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23/09/2014 | FRANCE | N°13LY02154

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 23 septembre 2014, 13LY02154


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 6 août 2013, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305138, du 25 juillet 2013, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 23 juillet 2013, par laquelle il a décidé du placement en rétention administrative de M. B...A..., et mis à sa charge une somme de 500 euros, à verser au conseil de M.A..., en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de just

ice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modi...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 6 août 2013, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305138, du 25 juillet 2013, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 23 juillet 2013, par laquelle il a décidé du placement en rétention administrative de M. B...A..., et mis à sa charge une somme de 500 euros, à verser au conseil de M.A..., en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. A...devant le tribunal administratif de Lyon ;

il soutient que :

- en considérant que M. A...présentait des garanties de représentation suffisantes en se fondant sur la circonstance que l'intéressé justifiait d'une carte nationale d'identité dont la validité était expirée, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit ;

- que compte tenu de l'entrée irrégulière de l'intéressé en France en 2010, de ce qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, de ce que son document d'identité périmé ne permettait pas l'organisation d'un vol vers le Kosovo et de ce que l'intéressé a déclaré ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine, le premier juge, en estimant que M. A... présentait des garanties de représentation suffisantes, a également commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré à la Cour le 16 novembre 2013, présenté pour M. B... A..., qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

il soutient que :

- c'est à bon droit que le premier juge a estimé qu'il présentait des garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il justifie de la possession d'une carte d'identité kosovare, document qui atteste de son identité bien qu'il ne soit plus en cours de validité ainsi que d'une résidence stable et déclarée en France ;

- la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation ; elle méconnaît les dispositions des articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle contrevient également aux stipulations de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

Vu la décision du 21 novembre 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section cour administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...A...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2014 :

- le rapport de M. Martin, président ;

1. Considérant que, par le jugement attaqué du 25 juillet 2013, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 23 juillet 2013 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a décidé du placement en rétention administrative de M. B...A...au motif que ce dernier présentait des garanties de représentation suffisantes ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 554-1 du même code : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet. " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 551-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...). " et qu'aux termes de l'article L. 511-1-II de ce code : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...), ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...). " ;

3. Considérant que pour décider de placer en rétention administrative M. B...A...sur le fondement du 6° de l'article L. 551-1 du code précité, le préfet de la Haute-Savoie s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé, démuni de passeport et sans domicile fixe en France, ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes et ne pouvait, par suite, bénéficier d'une mesure d'assignation à résidence ; que, pour annuler cette décision, le tribunal administratif a relevé que l'intéressé, qui disposait d'un domicile stable en France dont l'adresse était connue des services de la préfecture et qui, bien que dépourvu de passeport, disposait d'une carte nationale d'identité récemment arrivée à expiration, ne pouvait être regardé comme présentant un risque de soustraction à la mesure d'éloignement dont il faisait l'objet ;

4. Considérant, toutefois, qu'en l'absence de document de voyage ou d'identité en cours de validité, M. A... n'était pas en possession d'un document permettant d'assurer son départ effectif du territoire national ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que l'intéressé, qui est entré irrégulièrement sur le territoire français au cours de l'année 2012, s'était soustrait à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire qui avait été prise à son encontre le 27 février 2012, et dont la légalité avait été confirmée par la Cour de céans le 25 février 2013 et avait déclaré au cours de son audition tenue le 23 juillet 2013 qu'il n'entendait pas retourner dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, M. A...ne pouvait être regardé, alors même qu'il disposait en réalité d'un logement stable, comme présentant les garanties de représentation permettant l'exécution de la mesure d'éloignement ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé sa décision ordonnant le placement en rétention de l'intéressé ;

5. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.A..., tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ;

6. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté en date du 31 août 2012, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Haute-Savoie a donné à Mme C..., directrice de cabinet à la préfecture de la Haute-Savoie, délégation à l'effet de signer tout arrêté, décision, (...) pris en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas d'absence ou d'empêchement du préfet et du secrétaire général, ainsi que dans le cadre des permanences du corps préfectoral ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas été absent ou empêché ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué manque en fait ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la décision du préfet de la Haute-Savoie, décidant du placement en rétention administrative de M. A...est régulièrement motivée en droit par le visa des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle l'est également en fait par la mention de l'obligation de quitter le territoire français sans délai prise le même jour à l'encontre de l'intéressé et l'indication que la mesure ne peut pas être exécutée immédiatement, en l'absence de disponibilité des transports aériens et que M. A... ne saurait bénéficier d'une mesure d'assignation à résidence dans la mesure où il ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes, étant démuni de passeport et sans domicile fixe en France ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et des mentions de la décision litigieuse que le préfet de la Haute-Savoie n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A...;

9. Considérant, en quatrième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, la décision litigieuse n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation s'agissant de l'existence des garanties de représentation suffisantes ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du point 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;

11. Considérant qu'en décidant, le 23 juillet 2013, dans les circonstances ci-avant rappelées, que M. A... serait placé en rétention administrative durant cinq jours, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas porté à l'intérêt supérieur des enfants de ce dernier, compte tenu notamment de la courte durée de séparation induite par cette mesure, une atteinte méconnaissant les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 23 juillet 2013 ordonnant le placement en rétention administrative de M. A... ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. " ;

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. A...soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1305138 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, en date du 25 juillet 2013, est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 septembre 2014.

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N° 13LY02154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02154
Date de la décision : 23/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: M. Jean-Paul MARTIN
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : HOUPPE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-09-23;13ly02154 ?
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