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06/11/2014 | FRANCE | N°14LY01240

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 06 novembre 2014, 14LY01240


Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2014, présentée pour M. B...A..., domicilié... ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306192 du 20 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant :

- d'une part, à l'annulation des décisions du 16 octobre 2013 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;

- d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer

un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente...

Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2014, présentée pour M. B...A..., domicilié... ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306192 du 20 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant :

- d'une part, à l'annulation des décisions du 16 octobre 2013 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;

- d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

Il soutient :

- que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le refus d'autorisation de travail n'étant pas devenu définitif le préfet ne pouvait prendre position et statuer sur la demande d'admission exceptionnelle ;

- que le refus d'autorisation de travail n'étant pas devenu définitif à la date de décision du préfet, ce dernier ne pouvait pas refuser, dans les circonstances de l'affaire, l'attribution d'un titre de séjour de salarié ;

- que le refus de titre de séjour demandé au titre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne pouvait pas être légalement fondé sur un refus d'autorisation de travail qui n'était pas devenu définitif ;

- que l'obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ; qu'elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle dans la mesure où il a tenté de régulariser sa situation par le travail et a fait preuve d'une volonté d'insertion ;

- que la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire n'est pas motivée ; que le préfet a méconnu les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; qu'il a commis une erreur de droit dès lors que le risque de fuite n'est pas établi car il justifie d'une adresse et s'est volontairement présenté pour recevoir la notification de la décision en litige ; que le II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est incompatible avec la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 car il va au-delà des cas prévus par la directive ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 18 juillet 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A...;

Vu le mémoire, enregistré le 13 octobre 2013, après la clôture de l'instruction, présenté par le préfet de l'Isère ;

En application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative, le rapporteur public a, sur sa proposition, été dispensé d'exposer ses conclusions à l'audience ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

Vu l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie relatif aux échanges de jeunes professionnels du 4 décembre 2003 ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant tunisien né le 19 mars 1978, est entré en France le 20 avril 2009 sous couvert d'un visa long séjour délivré en application de l'article 2-3-1 de l'accord franco-tunisien relatif aux échanges de jeunes professionnels du 4 décembre 2003 ; qu'il a obtenu une carte de séjour mention " travailleur temporaire " valable du 5 juin 2009 au 4 juin 2010 ; qu'ayant sollicité le 25 mai 2010 le renouvellement de son titre de séjour, le préfet du Rhône a, le 28 mars 2011, refusé de lui accorder un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ; que le 17 juillet 2012, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié " en application de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 puis a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, après un refus d'autorisation de travail intervenu le 8 avril 2013 et confirmé sur recours le 26 septembre 2013, le préfet de l'Isère a, le 16 octobre 2013, rejeté ses demandes de titres de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai et a fixé le pays de destination ; que M. A...fait appel du jugement du 20 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation desdites décisions préfectorales du 16 octobre 2013 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le jugement attaqué mentionne qu'aucune disposition n'imposait au préfet d'attendre que le refus d'autorisation de travail soit devenu définitif pour se prononcer sur la demande de titre de séjour dont il était saisi ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal administratif n'a pas omis de répondre à ce moyen ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. Considérant que ni les stipulations de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, ni celles du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008, ni les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment celles de son article L. 313-10, dont le préfet a cru devoir faire application, ne lui faisaient obligation de ne se prononcer sur la demande de titre de séjour de M. A...qu'après que le refus d'autorisation de travail opposé à celui-ci soit devenu définitif ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A...n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ; que le 16 octobre 2013, M.A..., à qui un titre de séjour avait été refusé, se trouvait dans le cas que prévoient ces dispositions, dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

6. Considérant, enfin, que si M. A...soutient que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle dans la mesure où il a tenté de régulariser sa situation par le travail, il ressort des pièces du dossier que sa demande de renouvellement de carte de séjour a été rejetée par une décision du 28 mars 2011 lui faisant, par ailleurs, obligation de quitter le territoire français ; qu'il est constant que l'intéressé n'a pas exécuté cette décision et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français ; qu'il n'a formulé une nouvelle demande de titre de séjour que le 17 juillet 2012 ; que, s'il ressort des pièces du dossier qu'il a travaillé au cours de la majeure partie de l'année 2010, au demeurant de manière irrégulière pendant plusieurs mois, son titre de séjour de " jeune professionnel " ayant expiré le 5 juin 2010, cette circonstance, alors qu'il ne fait valoir aucun autre élément, n'est pas de nature à établir l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement en litige sur la situation personnelle de M.A... ;

Sur la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. /Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) /3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) /d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) " ;

8. Considérant que la décision en litige vise le 3, d du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que M. A...s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement du 28 mars 2011 et qu'il a lui-même déclaré ne pas avoir quitté le territoire français depuis le 20 avril 2009 ; que, dès lors, cette décision est suffisamment motivée ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et fixe le pays à destination duquel il sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision contestée ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'autorité administrative aurait méconnu ce texte est inopérant ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 4 de l'article 7, relatif au départ volontaire, de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours " ; que la même directive prévoit, au 7) de son article 3, qu'il faut entendre par risque de fuite " le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l' objet de procédures de retour peut prendre la fuite " ;

11. Considérant qu'aux termes du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : /d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; " ;

12. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.A..., les dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles s'est fondé le préfet de l'Isère pour lui refuser un délai de départ volontaire, qui fixent des critères objectifs permettant de penser que l'étranger faisant l'objet de la mesure d'éloignement est susceptible de prendre la fuite, ne sont pas incompatibles avec celles précitées de la directive n° 2008/115/CE que la loi du 16 juin 2011 a eu pour objet de transposer ; qu'en prévoyant que des circonstances particulières peuvent faire obstacle à ce que le risque de fuite soit considéré comme établi dans l'hypothèse où un étranger entrerait dans un des cas définis par le 3° du II de l'article L. 511-1 du code précité, le législateur a imposé à l'administration un examen de la situation particulière de chaque étranger, à même d'assurer le respect du principe de proportionnalité entre les moyens et les objectifs poursuivis lorsqu'il est recouru à des mesures coercitives ;

13. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que pour refuser à M. A...un délai de départ volontaire, le préfet de l'Isère a considéré que le risque de fuite est établi aux motifs qu'il s'est précédemment soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement, du 28 mars 2011 et qu'il s'est maintenu irrégulièrement en France ; que M.A..., qui ne conteste pas ces éléments, se borne à se prévaloir de la connaissance par l'administration de son adresse et de sa venue à la convocation des services préfectoraux pour connaître les suites données à ses demandes de titre de séjour ; qu'ainsi, en l'absence de circonstance particulière, au sens du 3° du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressé entrait dans le champ d'application de ces dispositions ; que, dès lors, le préfet de l'Isère, qui pouvait légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire, n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2014.

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N° 14LY01240


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01240
Date de la décision : 06/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : ALDEGUER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-11-06;14ly01240 ?
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