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25/09/2014 | FRANCE | N°13LY03432

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2014, 13LY03432


Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2013, présentée pour Mme B...A..., domiciliée ...;

Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304501 du 15 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 25 mars 2013 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination ;

2°) d'annuler lesdites déci

sions ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer une carte de séjour temp...

Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2013, présentée pour Mme B...A..., domiciliée ...;

Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304501 du 15 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 25 mars 2013 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour, ou à titre subsidiaire d'enjoindre à la préfète de la Loire de procéder à un nouvel examen de sa demande dans le délai de deux mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour lui de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que :

- le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre, méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ainsi que les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève sur le statut de réfugié et des articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de non-refoulement compte tenu de ce que sa fille mineure est protégée contre l'éloignement et a le droit de demeurer en France jusqu'à ce que la CNDA statue sur sa demande d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée en fait ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux risques encourus tant au Sénégal qu'en Guinée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 25 avril 2014 fixant la clôture d'instruction au 16 mai 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2014, présenté par la préfète de la Loire qui s'en remet à ses écritures produites devant le Tribunal ;

Vu l'ordonnance du 13 mai 2014 portant réouverture d'instruction en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu la décision du 21 novembre 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2014 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeA..., née le 17 mars 1984, qui déclare être ressortissante du Sénégal et de la Guinée, est entrée irrégulièrement en France le 11 septembre 2012 accompagnée de sa fille Mame Diarra Diallo née, selon ses déclarations, le 26 décembre 2011 ; qu'elle a présenté le 16 novembre 2012 une demande d'asile que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejetée par une décision du 17 décembre 2012 dans le cadre de la procédure prioritaire ; qu'une demande d'asile a également été présentée au nom de sa fille le 12 décembre 2012 qui a été aussi rejetée le 17 décembre 2012 par l'OFPRA ; que, par décisions du 25 mars 2013, la préfète de la Loire a refusé de délivrer à Mme A...un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination ; que, Mme A...relève appel du jugement du 15 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité du refus de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant que Mme A... fait valoir que son frère aîné, de nationalité française, ainsi que sa soeur, réfugiée guinéenne titulaire d'une carte de résident, résident en France, qu'elle habite chez cette dernière avec sa fille, que sa fille a sollicité le bénéfice de l'asile en raison de risques d'excision au Sénégal et en Guinée et que sa famille en France lui apporte un soutien important ; que toutefois, à la date de la décision contestée, Mme A... ne résidait que depuis six mois sur le territoire français ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue de toute attache familiale au Sénégal et en Guinée, où elle a vécu avant son arrivée très récente en France, et notamment qu'elle serait séparée de son mari vivant au Sénégal, ni qu'elle ne pourrait mener hors de France, notamment au Sénégal, sa vie privée et familiale ; que, dès lors, eu égard aux conditions et à la durée de son séjour en France, le préfet n'a pas, par la décision contestée, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée de mener une vie privée et familiale normale au regard des buts poursuivis ; que cette décision n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée, dans les circonstances de l'espèce sus-décrites, d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A... ;

Sur la légalité des autres décisions :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la fille de MmeA..., Mame Diarra Diallo, représentée par la requérante, avait formé le 12 décembre 2012 une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié ou, à défaut, d'octroi de la protection subsidiaire, auprès de l'OFPRA, que ce dernier a rejetée par une décision du 17 décembre 2012 ; qu'à la date de l'obligation de quitter le territoire litigieuse, un recours concernant cette décision de l'OFPRA était pendant devant la Cour nationale du droit d'asile ; que si la demande d'asile de Mme A...relevait de la procédure prioritaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'asile de sa fille, qui est distincte de celle de la requérante, quand bien même l'enfant Mame Diarra avait, comme sa mère, la nationalité sénégalaise, a été traitée selon la procédure prioritaire ; qu'il est de l'intérêt supérieur de cette enfant, âgée de quelques mois, que sa mère, qui a toujours vécu avec elle, qui a déposé le dossier de demande d'asile en son nom et qui la représente, alors que son père vit au Sénégal, puisse rester avec elle afin notamment de l'assister et d'assurer sa représentation dans le cadre de la procédure juridictionnelle relative à sa demande d'asile en cours devant la CNDA, jusqu'à ce que cette juridiction ait statué sur la demande de cette enfant ; qu'en conséquence, en faisant obligation à Mme A...de quitter le territoire français alors que le recours formé par sa fille contre la décision de l'OFPRA était toujours pendant devant la CNDA et qu'aucune décision définitive n'avait été ainsi prise sur la demande d'asile de cette enfant, le préfet a méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que, par suite, la décision portant obligation pour Mme A...de quitter le territoire, ainsi que, par voie de conséquence, celles fixant un délai de départ volontaire d'un mois ainsi que le pays de destination, sont entachées d'illégalité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire français, fixant un délai de départ d'un mois et le pays de destination, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre ces décisions ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; que l'article L. 911-3 de ce code dispose : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;

8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. / Si la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire, la décision de placement en rétention ou la décision d'assignation à résidence est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

9. Considérant que l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas, eu égard au motif sur lequel elle se fonde, que le préfet délivre une carte de séjour temporaire à Mme A...; qu'en revanche, il y a lieu de prescrire audit préfet de se prononcer à nouveau sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans un délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 000 euros à verser à Me Pialou, avocat de MmeA..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

DECIDE :

Article 1er : Les décisions du 25 mars 2013 par lesquelles la préfète de la Loire a obligé Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Loire de délivrer une autorisation provisoire de séjour à MmeA... dans le délai de quinze jours et de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement n° 1304501 du 15 octobre 2013 du Tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Pialou, avocat de Mme A..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Loire et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Saint-Etienne.

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2014, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 septembre 2014.

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N° 13LY03432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY03432
Date de la décision : 25/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : PIALOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-09-25;13ly03432 ?
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