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23/09/2014 | FRANCE | N°13LY20050

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 23 septembre 2014, 13LY20050


Vu l'ordonnance n° 372825 en date du 18 novembre 2013, par laquelle, en application des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a décidé d'attribuer le recours de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie à la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu le recours, enregistré le 9 janvier 2013, présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

La ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande

à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100088 du 8 novembre 2012 par leq...

Vu l'ordonnance n° 372825 en date du 18 novembre 2013, par laquelle, en application des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a décidé d'attribuer le recours de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie à la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu le recours, enregistré le 9 janvier 2013, présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

La ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100088 du 8 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nîmes, à la demande de la société foncière de France et de la société les Magnolias, a annulé l'arrêté du 9 novembre 2010 par lequel le préfet du Gard a approuvé le plan de prévention des risques naturels d'inondation (PPRI) du Gardon d'Alès sur la commune d'Alès en ce qu'il classe en zone exposée à un aléa fort au risque, le terrain situé 1585 quai du Mas d'Hours à Alès ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la société foncière de France et par la société les Magnolias devant le tribunal administratif de Nîmes ;

La ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie soutient que le terrain litigieux est soumis à un risque d'inondation du fait du risque de rupture des digues protégeant les terrains litigieux en cas de crue ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 avril 2013, présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui conclut aux mêmes fins et soutient, en outre, que :

- en matière de prévention des risques naturels d'inondation, depuis la loi du 28 mai 1858, les espaces protégés par des digues sont considérés comme des espaces inondables pouvant subir, en cas de rupture, des écoulements beaucoup plus dangereux qu'une inondation lente ;

- l'étude réalisée par le BCEOM est d'une précision discutable tant au regard des hypothèses retenues pour élaborer le modèle qu'au regard des cotes des plus hautes eaux ayant permis de valider le modèle ;

- le terrain litigieux se trouve à proximité immédiate d'un tronçon de digue présentant des désordres préoccupants ;

Vu les mémoires, enregistrés respectivement les 19 juin et 31 juillet 2013, présentés pour la société foncière de France et la société les Magnolias qui concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 15 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elles soutiennent que :

- le guide méthodologique d'élaboration des plans de prévention des risques naturels d'inondation auquel la ministre fait référence n'a pas valeur de norme ;

- en laissant au maire d'Alès le délai maximum pour réaliser l'étude de dangers prévue par les dispositions de l'article R. 214-115 du code de l'environnement, le préfet a montré qu'il n'était pas convaincu du risque de rupture de la digue litigieuse pour défaut d'entretien tel qu'il est évoqué par la circulaire du 20 janvier 2004 ;

- la circulaire du 30 avril 2002 est abrogée ;

- la circulaire du 27 juillet 2011 est postérieure à l'arrêté litigieux et concerne le risque de submersion marine ;

- contrairement à ce que soutient la ministre, la différence de cote entre les deux rives en un même point ne révèle en rien une approximation dans les mesures sur lesquelles se fonde l'étude du BCEOM ;

- dans tout le secteur de la Prairie, soit il n'y a pas eu d'inondation, soit il y a eu seulement quelques centimètres d'eau du fait du ruisseau des Dupînes et non par débordement du Gardon, de sorte que leur classement en zone rouge est inapproprié et constitue une erreur manifeste d'appréciation ;

- le secteur de la Prairie ne se situe pas derrière une digue, mais au sommet d'une berge : le classement de la zone comme étant en contrebas d'une digue ne correspond pas à la réalité des lieux ;

- l'hypothèse de l'existence d'un risque réel de rupture de l'ouvrage n'est pas sérieuse et la démonstration du mauvais état d'entretien de l'ouvrage n'est pas convaincante ;

- elles redéveloppent les moyens qu'elles avaient soulevés devant les premiers juges et qui n'ont pas été retenus ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 août 2014, présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui conclut aux mêmes fins ;

elle soutient, en outre, que :

- les documents cartographiques concernant la commune d'Alès qui constituent une représentation graphique des mesures et principes détaillés dans le rapport de présentation et le règlement du PPRI du Gardon d'Alès ont été soumis à la consultation du public qui a pu bénéficier d'une information suffisante ;

- l'absence de production d'un tableau mentionné dans le rapport de présentation ne porte pas à elle seule atteinte à l'information du public à la compréhension des principes réglementant chaque zone du PPRI contesté ;

- les demandes formulées par les intimées dans le cadre de l'enquête publique ont été retranscrites dans le rapport de la commission d'enquête qui apporte également une réponse ;

- les parcelles litigieuses sont exposées à un risque d'inondation lié au débordement du Gardon et à un risque de rupture de digue ; elles sont incluses dans la bande de sécurité des 100 mètres à l'arrière des digues qui est classée de façon forfaitaire en aléa fort au vu des dangers en cas de surverse ; elles constituent en outre des champs d'expansion de crue en cas d'inondation ; enfin, la circonstance que le préfet n'a pas imposé au maire d'Alès de réaliser l'étude de danger imposée par l'article R. 214-115 du code de l'environnement dans un délai plus court que celui prévu par ce texte n'est pas de nature à établir l'absence de risque d'inondation ; le classement en zone d'aléa fort des terrains litigieux n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les intimées n'apportent aucun élément permettant d'établir que les prescriptions imposées par le PPRI contesté ne correspondraient pas au risque défini au regard de la crue de référence de 2002 ;

- le contenu du rapport du directeur départemental des territoires, de la mer et du Gard ne constitue pas la base légale de l'arrêté d'approbation ; son contenu n'a pas vocation à rendre les circulaires opposables aux tiers ; en tout état de cause, les intimées ne démontrent pas en quoi la distinction des zones situées en arrière des digues de celles qui ne le sont pas dans le PPRI du gardon d'Alès serait constitutive d'une illégalité, dès lors que cette distinction résulte de la prise en compte du risque ;

- le moyen tiré de ce que l'élaboration du PPRI aurait été réalisée sans tenir compte des travaux réalisés manque en fait ;

- la délivrance de l'autorisation " loi sur l'eau " n'est pas de nature à établir que le terrain sur lequel le projet est envisagé n'est pas exposé à un risque d'inondation ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 août 2014, présenté pour la société foncière de France et la société les Magnolias qui concluent aux mêmes fins ;

elles soutiennent, en outre, que :

- dans son dernier mémoire, la ministre reconnaît en réalité la nature de berge de l'ouvrage situé en rive gauche aux droits du terrain de la société foncière de France et ne peut continuer à soutenir que le zonage appliqué est justifié au regard de l'aléa " rupture de digue " auquel seraient soumis les terrains ;

- par arrêté du 10 juillet 2014, le préfet du Gard a pris en compte l'annulation prononcée par le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 8 novembre 2012 en appliquant aux terrains situés 1585 quai du Mas d'Hours la révision partielle du plan de prévention des risques litigieux engagée par arrêté du 24 avril 2014 ; ainsi, l'Etat a acquiescé à la décision du Tribunal et implicitement renoncé à l'effet de l'appel ;

Vu le mémoire, présenté pour la société foncière de France et la société les Magnolias, enregistré le 29 août 2014, après la clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2014 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant la société foncière de France et la société les Magnolias ;

1. Considérant que la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relève appel du jugement du 8 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nîmes, à la demande de la société foncière de France et de la société les Magnolias a annulé l'arrêté du 9 novembre 2010 par lequel le préfet du Gard a approuvé le plan de prévention des risques naturels d'inondation (PPRI) du Gardon d'Alès sur la commune d'Alès en ce qu'il classe en zone exposée à un aléa fort au risque le terrain situé 1585 quai du Mas d'Hours à Alès ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " L'État élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II.-Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs. (...) / V.-Les travaux de prévention imposés en application du 4° du II à des biens construits ou aménagés conformément aux dispositions du code de l'urbanisme avant l'approbation du plan et mis à la charge des propriétaires, exploitants ou utilisateurs ne peuvent porter que sur des aménagements limités. / VI.-Les plans de prévention des risques d'inondation sont compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions du plan de gestion des risques d'inondation défini à l'article L. 566-7. / VII.-Des décrets en Conseil d'Etat définissent en tant que de besoin les modalités de qualification des aléas et des risques, les règles générales d'interdiction, de limitation et d'encadrement des constructions, de prescription de travaux de réduction de la vulnérabilité, ainsi que d'information des populations, dans les zones exposées aux risques définies par les plans de prévention des risques naturels prévisibles. (...). ;

3. Considérant, qu'il ressort des pièces du dossier que les terrains litigieux sont situés dans le lit hydrogéomorphologique majeur du Gardon, dont le caractère de zone inondable est établi par les différentes études produites et qu'ils sont protégés par une berge maçonnée surmontée d'un quai ; que la ministre l'écologie, du développement durable et de l'énergie fait valoir qu'au regard du guide méthodologique d'élaboration des plans de prévention des risques naturels d'inondation élaboré en 1999, de la circulaire ministérielle du 21 janvier 2004 relative à la maîtrise de l'urbanisme et adaptation des constructions en zone inondable et de la circulaire du 27 juillet 2011 relative à la prise en compte des risques de submersion marine dans les plans de prévention des risques naturels littoraux, les terrains litigieux sont, a priori, exposés à un risque de rupture de l'ouvrage de protection tel qu'ils doivent être classés en zone inconstructible afin d'éviter la densification urbaine et l'augmentation de la vulnérabilité du secteur concerné ; que toutefois, l'existence d'un risque d'inondation ne saurait être établie à partir de la seule présence d'un ouvrage dont l'office est précisément de protéger les terrains des risques d'inondation ; qu'un tel risque ne peut valablement être pris en compte que s'il est établi qu'eu égard à son état, l'ouvrage se trouve exposé à un risque de rupture ou de surverse ;

4. Considérant qu'il ressort du rapport réalisé par l'expert Confonlent (BET Béton) en 2008 que " le calcul de la stabilité de la berge, établi à partir d'hypothèses pessimistes dans des conditions de niveaux d'eau les plus hauts connus aboutit à la valeur satisfaisante de 1,6 du coefficient de sécurité " ; que les photographies produites par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ne permettent pas de remettre en cause la stabilité de l'ouvrage litigieux et de légitimer l'absence de prise en compte de la protection qu'il peut assurer contre les inondations ; qu'il ressort notamment du rapport du CEMAGREF de septembre 2002, que lors de la crue de référence des 8 et 9 septembre 2002, aucune inondation du secteur litigieux n'a été constatée que ce soit par surverse ou par rupture de digue ; qu'enfin, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'apporte en appel, aucun élément de nature à contredire le fait que les travaux d'aménagement hydraulique réalisés par la commune d'Alès et par la communauté d'agglomération du Grand Alès en Cévennes ont permis un abaissement de la ligne d'eau du Gardon d'environ quarante centimètres ; qu'au surplus, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'apporte pas plus d'élément de nature à contredire l'étude de l'aléa " rupture de digue " sur le quartier de la Prairie, réalisée en octobre 2012 par Egis Eau, selon laquelle, une éventuelle rupture de digue aboutirait à des hauteurs d'eau plus faibles que celles retenues par le plan de prévention ; que, dans ces conditions, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'arrêté litigieux était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne le classement en zone exposée à un aléa fort du terrain situé 1585 quai du Mas d'Hours à Alès ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à verser à chacune des sociétés intimées une somme de 800 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 800 euros à chacune des sociétés citées dans l'article suivant du présent dispositif, au titre de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société foncière de France, à la société les Magnolias et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 septembre 2014.

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N° 13LY20050


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY20050
Date de la décision : 23/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS GUIBERT et FERNANDEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-09-23;13ly20050 ?
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