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17/07/2014 | FRANCE | N°13LY03232

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 17 juillet 2014, 13LY03232


Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2013, présentée par le préfet de l'Ain qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1307807 du 18 novembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 13 novembre 2013 par lesquelles il a fait obligation à M. B...A...de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a décidé de son placement en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administr

atif ;

Il soutient qu'à la date à laquelle il a été contrôlé par les services de po...

Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2013, présentée par le préfet de l'Ain qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1307807 du 18 novembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 13 novembre 2013 par lesquelles il a fait obligation à M. B...A...de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a décidé de son placement en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif ;

Il soutient qu'à la date à laquelle il a été contrôlé par les services de police, le 13 novembre 2013, M. A...se trouvait dans l'espace Schengen alors que son visa était périmé depuis le 8 octobre 2013 ; que, par suite, il entrait dans le champ d'application des dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ; qu'il entrait également dans le champ d'application du b) du 3° du II de l'article L. 511-1 du même code où le préfet peut refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire ; que le billet d'avion produit par l'intéressé, postérieurement aux décisions litigieuses, n'a aucune incidence sur leur légalité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 mars 2014, présenté pour M. A...qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat du paiement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'il disposait d'un délai de 85 jours pour circuler dans l'espace Schengen à compter du 17 septembre 2013, date de son entrée à Malte ; que ce délai n'était donc pas expiré le 13 novembre 2013, date des décisions en litige ;

Vu la décision du 25 février 2014, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A...;

Vu les lettres du 13 juin 2014 par lesquelles les parties ont été informées de ce que le 11 novembre 2013, date à laquelle il est de nouveau entré en France, la durée de validité du visa de M. A... était expirée, qu'ainsi, à cette date, l'intéressé se trouvait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auquel renvoie l'article L. 511-2 et que la Cour est susceptible de substituer ces dispositions à celles du 2°, auquel renvoie l'article L. 511-3, sur lesquelles s'est fondé le préfet de l'Ain ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

Vu le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ;

Vu le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas) ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2014:

- le rapport de M. Clot, président ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 19 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers titulaires d'un visa uniforme qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l'une des Parties contractantes peuvent circuler librement sur le territoire de l'ensemble des Parties contractantes pendant la durée de validité du visa, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e (...) " ; que selon l'article 2 du règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas, le visa est l'autorisation accordée par un État membre en vue du transit ou du séjour prévu sur le territoire des États membres, pour une durée totale n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours ; que l'article 24 du même texte prévoit que la durée de validité du visa comporte une franchise supplémentaire de 15 jours ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : /1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; /2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 511-2 du même code : " Le 1° du I et le a du 3° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne : (...) /2° Si, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la convention précitée signée à Schengen le 19 juin 1990, il ne peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations de ses articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, et 21, paragraphe 1 ou 2, de cette même convention. " ; qu'aux termes de l'article L. 511-3 de ce code : " Les dispositions du 2° du I et du b du 3° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne si, en provenance directe du territoire d'un des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, il s'est maintenu sur le territoire métropolitain sans se conformer aux stipulations de l'article 19, paragraphe 1 ou 2, de l'article 20, paragraphe 1, et de l'article 21, paragraphe 1 ou 2, de ladite convention. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., de nationalité turque, s'est vu délivrer par les autorités maltaises un visa valable 85 jours, du 1er juillet 2013 au 8 octobre 2013 ; qu'un tel visa lui permettait d'entrer sur le territoire des États membres au cours de sa période de validité et d'y séjourner pour une durée d'au plus 85 jours, prenant fin au plus tard le 8 octobre 2013 ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré à Malte le 17 septembre 2013 ; qu'il a déclaré avoir voyagé en bateau jusqu'en Italie, puis s'être rendu en Allemagne, en Autriche, en France et en Suisse, avant d'entrer de nouveau sur le territoire français le 11 novembre 2013 ; qu'à cette date, la durée de validité de son visa était expirée, même si la durée de son séjour sur le territoire des Etats membres n'avait pas atteint 85 jours ; qu'ainsi, à cette date, l'intéressé ne se trouvait pas dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel renvoie l'article L. 511-3, sur lesquelles s'est fondé le préfet de l'Ain, dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français si cet étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ;

5. Considérant toutefois que M. A... se trouvait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel renvoie l'article L. 511-2, dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français si cet étranger ne peut justifier y être entré régulièrement ; que ces dispositions doivent être substituées à celles du 2°, sur lesquelles s'est fondé le préfet de l'Ain ; que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver l'intéressé des garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une et l'autre de ces dispositions ;

6. Considérant que, dès lors, c'est à tort, que pour annuler les décisions du préfet de l'Ain du 13 novembre 2013 faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, les décisions du même jour lui refusant un délai de départ volontaire et le plaçant en rétention administrative, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le motif tiré de ce que, compte tenu de son entrée dans l'espace Schengen le 17 septembre 2013, le délai de validité de son visa n'était pas expiré, et de ce qu'aucune disposition ne pouvait fonder une obligation de quitter le territoire ;

7. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.A..., devant le tribunal administratif et en appel ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant que par arrêté du 8 juillet 2013 publié au recueil des actes administratifs du mois de juillet 2013, le préfet de l'Ain a donné délégation à M. Lepidi, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous les arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Ain, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers ; qu'ainsi, M. Lepidi était compétent pour signer la décision en litige ;

9. Considérant que la décision faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français, qui comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;

10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Ain n'a pas procédé à un examen complet de la situation de M. A... avant de prendre la mesure d'éloignement en litige ;

Sur la légalité des décisions refusant un délai de départ volontaire et portant placement en rétention administrative :

11. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours (...) " dans les cas limitativement énumérés par cet article, notamment lorsque l'étranger a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai ou que le délai qui lui a été imparti à cet effet est expiré ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré à Malte le 17 septembre 2013 avec un visa valable 85 jours, du 1er juillet 2013 au 8 octobre 2013 ; qu'il a déclaré s'être présenté aux services de l'immigration maltais qui lui auraient indiqué, à tort, que la durée de validité de ce visa débutait à compter de son entrée dans l'espace Schengen, il a décidé de prolonger son séjour touristique au-delà de la date du 8 octobre 2013 et a annulé la réservation d'un billet d'avion de retour à destination de la Turquie, initialement prévu le 25 septembre 2013 ; qu'il soutient être entré dans l'espace Schengen et y avoir circulé uniquement à des fins touristiques et n'avoir aucune intention de s'installer en France ; que ses allégations sont corroborées par les pièces du dossier, notamment la réservation d'un voyage de retour en Turquie le 23 novembre 2013 ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, c'est à tort que le préfet de l'Ain a estimé qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ; que, par suite, la décision lui refusant un délai de départ volontaire est illégale, de même que, par voie de conséquence, la décision de placement en rétention administrative ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Ain est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 13 novembre 2013 faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français ;

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une somme à M. A...au titre des frais exposés à l'occasion du litige ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2013 est annulé en tant qu'il a annulé la décision du préfet de l'Ain du 13 novembre 2013 faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A...devant le Tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Ain du 13 novembre 2013 lui faisant obligation de quitter le territoire français et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de l'Ain est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A.... Il en sera adressé copie au préfet de l'Ain et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2014.

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N° 13LY03232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY03232
Date de la décision : 17/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : MESSAOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-07-17;13ly03232 ?
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