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23/12/2014 | FRANCE | N°14LY01112

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 23 décembre 2014, 14LY01112


Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2014, présentée pour Mme A...B..., domiciliée... ;

Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306018 du 14 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 10 juin 2013 par lesquelles la préfète de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre à la préfèt

e de la Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asi...

Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2014, présentée pour Mme A...B..., domiciliée... ;

Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306018 du 14 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 10 juin 2013 par lesquelles la préfète de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile ou un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à défaut, d'enjoindre à ladite autorité de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours à compter du prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

elle soutient que :

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ; la préfète n'a procédé à aucun examen de sa situation : il n'est pas fait état d'appréciation personnelle de son dossier ; sa demande a été rejetée sans faire référence à une catégorie particulière de titre de séjour ;

- l'autorité préfectorale a méconnu l'étendue de ses pouvoirs en fondant sa décision de refus de séjour sur les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile tout en se sentant liée par ces décisions ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'en Arménie les femmes subissent des violences ; elle en a subi de la part de son mari et de sa belle-famille en raison de sa religion ;

- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de lui délivrer un titre de séjour à l'encontre de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français méconnaît le respect du droit d'être entendu qui est un principe général du droit de l'Union européenne ; elle a demandé son admission au séjour au titre de l'asile ; dans ce cadre, elle ne remplit qu'un simple formulaire, le préfet se prononçant sans avoir été saisi par l'étranger à la suite du refus de sa demande d'asile ; la préfète n'a pas procédé à une actualisation de sa situation, ce qui révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ; il lui appartenait de la mettre en mesure de présenter ses observations, ce qui lui aurait permis de préciser les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle est exposée à des risques dans son pays d'origine ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle a subi des violences et des persécutions dans son pays d'origine ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 novembre 2014, présenté par la préfète de la Loire qui déclare s'en remettre à ses écritures de première instance ;

Vu la décision du 19 décembre 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section cour administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2014 :

- le rapport de Mme Courret, président-assesseur ;

1. Considérant que MmeB..., née le 13 mars 1975, de nationalité arménienne, entrée irrégulièrement en France le 12 avril 2011, a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision du 21 février 2012 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, rejet confirmé le 10 avril 2013 par la Cour nationale du droit d'asile ; que la préfète de la Loire, par décisions du 10 juin 2013, lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme B...relève appel du jugement du 14 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation desdites décisions ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée a été prise en réponse à la demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée par Mme B...; que celle-ci a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par décision du 21 février 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 10 avril 2013 ; que, dès lors que le bénéfice de la protection subsidiaire ou la reconnaissance de la qualité de réfugié lui avait été refusé, la préfète de la Loire était tenue de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-13 ou du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans avoir à porter une appréciation sur les faits de l'espèce ; que la préfète se trouvant ainsi en situation de compétence liée pour refuser le titre de séjour sollicité, les moyens tirés du défaut de motivation du refus de délivrance de ce titre de séjour et de l'absence d'examen préalable de la situation personnelle de l'intéressée sont inopérants ;

3. Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour, qui n'a pas pour objet de désigner le pays de renvoi ; qu'elle n'est, de ce fait, pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

4. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui précède, la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité ; que, dès lors, Mme B...n'est pas fondée à soulever, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle portant obligation de quitter le territoire ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, y compris au titre de l'asile, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui vise à ce qu'il soit autorisé à se maintenir en France et ne puisse donc pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement forcé, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il sera en revanche susceptible de faire l'objet d'une telle décision ; qu'en principe il se trouve ainsi en mesure de présenter à l'administration, à tout moment de la procédure, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement ; qu'en tout état de cause, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir ;

6. Considérant que la seule circonstance que la préfète, qui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité au titre de l'asile par Mme B...en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français, n'a pas, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, de sa propre initiative, expressément informé l'intéressée qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, elle serait susceptible d'être contrainte de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder cette dernière comme ayant été privée de son droit à être entendue, qu'elle tient du principe général du droit de l'Union ;

7. Considérant, en troisième lieu, que pour le même motif que celui qui a été énoncé au point 3 dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire sur la situation personnelle de la requérante au regard des risques exposés dans son pays d'origine doit être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

8. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui précède, la décision de refus de titre de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité ; que, dès lors, Mme B...n'est pas fondée à soulever, par voie d'exception, l'illégalité de ces décisions à l'encontre de celle fixant le pays de destination ;

9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;

10. Considérant que Mme B...soutient qu'elle a dû fuir son pays d'origine, l'Arménie, en raison des violences et des persécutions qu'elle a subies et des risques de représailles pour avoir porté atteinte à l'honneur de la famille de son mari ainsi qu'à celui de sa propre famille ; que toutefois, la requérante, dont au demeurant la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, ne produit pas d'élément établissant la réalité, la gravité et l'actualité des risques auxquels elle serait, selon elle, personnellement exposée en cas de retour dans son pays ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être écartées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 décembre 2014.

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N° 14LY01112

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01112
Date de la décision : 23/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Catherine COURRET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-12-23;14ly01112 ?
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