La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/10/2014 | FRANCE | N°14LY00281

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2014, 14LY00281


Vu la requête, enregistrée le 4 février 2014 au greffe de la Cour, présentée par le préfet de l'Isère ;

Le Préfet de l'Isère demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1304720 du 21 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble, d'une part, a annulé son arrêté du 12 août 2013 portant refus de délivrer un titre de séjour à Mme A...B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et désignant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office, d'autre part, lui a enjoint de délivrer un certificat de résidenc

e d'un an à Mme B...et enfin a mis à la charge de l'Etat, le versement au consei...

Vu la requête, enregistrée le 4 février 2014 au greffe de la Cour, présentée par le préfet de l'Isère ;

Le Préfet de l'Isère demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1304720 du 21 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble, d'une part, a annulé son arrêté du 12 août 2013 portant refus de délivrer un titre de séjour à Mme A...B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et désignant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office, d'autre part, lui a enjoint de délivrer un certificat de résidence d'un an à Mme B...et enfin a mis à la charge de l'Etat, le versement au conseil de Mme B... d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que son arrêté n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'arrêté et le jugement attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2014, présenté pour Mme A... B..., qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement n° 1304720 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 21 janvier 2014 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 13 euros au titre des dépens ;

Elle soutient :

- qu'elle réside en France depuis plus de six ans à la date de la décision attaquée, qu'elle justifie d'un emploi en contrat à durée indéterminée depuis le mois d'avril 2011, que sa fille de six ans est scolarisée, qu'elle justifie ainsi d'une totale intégration en France et qu'un retour dans son pays, compte tenu de la discrimination faite envers les mères célibataires mettrait à mal ses efforts d'insertion professionnelle et d'intégration ; que par suite, l'arrêté du 12 août 2013 porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- que pour les mêmes motifs, le préfet de l'Isère a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- que la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne fait pas mention de la décision préalable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (direccte), qu'elle a été prise par une autorité incompétente, puisque M.C..., signataire de l'arrêté, n'avait pas compétence pour édicter une décision de refus d'autorisation de travail et que par suite cette décision était entachée d'un vice de procédure ;

Vu l'ordonnance en date du 10 juillet 2014 fixant la clôture d'instruction au 1er août 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application des articles L. 732-1 et R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2014 :

- le rapport de Mme Bourion, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme A...B..., ressortissante algérienne née le 5 décembre 1984, est entrée régulièrement en France le 20 février 2007 ; que suite à son mariage en Algérie le 24 juin 2006, Mme B...a obtenu un certificat de résidence algérien, en qualité de conjointe de français, valable du 23 février 2007 au 22 février 2008 ; qu'après la rupture de la vie commune avec son époux, elle a obtenu un certificat de résidence algérien en qualité de parent d'enfant français valable du 7 juillet 2008 au 6 juillet 2009 ; que par jugement du 13 septembre 2010, le Tribunal de grande instance de Grenoble a constaté que l'enfant née le 24 octobre 2007 n'était pas l'enfant biologique de son époux ; que par un premier arrêté en date du 11 mars 2011 confirmé par un jugement du Tribunal administratif de Grenoble le 30 septembre 2011 puis par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon le 19 mars 2012, le préfet de l'Isère a refusé à Mme B...la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office ; que par un second arrêté en date du 12 août 2013, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office ; que le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 21 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 12 août 2013 précité et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un certificat de résidence d'un an ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que pour annuler l'arrêté du 12 août 2013 pris par le préfet de l'Isère à l'encontre de MmeB..., le Tribunal administratif de Grenoble a considéré que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il s'est fondé sur la durée de séjour en France de Mme B...et de sa fille ainsi que sur son insertion professionnelle et sociale ;

3. Considérant que si Mme B...soutient qu'à la date de la décision attaquée, elle résidait en France depuis plus de six ans et était socialement et professionnellement intégrée, il ressort des pièces du dossier que c'est en méconnaissance de l'arrêté du 11 mars 2011 du préfet de l'Isère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui enjoignant de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite, dont la légalité a été confirmée par un jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 30 septembre 2011 puis par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 19 mars 2012, qu'elle s'est maintenue en France ; qu'en outre, les quelques attestations non circonstanciées de voisins, amis et collègues de travail ne suffisent pas à établir qu'elle a créé des liens personnels et familiaux intenses et stables en France où elle vit seule avec sa fille née en 2007 ; que, par ailleurs, MmeB..., âgée de vingt-trois ans à la date de son entrée en France, n'est pas dépourvue de tout lien familial dans son pays d'origine où résident sa mère et ses deux frères, ainsi que ses grands-parents et ses deux oncles ; que si elle fait valoir qu'il lui sera difficile de vivre en Algérie du fait de son statut de mère célibataire, elle n'assortit ses dires d'aucune précision ; qu'ainsi, eu égard aux conditions du séjour en France de la requérante et nonobstant la circonstance que sa fille y est scolarisée, la décision portant refus de titre de séjour en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que pour annuler sa décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme B...D...administratif de Grenoble a jugé que cette décision avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par MmeB..., tant devant le Tribunal administratif de Grenoble que devant la Cour ;

5. Considérant que Mme B...soutient que la décision portant refus de titre de séjour du 12 août 2013 est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne fait pas mention de la décision préalable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (direccte), qu'elle a été prise par une autorité incompétente, puisque M.C..., signataire de l'arrêté, n'avait pas compétence pour édicter une décision de refus d'autorisation de travail et que par suite cette décision était également entachée " d'un vice de procédure " ; que, toutefois, cette décision mentionne, contrairement à ce que soutient la requérante, que cette dernière n'a pas produit un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi ; que, dès lors, cette décision était suffisamment motivée ; que, par ailleurs, son signataire a pris à l'encontre de Mme B..., une décision portant refus de titre de séjour, au titre de laquelle il était compétent, et non une décision de refus d'autorisation de travail ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été entachée " d'un vice de procédure " doit être écarté ;

6. Considérant, que, pour les mêmes motifs que ceux susmentionnés au paragraphe 3, les moyens tirés de ce que l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 12 août 2013 refusant la délivrance d'un titre de séjour à MmeB..., lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de son renvoi, lui a fait injonction de délivrer à Mme B...un certificat de résidence d'un an et a condamné l'Etat à verser au conseil de Mme B...une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Sur les dépens :

8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser les dépens à la charge de MmeB..., partie perdante ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est ni la partie tenue aux dépens ni la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1304720 du 21 janvier 2014 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Grenoble, ainsi que ses conclusions d'appel, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de l'Isère, à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2014, à laquelle siégeaient :

Mme Mear, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, conseiller.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2014.

''

''

''

''

1

2

N° 14LY00281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00281
Date de la décision : 16/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEAR
Rapporteur ?: Mme Isabelle BOURION
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : COSTA et MLADENOVA-MAURICE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-10-16;14ly00281 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award