Vu la requête, enregistrée le 9 août 2013, présentée pour la société Truchet, dont le siège est avenue du 8 mai 1945 à Saint Jean de Maurienne (73 300) ;
La société Truchet demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0904821 du Tribunal administratif de Grenoble du 4 juin 2013, en tant qu'il la condamne à verser à la société française du tunnel routier du Fréjus la somme de 11 629,50 euros en réparation des désordres affectant la dalle inférieure du local simulateur, outre les intérêts et leur capitalisation ;
2°) de rejeter les conclusions dirigées à son encontre ou, à titre subsidiaire, de ne retenir sa responsabilité qu'à hauteur de 50 % ;
3°) de condamner la société Keops Ingénierie à la relever et garantir à hauteur de 50 % de l'ensemble des condamnations mises à sa charge ;
4°) de mettre à la charge des sociétés Chambre et Vibert, Socotec et Keops Ingénierie la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les travaux qu'elle a réalisés n'ont fait l'objet d'aucune remarque lors de l'exécution du chantier, elle s'est bornée à les exécuter en se conformant aux instructions techniques qui lui étaient communiquées ;
- dans ces conditions, et alors que le rapport d'expertise proposait à tout le moins un partage de responsabilité à hauteur de 50 % avec la société Keops Ingénierie, chargée d'une mission de bureau d'études sur le béton armé, c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa responsabilité pleine et entière dans la survenue des désordres ayant affecté la dalle inférieure du local simulateur ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2013, présenté pour la société française du tunnel routier du Fréjus (ci-après SFTRF) qui demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête en appel de la société Truchet ;
2°) à titre subsidiaire, de retenir la responsabilité solidaire de la société Truchet et de la société Keops Ingénierie ;
3°) de mettre à la charge de la société Truchet, ou de qui il appartiendra, la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la société Truchet ne conteste pas le principe de sa responsabilité ;
- il y aurait lieu pour la Cour, en cas de réformation du jugement, de condamner solidairement la société Truchet et la société Keops Ingénierie ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 avril 2014, présenté pour la SARL Chambre et Vibert qui demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens présentées à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Keops Ingénierie à la relever et garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la société Truchet SAS une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la société requérante ne conteste pas sa responsabilité ;
- cette société ne formule aucune demande à l'encontre du maître d'oeuvre et n'apporte pas la preuve d'une faute à son égard, d'un préjudice ou d'un lien de causalité ;
- si la société requérante allègue qu'aucune observation n'a été émise par le maître d'oeuvre au cours des travaux, elle ne saurait lui reprocher des agissements qui relèvent de sa propre responsabilité, à savoir le fait de ne pas avoir signalé au bureau d'études structures l'incohérence entre les plans de ferraillage et le calepinage des prédalles, en méconnaissance de son obligation de conseil ;
- à titre subsidiaire, elle a droit à être garantie par son sous-traitant, la société Keops Ingénierie, en raison de la faute commise par cette dernière, relevée par le rapport de l'expert ;
Vu l'ordonnance du 5 mai 2014 prononçant la clôture de l'instruction au 27 mai 2014 ;
Vu le courrier adressé aux parties le 4 juillet 2014, en application de l'article L. 611-7 du code de justice administrative ;
La Cour a informé les parties qu'elle était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie de la société Truchet comme étant nouvelles en appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 août 2014 :
- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
- les observations de MeA..., représentant la société française du tunnel routier du Fréjus, et de MeB..., représentant la société Chambre et Vibert ;
1. Considérant que, par jugement du 4 juin 2013, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné la société Truchet à verser à la société française du tunnel routier du Fréjus (ci-après SFTRF) la somme de 11 629,50 euros en réparation des désordres affectant la dalle inférieure d'un local simulateur d'incendie, situé sur la plate-forme du tunnel ; qu'il a par ailleurs condamné solidairement la société Truchet, la SARL Chambre et Vibert et la société Socotec à verser à la SFTRF une indemnité de 18 400 euros en réparation du préjudice né de l'immobilisation du local simulateur pendant la durée des travaux, outre les intérêts et leur capitalisation ; que ce jugement met à la charge de chacune de ces sociétés un tiers des frais d'expertise, taxés et liquidés à hauteur de 25 502,83 euros, et un tiers de la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'il statue en outre sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Socotec ;
2. Considérant que la société Truchet conteste seulement sa condamnation à verser la somme de 11 629,50 euros au titre des désordres affectant la dalle inférieure ; qu'elle demande par ailleurs que la société Keops Ingénierie soit condamnée à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations mises à sa charge ;
Sur la recevabilité des conclusions d'appel en garantie :
3. Considérant que les conclusions de la société Truchet dirigées contre la société Keops Ingénierie sont nouvelles en appel et, de ce fait, irrecevables ; qu'elles ne peuvent donc qu'être rejetées ;
Sur la condamnation de la société Truchet sur le fondement de la garantie décennale :
4. Considérant qu'en vertu des principes dont s'inspirent l'article 1792 du code civil, et l'article 2270, alors applicable, du même code, les constructeurs tenus à la garantie décennale sont responsables de plein droit des dommages non apparents à la réception qui compromettent la destination de l'ouvrage à la construction duquel ils ont participé et qui leur sont imputables, même partiellement ; qu'ils ne peuvent s'exonérer de cette responsabilité qu'en prouvant que les désordres proviennent d'une cause étrangère à leur intervention ;
5. Considérant que, s'agissant des désordres affectant la dalle inférieure du local du simulateur, la SFTRF avait recherché la responsabilité de la société Truchet, titulaire du marché de travaux relatif au lot n° 3 " gros oeuvre ", et de la société Keops Ingénierie, anciennement cabinet Compard, dont le cabinet Chambert et Vibert, maître d'oeuvre, s'était attaché les services en tant que bureau d'études chargé du béton armé ;
6. Considérant cependant qu'il résulte de l'instruction que le bureau d'études en charge du béton armé n'était pas lié par un contrat de louage d'ouvrage avec la SFTRF, maître d'ouvrage ; que, par suite, la société Keops Ingénierie n'a pas la qualité de constructeur au sens des principes dont s'inspire l'article 1792 du code civil ; que, dans ces conditions, le Tribunal ne pouvait condamner la société Keops Ingénierie sur le fondement de la garantie décennale, alors même que l'expert avait estimé qu'elle avait une part de responsabilité ;
7. Considérant par ailleurs qu'il n'est pas contesté que le dommage est imputable, au moins pour partie, aux travaux effectués par la société Truchet ; que la circonstance que le bureau d'études en charge du béton armé a été regardé par l'expert comme ayant occasionné le désordre litigieux, à hauteur de 50 %, n'est pas de nature à exonérer la société Truchet de l'obligation de garantie qu'elle doit au maître de l'ouvrage, du seul fait de sa participation à la réalisation des ouvrages affectés par les désordres ; que, dans ces conditions, et en absence de toute contestation quant au caractère décennal des désordres, le Tribunal a pu légalement condamner le titulaire du lot n° 3 à réparer l'entier dommage ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Truchet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'elle a été seule condamnée à indemniser la SFTRF de son entier préjudice au titre des désordres affectant la dalle inférieure du local simulateur ;
Sur les frais d'expertise de première instance :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser les frais de l'expertise ordonnée en référé le 3 juillet 2007, au regard de laquelle s'étaient prononcés les premiers juges, taxés et liquidés à la somme de 25 502,83 euros par ordonnance du 6 avril 2009, à la charge de la SARL Chambre et Vibert, de la Société Truchet et de la Société Socotec, à hauteur d'un tiers chacune ;
Sur les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la société Truchet SAS doivent être rejetées ;
11. Considérant, en second lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la SFTRF et la SARL Chambre et Vibert ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Truchet est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société française du tunnel routier du Fréjus et de la SARL Chambre et Vibert tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Truchet, à la société française du tunnel routier du Fréjus, à la SARL Chambre et Vibert, à la société Keops Ingénierie, à la société Socotec, à la société Ifopse et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Copie en sera adressée à M.C..., expert.
Délibéré après l'audience du 28 août 2014, où siégeaient :
M. Wyss, président de chambre,
M. Gazagnes, président-assesseur,
Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2014.
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