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06/11/2014 | FRANCE | N°14LY01069

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 06 novembre 2014, 14LY01069


Vu la décision n° 362562 du 26 mars 2014 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a attribué à la Cour administrative d'appel de Lyon le jugement de la requête présentée pour M. B...A... ;

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 6 septembre et le 3 décembre 2012, présentés pour M. B...A..., domicilié... ;

M. A...demande :

1°) l'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble n° 1003344 du 4 juillet 2012 en tant qu'il a lim

ité à 1 500 euros la somme qu'il a condamné la commune de Crest à lui verser en répara...

Vu la décision n° 362562 du 26 mars 2014 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a attribué à la Cour administrative d'appel de Lyon le jugement de la requête présentée pour M. B...A... ;

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 6 septembre et le 3 décembre 2012, présentés pour M. B...A..., domicilié... ;

M. A...demande :

1°) l'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble n° 1003344 du 4 juillet 2012 en tant qu'il a limité à 1 500 euros la somme qu'il a condamné la commune de Crest à lui verser en réparation des conséquences dommageables d'un accident de la circulation survenu le 8 juillet 2009 ;

2°) la mise à la charge de la commune de Crest d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que le jugement ne pouvait pas être rendu par un juge statuant seul dès lors que la somme demandée, de 8 000 euros à parfaire dans l'attente des conclusions expertales à intervenir, ne pouvait être tenue comme inférieure à 10 000 euros et que sa demande relevait, par suite, d'une formation de jugement collégiale ;

- que le tribunal administratif a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure mentionné aux articles L. 5 et R. 611-1 du code de justice administrative dès lors que l'ensemble des écritures de la commune de Crest ne lui a pas été régulièrement communiqué ;

- que le jugement attaqué, qui ne vise pas l'ensemble des conclusions et mémoires des parties, méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- qu'il n'a pas été avisé de la date de l'audience ;

- que le jugement ne précise pas que le magistrat qui l'a rendu a été régulièrement désigné ;

- que le jugement est entaché d'une insuffisance et d'une contradiction de motifs ;

- que le jugement omet de répondre aux conclusions tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée ;

- qu'alors que l'implantation du ralentisseur n'était pas conforme à la réglementation en vigueur, ce jugement est aussi entaché d'erreur de droit, d'erreur de qualification juridique en ce que le magistrat a retenu une imprudence de sa part et de dénaturation des pièces du dossier dès lors qu'il n'est pas, même partiellement, responsable de l'accident et qu'il n'est pas démontré qu'il n'aurait pas adapté sa vitesse à la configuration des lieux et qu'il avait connaissance des travaux commencés au mois de juin 2009 ; que les lieux étaient mal éclairés ;

- que le jugement est entaché de dénaturation sur l'évaluation des préjudices qu'il a subis ;

- que le jugement est entaché de dénaturation sur le partage de responsabilité, dans la mesure où les fautes commises par la commune auraient dû conduire à un partage plus favorable au requérant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 mai 2013, présenté pour la commune de Crest et la compagnie Axa Assurances qui concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A...d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 25 juin 2014, présenté pour la commune de Crest et pour la compagnie Axa Assurances, qui concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A...une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent :

- que le juge statuant seul du tribunal administratif était compétent pour statuer dès lors que l'indemnité sollicitée, de 8 000 euros, était inférieure à 10 000 euros le jour de dépôt de la demande et n'était pas assortie de conclusions visant à évaluer le préjudice ;

- que M. A...a, de par son comportement imprudent, participé à la survenance de l'accident et de son dommage et a ainsi commis une faute exonérant partiellement la commune de sa responsabilité ;

- qu'aucun procès-verbal de gendarmerie ou de police n'a été dressé et que les trois témoins n'apportent pas d'éléments sur le comportement de M.A... ;

- qu'une obligation de prudence pèse sur tout automobiliste et que les circonstances particulières de circulation, de nuit, dans un virage, et la présence d'un panneau triangulaire jaune signalant un danger et invitant à la prudence et de peinture jaune sur les rampants du ralentisseur, auraient dû l'inciter à la prudence et à diminuer sa vitesse ;

- que les travaux sur cette voie avaient débuté en juin 2009 et que du fait de sa connaissance des lieux, il aurait dû redoubler de vigilance ;

- que le partage de responsabilité opéré par le magistrat statuant seul, selon lequel la faute de la victime exonère la commune de Crest de 25 % de sa responsabilité, est raisonnable et correspond à la réalité des faits ;

- que M. A...dans ses écritures ne justifie ni de la somme demandée de 8 000 euros, ni d'éléments expliquant la teneur réelle du préjudice subi et ne précise pas l'objet ni la période de l'intervention chirurgicale qu'il indique avoir subie ;

Vu l'ordonnance du 2 septembre 2014 fixant la clôture d'instruction au 19 septembre 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Delaire, avocat de la commune de Crest ;

1. Considérant que M.A..., qui a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il circulait à motocyclette sur le territoire de la commune de Crest le 8 juillet 2009, fait appel du jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il n'a condamné ladite commune à lui verser qu'une somme de 1 500 euros en réparation des conséquences de cet accident ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue en audience publique et après audition du rapporteur public : (...) 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 (...) " ; que ce montant est fixé à 10 000 euros par l'article R. 222-14 ; que l'article R. 222-15 prévoit, dans son premier alinéa, qu'il est déterminé " par la valeur totale des sommes demandées dans la requête introductive d'instance " et, dans son dernier alinéa, que " Lorsque des indemnités sont demandées, dans une même requête, par plusieurs demandeurs (...), la compétence de ce magistrat est déterminée par la plus élevée d'entre elles " ;

3. Considérant que les actions indemnitaires dont les conclusions n'ont pas donné lieu à une évaluation chiffrée dans la requête introductive d'instance devant le tribunal administratif et ne peuvent dès lors être regardées comme tendant au versement d'une somme supérieure à 10 000 euros entrent dans le champ des dispositions du 7° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative ; que ces dispositions ne sauraient, toutefois, trouver application quand le requérant, dans sa requête introductive d'instance, a expressément demandé qu'une expertise soit ordonnée afin de déterminer l'étendue de son préjudice ou a expressément mentionné une demande d'expertise formulée par ailleurs devant une juridiction, en se réservant de fixer le montant de sa demande au vu du rapport de l'expert ; que le jugement rendu sur une telle requête doit l'être par une formation collégiale quel que soit le montant de la provision que le demandeur a, le cas échéant, sollicitée dans sa requête introductive d'instance comme celui de l'indemnité qu'il a chiffrée à l'issue de l'expertise ;

4. Considérant que M. A...a présenté le 29 juillet 2010 une demande tendant à ce que le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble prescrive une expertise en vue d'apprécier son préjudice corporel consécutif à un accident de la circulation dont il imputait la responsabilité à la commune de Crest ; qu'il a, le même jour, recherché la responsabilité de cette commune devant le même Tribunal, en sollicitant l'octroi d'une somme de 8 000 euros, " sauf à parfaire " au vu des conclusions de l'expert dont il indiquait qu'il demandait la désignation en référé ; que, ce faisant, il doit être regardé comme ayant demandé l'octroi d'une provision en se réservant de chiffrer définitivement ses prétentions au vu des conclusions de l'expert ; que la circonstance que la demande en référé présentée par M. A...a été rejetée dès le 27 septembre 2010 et que l'intéressé n'a pas sollicité d'expertise devant le juge du fond est sans incidence à cet égard ; que, dans ces conditions, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a excédé la compétence que lui confère l'article R. 222-13 du code de justice administrative en se prononçant sur cette demande, l'affaire devant être jugée par une formation collégiale ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A...est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il n'a pas mis à la charge de la commune de Crest une somme supérieure à 1 500 euros ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur cette partie des conclusions de la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Sur le principe de la responsabilité :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des photographies des lieux et des témoignages qu'il produit, que M.A..., qui circulait à motocyclette, a été victime d'une chute, le 8 juillet 2009, vers 22 heures 30, alors qu'il franchissait un carrefour, avenue des Trois Becs, à Crest ; que cet accident a été provoqué par un ralentisseur en enrobé de type trapézoïdal, qui avait été implanté par l'entreprise E26 le même jour, dans une légère courbe à droite ; qu'un panneau triangulaire jaune posé au sol, signalant ce danger, avait été placé à proximité du ralentisseur, mais en était trop rapproché pour permettre aux usagers d'adapter en temps utile leur conduite ; que le marquage provisoire par peinture jaune sur les " rampants " du ralentisseur n'était pas visible de nuit et qu'aucun éclairage spécifique n'était installé ; qu'ainsi, le dommage accidentel est imputable à l'ouvrage public sur lequel circulait M.A..., qui avait la qualité d'usager de la voie ; que la commune de Crest n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'entretien normal de cet ouvrage ; qu'en conséquence, la responsabilité de la commune est engagée ;

7. Considérant que la responsabilité de la commune de Crest est toutefois atténuée par la circonstance que M.A..., habitant à proximité du lieu de l'accident, connaissait les lieux et notamment l'existence de travaux en cours ; qu'il n'a pas apporté à la conduite de sa motocyclette la prudence qu'appelaient les modifications récentes de la voirie et la légère configuration en courbe des lieux ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera ainsi fait une juste appréciation des responsabilités encourues en laissant à la charge de la commune de Crest les trois quarts des conséquences dommageables de l'accident ;

Sur le préjudice :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a subi une incapacité temporaire totale d'une durée de 8 jours, un arrêt de travail de 10 jours et des soins durant 30 jours ; que le requérant n'apporte aucun élément sur l'opération chirurgicale qu'il aurait subie ; que dans les circonstances de l'espèce et en l'absence d'éléments fournis par l'intéressé sur les préjudices dont il demande réparation, l'ensemble du préjudice personnel subi par M. A... doit être évalué à 2 000 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité, l'indemnité due par la commune de Crest à M. A... s'élève à 1 500 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander la condamnation de la commune de Crest à lui verser une somme supérieure à 1 500 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Crest, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Crest tendant au bénéfice de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble du 4 juillet 2012 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A...tendant à lui verser une somme excédant 1 500 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Crest tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à la commune de Crest, à la compagnie Axa assurances et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2014.

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N° 14LY01069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01069
Date de la décision : 06/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-02-035 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres. Défaut d'entretien normal. Signalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : JEAN-CHRISTOPHE BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-11-06;14ly01069 ?
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