirans, ni par celle qu'aucun récépissé n'était communiqué au demandeur à la suite du dépôt d'une demande d'autorisation en mairie ; que ni le calendrier des diverses demandes d'autorisation de stationnement établi par M.F..., ni les procès-verbaux du conseil municipal de Soirans ne sont davantage de nature à établir la réalité de ses demandes ; que par suite, la réalité de la demande d'autorisation de stationnement que M. F...allègue avoir présentée le 27 avril 2005, ainsi que des renouvellements de cette demande qu'il déclare avoir effectués le 13 janvier 2006 puis le 10 janvier 2007, ne peut être regardée comme établie ; qu'en conséquence, M. F...ne démontre pas qu'il aurait dû figurer en première position sur la liste d'attente en 2005 et 2006 et que le maire aurait ainsi commis une faute en ne l'inscrivant pas sur la liste d'attente malgré ces demandes d'inscription et en délivrant une autorisation de stationnement le 18 juillet 2006 à un autre candidat qui avait déposé une demande le 3 janvier 2006 et se trouvait en tête de cette liste ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que la réalité des demandes précitées n'étant pas établie, il n'existe aucune décision implicite de rejet ; que dès lors, le requérant ne saurait utilement se prévaloir d'un défaut de motivation, qui au demeurant n'entache pas d'illégalité une décision implicite de rejet entrant dans le champ d'application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, selon les termes de l'article 5 de cette loi ;
8. Considérant, en troisième lieu, que la demande d'autorisation de stationnement présentée le 8 mars 2007 par M. F...et reçue le 10 mars 2007 par la commune de Soirans, dont la réalité est établie et n'est d'ailleurs pas contestée par celle-ci, n'a pas fait l'objet d'une décision expresse ; que le courrier adressé par le maire de Soirans au délégué du Médiateur de la République de la Côte-d'Or le 7 mai 2007 fait apparaitre les motifs de la décision implicite de rejet, née le 10 mai 2007, de la demande de M. F... ; que cette décision se fonde sur une distinction entre habitants et non habitants de la commune, le maire déclarant ne jamais donner une suite favorable aux demandes présentées par ces derniers ; qu'une telle distinction n'est justifiée ni par les dispositions précitées, ni par les objectifs pour lesquels lui ont été attribués les pouvoirs de police administrative qu'il met en oeuvre pour l'octroi d'autorisations de stationnement et auxquels renvoie d'ailleurs l'article 7 précité de la loi du 20 janvier 1995 ; que par suite, la décision implicite de rejet du 10 mai 2007 opposée à M. F...est entachée d'erreur de droit ; que, comme le soutient le requérant, cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;
9. Considérant que l'illégalité dont est ainsi entachée cette décision rejetant la demande d'inscription du 7 mars 2007 est, de manière certaine, à l'origine du défaut d'inscription de M. F...sur la liste d'attente pour la délivrance d'autorisations de stationnement de taxis ; qu'en revanche, il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté par le requérant en appel, que, comme l'a jugé le Tribunal, ce refus illégal l'a privé d'une autorisation de stationnement qui aurait été délivrée depuis lors à un autre candidat ; que par suite, les préjudices économiques, seuls invoqués par M.F..., qui résultent de l'absence d'obtention d'une telle autorisation de stationnement, ne peuvent être regardés comme étant la conséquence directe et certaine de la décision fautive du maire de Soirans rejetant implicitement sa demande d'inscription du 7 mars 2007 ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin, d'ordonner une enquête aux fins d'entendre la secrétaire de mairie alors en fonctions, ainsi qu'une expertise aux fins de déterminer le montant de son préjudice, M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Soirans ;
Sur les dépens :
11. Considérant qu'en l'absence de circonstances particulières, les dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que les dépens, comprenant la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, alors en vigueur, acquittée par M.F..., soient mis à la charge de la commune de Soirans, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la commune de Soirans, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser une somme à M. F...sur ce fondement ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F...une somme au titre des frais exposés par la commune de Soirans et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Soirans présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...F...et à la commune de Soirans.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2014 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Segado et MmeC..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 8 janvier 2015.
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N° 13LY01468 2