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18/12/2014 | FRANCE | N°14LY01294

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2014, 14LY01294


Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2014 au greffe de la Cour, présentée pour M. B... A..., domicilié ...;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 mars 2014 du Tribunal administratif de Dijon, en tant qu'il a rejeté sa demande, enregistrée sous le n° 1303188, tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2013 du préfet de la Côte-d'Or refusant de renouveler son titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil

d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et...

Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2014 au greffe de la Cour, présentée pour M. B... A..., domicilié ...;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 mars 2014 du Tribunal administratif de Dijon, en tant qu'il a rejeté sa demande, enregistrée sous le n° 1303188, tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2013 du préfet de la Côte-d'Or refusant de renouveler son titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient :

- que le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; que le Tribunal a examiné superficiellement sa demande en prenant un seul jugement pour les deux époux, alors que chacun avait fait l'objet d'un arrêté et avait présenté une requête en son nom ;

- que le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ; qu'il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il méconnaît également les dispositions du 7° du même article ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation, sa situation méritant une dérogation exceptionnelle à la règlementation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2014, présenté par le préfet de la Côte-d'Or, qui conclut au rejet de la requête, au motif qu'aucun des moyens de celle-ci n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 23 mai 2014, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a admis M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement dispensant le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application des articles L. 732-1 et R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2014 :

- le rapport de M. Meillier, premier conseiller ;

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant kosovar né en 1945, est entré irrégulièrement en France le 24 mai 2009 ; que sa demande d'asile a été rejetée le 12 avril 2010 par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée le 21 février 2011 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, laquelle a été à nouveau rejetée par une décision du 30 mai 2011 confirmée le 14 novembre 2012 ; qu'il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il a sollicité le renouvellement le 10 septembre 2013 ; que, par arrêté du 15 novembre 2013, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ; que, par jugement du 17 mars 2014, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ; que M. A...relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

3. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Dijon, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens contenus dans la demande de M. A...; qu'en particulier, les premiers juges ont suffisamment explicité les raisons pour lesquelles ils ont estimé, d'une part, que M. A...pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et, d'autre part, que l'arrêté attaqué n'avait pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que le caractère éventuellement erroné des motifs du jugement est sans incidence sur la motivation et, par suite, sur la régularité de celui-ci ;

4. Considérant, en second lieu, que le juge saisi de plusieurs affaires présentant à juger, en séance publique, la même question ou des questions connexes a en principe la faculté, sans d'ailleurs en avoir jamais l'obligation, de joindre ces affaires pour y statuer par une seule décision ; que M. A...n'est donc pas fondé à reprocher au Tribunal administratif de Dijon d'avoir joint sa demande avec celle de son épouse, qui présentait à juger des questions connexes ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 15 novembre 2013 :

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué comporte, exposées de façon particulièrement détaillée, les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour serait insuffisamment motivé au regard des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;

7. Considérant que, si le préfet n'est pas lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments qui l'ont conduit à écarter cet avis médical ;

8. Considérant qu'il est constant que l'état de santé de M.A..., qui souffre de troubles psychiques et otologiques, nécessite une prise en charge médicale ; que le médecin de l'agence régionale de santé, saisi par le préfet de la Côte-d'Or, a estimé, dans un avis émis le 9 octobre 2013 que " le défaut de prise en charge pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité (...) au vu de l'absence d'un traitement approprié dans le pays d'origine " ; que, pour estimer que l'intéressé pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Kosovo, le préfet s'est fondé sur une liste des médicaments essentiels élaborée par les autorités de cet Etat, des courriers en date des 3 mars 2008, 22 août 2010 et 6 mai 2011 émanant de l'ambassade de France au Kosovo, établissant que ce pays dispose d'une offre de soins publique et privée couvrant de nombreuses pathologies, notamment psychiatriques, et que des traitements et médicaments variés y sont dispensés et distribués ; que M. A...se borne à produire ou à reproduire des certificats médicaux ne se prononçant pas sur l'existence d'un traitement approprié au Kosovo ainsi que des rapports, émanant notamment de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés et d'Amnesty International, faisant état de faiblesses du système de santé kosovar ou encore de discriminations exercées à l'encontre des roms au Kosovo ; que, dans ces conditions, et compte tenu des éléments respectivement apportés par les deux parties, l'absence d'un traitement approprié au Kosovo ne ressort pas des pièces du dossier ; que, par ailleurs, il n'est ni établi ni même allégué que M. A...ne pourrait voyager sans risque vers son pays d'origine ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner si le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Côte-d'Or a commis une erreur d'appréciation en refusant de renouveler son titre de séjour en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant, en troisième lieu, que la demande de titre de séjour de M. A...n'ayant été ni présentée ni examinée sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré irrégulièrement en France en mai 2009, soit 3 ans et demi avant l'arrêté attaqué ; que les deux demandes d'asile qu'il a successivement présentées ont été rejetées ; que s'il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à raison de son état de santé, il peut, ainsi qu'il a été dit au point 8 ci-dessus, être soigné au Kosovo ; que son épouse fait également l'objet d'un arrêté, pris le même jour, de refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'il ne justifie pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales au Kosovo, son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de soixante trois ans et où vivent deux de ses enfants ainsi que son frère ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé sur le territoire français, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé n'a pas porté, eu égard aux buts qu'il poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, alors même que deux de ses filles vivraient en France ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

12. Considérant, en dernier lieu, que, pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

14. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante ou son conseil du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A...doivent, dès lors, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2014, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Mear, président assesseur,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2014.

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N° 14LY01294


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01294
Date de la décision : 18/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : LUKEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-12-18;14ly01294 ?
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