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25/09/2014 | FRANCE | N°14LY00697

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2014, 14LY00697


Vu la requête, enregistrée au 7 mars 2014, présentée pour Mme A... C...épouse D...et Mme B...D..., domiciliées CADA du Diaconat, 97 rue Faventines à Valence (26000) ;

Mme C... épouse D...et Mme D...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303977 et 1303978 du 22 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 24 juin 2013 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays d

e destination ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de ...

Vu la requête, enregistrée au 7 mars 2014, présentée pour Mme A... C...épouse D...et Mme B...D..., domiciliées CADA du Diaconat, 97 rue Faventines à Valence (26000) ;

Mme C... épouse D...et Mme D...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303977 et 1303978 du 22 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 24 juin 2013 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de leur délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut et sous les mêmes conditions, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour leur permettant de travailler et de leur notifier une nouvelle décision ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à leur conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elles soutiennent que :

- le Tribunal n'a pas répondu à l'ensemble des moyens développés dans leurs demandes au titre de l'exception d'illégalité des décisions portant refus d'admission provisoire au séjour ;

- le préfet n'a procédé à aucun examen individualisé de leur situation pour leur refuser l'admission provisoire au séjour et ces décisions ne sont pas motivées en fait ;

-au regard de l'état de santé de Mme A...D..., qui a besoin d'un traitement à vie pour une pathologie cardiaque et qui présente un diabète insulino dépendant, le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée alors que le défaut de cette prise en charge médicale est de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'aucun avis médical n'a été recueilli par le préfet ;

- le préfet n'a pas tenu compte de l'état de santé de Mme A...D..., celle-ci n'a pas été en mesure de présenter ses observations sur la mesure d'éloignement envisagée et n'a pas été informée de ce qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une telle mesure avant le terme de l'examen de sa demande d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2014, présenté par le préfet de la Drôme qui s'en rapporte à ses écritures de première instance ;

Vu les décisions du 5 février 2014, par lesquelles le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme A... C...épouse D...et a refusé le bénéfice de cette aide à Mme B...D... ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité sur l'Union européenne ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2014 le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme C... épouse D...et sa fille, Mme B...D..., nées respectivement le 1er janvier 1949 et le 31 mai 1982, de nationalité arménienne, ont déclaré être entrées irrégulièrement en France le 9 novembre 2012 ; qu'elles ont présenté chacune des demandes d'asile qui ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 avril 2013 dans le cadre de la procédure prioritaire ; que par décisions du 24 juin 2013, le préfet de la Drôme a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elles pourront être renvoyées ; que Mmes D...relèvent appel du jugement du 22 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que Mmes D...soutiennent que le Tribunal n'a pas répondu à l'ensemble des moyens développés dans leurs demandes tirés, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions portant refus d'admission provisoire au séjour ;

3. Considérant toutefois que l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale ; que s'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte ;

4. Considérant que les décisions par lesquelles le préfet refuse, en fin de procédure, le séjour à l'étranger dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et l'oblige à quitter le territoire français ne sont pas prises pour l'application de la décision par laquelle le préfet statue, en début de procédure, sur l'admission provisoire au séjour ; que la décision prise sur l'admission au séjour ne constitue pas davantage la base légale du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

5. Considérant que, par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour opposé à un demandeur d'asile ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours dirigé contre les décisions par lesquelles le préfet, après la notification du rejet par l'OFPRA de la demande d'asile traitée dans le cadre de la procédure prioritaire, refuse le séjour et oblige l'étranger à quitter le territoire français ;

6. Considérant qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le Tribunal n'avait pas à répondre à ces moyens inopérants soulevés devant lui ;

Sur la légalité des décisions contestées :

7. Considérant, en premier lieu, que, comme il vient d'être dit au point 6, les requérantes ne peuvent utilement invoquer, par voie d'exception, les illégalités dont seraient entachées les décisions leur refusant l'admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile pour contester les décisions portant refus de titre de séjour et les obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination du pays dont elles ont la nationalité, prises par le préfet à leur égard après la notification du rejet par l'OFPRA de leurs demandes d'asile traitées dans le cadre de la procédure prioritaire ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'imposait au préfet de la Drôme de recueillir les observations de Mme C... épouse D...avant de prendre une obligation de quitter le territoire ;

9. Considérant, en troisième lieu, que si les requérantes ont entendu invoquer la méconnaissance du droit pour Mme C... épouse D...d'être entendue avant la mesure d'éloignement résultant de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux, ce droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l' administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

10. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

11. Considérant qu'ainsi, en sollicitant le bénéfice de l'asile Mme C... épouse D...a demandé la délivrance d'un titre du titre de séjour prévu à l'article L. 313-13 et au 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il était loisible à l'intéressée lors du dépôt de cette demande d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'elle pouvait juger utiles concernant sa situation personnelle notamment concernant son état de santé dont elle fait état dans ses écritures ; qu'il ne ressort en outre des pièces du dossier ni qu'elle ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'elle ait été empêchée de présenter spontanément des observations avant que ne soit prise la décision d'éloignement ; que, dans ces conditions, Mme C... épouse D...n'a pas été privée du droit d'être entendu qu'elle tient de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux ;

12. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 dudit code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux trois premiers alinéas de l'article R. 313-22. " ; qu'aux termes dudit article R. 313-22 : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ;

13. Considérant que, d'une part, les requérantes ne sauraient reprocher au préfet de n'avoir recueilli aucun avis médical concernant l'état de santé de Mme C... épouse D...en méconnaissance des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que cette dernière n'a fait état auprès de l'administration d'aucun élément relatif à son état de santé avant l'intervention de la mesure d'éloignement ;

14. Considérant que, d'autre part, les requérantes font valoir que Mme C... épouse D...souffre d'une pathologie cardiaque et présente un diabète insulino dépendant ; que toutefois, les informations contenues dans les pièces produites et notamment le certificat médical daté du 14 août 2013, établi postérieurement à la mesure d'éloignement contestée et qui mentionne que l'intéressée présente un diabète " non insulino dépendant " et une coronaropathie obligeant à un traitement à vie avec la pose d'un stent le 25 février 2013, sont insuffisantes pour évaluer la gravité des pathologies dont était atteinte Mme C... épouse D...à la date des décisions en litige et, en tout état de cause, ne permettent pas d'établir qu'aucun traitement approprié n'existe dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles de leur conseil tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... épouse D...et Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...épouseD..., à Mme B... D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2014, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2014.

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N° 14LY00697


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00697
Date de la décision : 25/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-09-25;14ly00697 ?
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