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04/12/2014 | FRANCE | N°14LY01068

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2014, 14LY01068


Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2014 au greffe de la Cour, présentée pour Mme A..., se disant Charlène Kimutu, domiciliée..., à Lyon (69347 Cedex) ;

MmeA..., se disant Kimutu, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308099 du 4 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, des " décisions implicites " du préfet du Rhône refusant " d'enregistrer sa demande d'asile " et de lui " délivrer un titre de séjour ", et, d'autre part, des décisions du 31 juillet 2013 du même préfet l'o

bligeant à quitter le territoire français, fixant à trente jours son délai de dé...

Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2014 au greffe de la Cour, présentée pour Mme A..., se disant Charlène Kimutu, domiciliée..., à Lyon (69347 Cedex) ;

MmeA..., se disant Kimutu, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308099 du 4 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, des " décisions implicites " du préfet du Rhône refusant " d'enregistrer sa demande d'asile " et de lui " délivrer un titre de séjour ", et, d'autre part, des décisions du 31 juillet 2013 du même préfet l'obligeant à quitter le territoire français, fixant à trente jours son délai de départ volontaire et désignant son pays de destination ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile ou un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

MmeA..., se disant Kimutu, soutient :

- qu'elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile dès le 31 juillet 2013 ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif, une décision implicite de " refus d'enregistrement " de cette demande est bien intervenue ; qu'en ne se prononçant pas sur les moyens dirigés contre cette décision, les premiers juges ont entaché d'irrégularité le jugement attaqué ; que la décision de refus d'enregistrement est insuffisamment motivée ; qu'en ne se prononçant pas sur sa demande d'asile, le préfet a méconnu l'étendue de ses compétences et a commis une erreur de droit ; que l'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile ne pouvait lui-être refusée que sur le fondement de l'un des motifs limitativement énumérés par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que le préfet a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour ; qu'en ne se prononçant pas sur les moyens dirigés contre cette décision, le Tribunal administratif a entaché d'irrégularité son jugement ; que la décision de refus de titre de séjour a été signée par une personne ne disposant pas d'une délégation de signature ; que cette décision n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation et est insuffisamment motivée ; qu'en n'examinant pas sa situation personnelle et en ne prenant pas en compte les circonstances très particulières dont elle justifie, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que la décision d'obligation de quitter le territoire français, fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale, est elle-même illégale ; qu'elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et en méconnaissance de son droit d'être entendue, consacré en tant que principe général du droit de l'Union européenne ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- que la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

- que la décision désignant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ; que, faute pour le préfet de s'être prononcé sur sa demande d'asile et compte tenu des craintes qu'elle a exprimées en cas de retour dans son pays d'origine, cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 19 septembre 2014, fixant la clôture d'instruction au 10 octobre 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2014, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, présenté par le préfet du Rhône et non communiqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 6 mars 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a admis MmeA..., se disant Kimutu, au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement dispensant le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application des articles L. 732-1 et R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2014 :

- le rapport de M. Meillier, premier conseiller ;

- les observations de Me Paquet, avocat de MmeA..., se disant Kimutu ;

1. Considérant MmeA..., se disant Charlène Kimutu, ressortissante de la République démocratique du Congo, déclare être entrée en France le 23 juillet 2013 ; que, par décisions expresses du 31 juillet 2013, le préfet du Rhône l'a obligée à quitter le territoire français, a fixé à trente jours son délai de départ volontaire et a désigné comme pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai, le pays dont elle a la nationalité ou tout autre pays dans lequel elle établit être légalement admissible ; que, par jugement du 4 février 2014, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de MmeA..., se disant Kimutu, tendant à l'annulation des décisions précitées ainsi que des " décisions implicites " par lesquelles le préfet du Rhône aurait également, le même jour, refusé " d'enregistrer sa demande d'asile " et de lui " délivrer un titre de séjour " ; que MmeA..., se disant Kimutu, relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué et la recevabilité de la demande de première instance, en tant qu'elle portait sur des décisions de " refus d'enregistrement de la demande d'asile " et de " refus de titre de séjour " :

2. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux établis les 30 et 31 juillet 2013 lors des trois auditions de MmeA..., se disant Kimutu, que celle-ci ait, avant l'intervention des décisions expresses susvisées du 31 juillet 2013, fait état, fût-ce indirectement ou implicitement, de sa volonté de solliciter l'asile ; qu'ainsi, l'édiction desdites décisions ne révèle l'existence d'aucune décision concomitante refusant d'admettre provisoirement au séjour l'intéressée ;

3. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Rhône s'est borné, le 31 juillet 2013, à prendre une décision portant obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, que n'étant saisi d'aucune demande de titre de séjour, il n'a pris aucune décision de refus de délivrance d'un titre de séjour à l'encontre de MmeA..., se disant Kimutu ;

4. Considérant, dès lors, que les conclusions de MmeA..., se disant Kimutu, présentées en première instance et tendant à l'annulation de prétendues décisions de " refus d'enregistrement " de sa demande d'asile et de " refus de titre de séjour " étaient dépourvues d'objet et, par suite, irrecevables, ainsi que l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif ; que, par conséquent, la requérante ne peut utilement soutenir que les premiers juges auraient entaché d'irrégularité leur jugement en n'examinant pas les moyens dirigés contre ces deux décisions inexistantes ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du délai de départ volontaire et désignation du pays de destination :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, en premier lieu, que la décision d'obligation de quitter le territoire français litigieuse ayant été prise sur le fondement du 1° du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur le fondement du 3° du même I, la requérante ne peut utilement exciper de l'illégalité de la prétendue décision implicite de refus de titre de séjour sus-évoquée ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que, lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive du 16 décembre 2008 susvisée, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, MmeA..., se disant Kimutu, a été entendue à trois reprises par les services de police les 30 et 31 juillet 2013, avant l'édiction de la mesure d'éloignement ; qu'à cette occasion, elle a été interrogée sur les raisons l'ayant conduit à quitter la République démocratique du Congo ; qu'elle a ainsi expliqué avoir refusé de se marier, s'être brouillée avec sa tante et avoir été hébergée dans une église et aidée par un pasteur ; que ces éléments ont été portés à la connaissance du préfet du Rhône ; que si elle soutient désormais avoir été menacée de mort par sa tante, elle n'a pas fait état de ces menaces lors de ses auditions, alors qu'elle en a eu la possibilité ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée du droit d'être entendue qu'elle tient du principe général du droit de l'Union européenne ;

8. Considérant, en dernier lieu, que MmeA..., se disant Kimutu, n'était présente en France que depuis quelques jours à la date de la décision attaquée ; que si elle prétend qu'elle est née en 1996, que ses parents sont décédés en 2006, qu'elle a alors été recueillie par sa tante, que cette dernière a organisé un mariage forcé avec un homme de quarante-huit ans, que, suite à son refus d'épouser cet homme, elle a été menacée de mort par sa tante et qu'elle a dû fuir et se réfugier dans une église, elle n'apporte aucun élément corroborant une quelconque partie de son récit, alors, au demeurant, qu'un test osseux a révélé qu'elle était âgée, en juillet 2013, d'au moins vingt-cinq ans et que l'acte d'état civil qu'elle a présenté, établi le 8 juin 2013, fait état de la présence à cette date de son père, censé être décédé en 2006, et mentionne une date de naissance, le 28 août 1996, incompatible avec son âge réel ; qu'elle ne peut utilement faire état d'un viol subi à Lyon et ayant entraîné une grossesse dès lors que la date présumée du début de cette grossesse, le 30 octobre 2013, est postérieure à la décision attaquée ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté ;

En ce qui concerne la fixation du délai de départ volontaire :

9. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit plus haut, la requérante ne peut utilement invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la prétendue décision implicite de refus de titre de séjour ; qu'elle n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la désignation du pays de destination :

10. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la requérante ne peut utilement invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la prétendue décision implicite de refus de titre de séjour ; qu'elle n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

12. Considérant, d'une part, qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet du Rhône, bien que n'ayant été saisi d'aucune demande d'admission au séjour au titre de l'asile, a constaté que l'intéressée n'établissait pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées ou qu'elle serait exposée à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant, d'autre part, que, pour les raisons évoquées plus haut, MmeA..., se disant Kimutu, n'apporte pas d'éléments de nature à établir le bien-fondé de ses craintes, non plus que de la réalité et la gravité des risques qu'elle invoque, en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

14. Considérant, en dernier lieu, que, pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'une " erreur manifeste d'appréciation " doit être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MmeA..., se disant Kimutu, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

16. Considérant que le présent arrêt de rejet n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par MmeA..., se disant Kimutu, doivent être rejetées ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

17. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par MmeA..., se disant Kimutu, doivent, dès lors, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de MmeA..., se disant Kimutu, est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeA..., se disant Charlène Kimutu, et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2014, à laquelle siégeaient :

Mme Mear, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 décembre 2014.

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N° 14LY01068

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01068
Date de la décision : 04/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEAR
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-12-04;14ly01068 ?
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