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17/07/2014 | FRANCE | N°13LY01190

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 17 juillet 2014, 13LY01190


Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2013, présentée pour la société Assurances du Crédit Mutuel, dont le siège est 34, rue du Wacken à Strasbourg (67000) ;

La société Assurances du Crédit Mutuel demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201298 du 28 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Côte-d'Or à lui verser la somme de 10 660 euros correspondant aux sommes versées pour le compte de M. A...dans les droits duquel elle est subrogée ;

2°) de condamner le d

épartement de la Côte-d'Or à lui verser ladite somme ;

3°) de mettre à la charge de dépa...

Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2013, présentée pour la société Assurances du Crédit Mutuel, dont le siège est 34, rue du Wacken à Strasbourg (67000) ;

La société Assurances du Crédit Mutuel demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201298 du 28 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Côte-d'Or à lui verser la somme de 10 660 euros correspondant aux sommes versées pour le compte de M. A...dans les droits duquel elle est subrogée ;

2°) de condamner le département de la Côte-d'Or à lui verser ladite somme ;

3°) de mettre à la charge de département de la Côte-d'Or les entiers dépens ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de " l'article 8-1 " du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le département de la Côte-d'Or ne justifie pas de l'entretien normal de la portion de route départementale où a eu lieu l'accident de voiture de M.A..., provoqué par un écoulement important d'eau sur le bord droit de la chaussée qui n'était pas signalé ;

- il est établi que la perte de contrôle du véhicule de M. A...à l'origine de l'accident est due exclusivement à l'eau s'écoulant sur le bord droit de la chaussée ayant entraîné une perte d'adhérence des roues droites du véhicule ;

- la victime, qui ne roulait pas à une vitesse excessive, n'a pas commis de faute de nature à exonérer le département de sa responsabilité ;

- le niveau important des précipitations ne constitue pas un cas de force majeure exonérant le département de responsabilité ;

- les préjudices constitués par des dommages matériels et des dommages corporels des occupants du véhicule sont établis et sont la conséquence directe du défaut d'entretien ;

- elle justifie être subrogée dans les droits de M. A...et de chacun des membres de sa famille en vertu de l'article L. 121-12 du code des assurances ;

Vu le jugement attaqué,

Vu l'ordonnance en date du 2 septembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 18 septembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2013, présenté pour le département de la Côte-d'Or qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Assurances du Crédit Mutuel la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'accident est exclusivement imputable à M. A...dès lors qu'il conduisait en période de fortes précipitations, que l'eau présente sur les bas côtés était parfaitement visible, qu'il n'a pas adapté sa vitesse aux conditions météorologiques et à la situation, qu'on peut douter qu'il n'avait pas l'habitude d'emprunter cette voie qui reliait la commune de Gilly-lès-Cîteaux au lieu de son domicile à 8,5 km ;

- concernant la subrogation invoquée par la société, elle n'établit pas avoir payé l'indemnité d'assurance aux victimes de l'accident, elle ne justifie pas que le paiement aurait été réalisé en vertu d'un contrat d'assurance, elle ne produit pas d'éléments justifiant l'existence et l'étendue des préjudices allégués, aucun procès-verbal de subrogation n'a été produit pour M.A..., la transaction pour les préjudices des mineurs est nulle en vertu de l'article 372 du code civil dès lors qu'elle n'a été signée que par la mère des enfants et que l'autorisation du juge des tutelles n'a pas été produite ;

Vu l'ordonnance en date du 18 septembre 2013 portant réouverture d'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 5 novembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 25 novembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la lettre en date du 17 mars 2014 par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité du jugement attaqué dès lors que le Tribunal n'a pas communiqué la demande à l'Etat alors que M. A...a la qualité d'agent public de l'Etat travaillant au sein de la direction départementale des territoires de la Côte d'Or, placée sous l'autorité du préfet, et que Mme A...a également la qualité d'agent public de l'Etat, étant professeur des écoles et relevant de l'inspection académique de Côte-d'Or ;

Vu l'ordonnance en date du 17 mars 2014 portant réouverture d'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 mars 2014, présenté pour la société Assurances du Crédit Mutuel qui demande, en réponse au moyen d'ordre public qui lui a été communiqué, que l'arrêt à intervenir soit déclaré opposable à l'Etat, à la MGEN et à la SLI ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 mars 2014, présenté pour le ministre de l'éducation nationale en réponse au moyen d'ordre public qui lui a été communiqué par la Cour ;

Il soutient qu'à supposer que l'obligation de mise en cause de l'Etat incombe au juge lorsque l'action est intentée par l'assureur de la victime et non par cette dernière, l'absence de mise en cause du ministre de l'éducation nationale justifierait l'annulation du jugement attaqué, sauf si le Tribunal n'avait pas disposé de pièces faisant apparaître la qualité d'agent de l'éducation nationale de MmeA... ;

Vu l'ordonnance en date du 25 avril 2014 fixant la clôture d'instruction au 14 mai 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mai 2014, présenté pour le ministre de l'éducation nationale qui conclut à la condamnation du département de la Côte-d'Or à lui verser la somme de 713,38 euros en raison de l'accident survenu le 9 janvier 2011 dans l'hypothèse où la responsabilité du département serait établie ;

Il soutient que la somme de 713,38 euros correspond au remboursement des traitements et charges patronales que l'Etat a versés à Mme A...pendant sa période d'indisponibilité du 11 janvier 2011 au 14 janvier 2011 consécutivement à l'accident ;

Vu l'ordonnance en date du 13 mai 2014 reportant la clôture d'instruction au 28 mai 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2014 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que le 9 janvier 2011, M.A..., qui circulait en compagnie de son épouse de leurs deux enfants âgés respectivement de 10 et 8 ans, sur la route départementale 25 dans le sens d'Eperney-sous-Gevrey à Gilly-lès-Cîteaux, a perdu le contrôle de sa voiture qui a terminé sa course, après plusieurs tonneaux, dans un fossé ; que la société Assurances du Crédit Mutuel relève appel du jugement du 28 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Côte-d'Or à lui verser la somme de 10 660 euros en réparation des préjudices subis par les membres de la famille A...dans les droits desquels, en vertu de l'article L. 121-12 du code des assurances, elle est subrogée du fait de l'accident survenu le 9 janvier 2011 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers " doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci " ; que cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit ; que la qualité d'agent de l'Etat de M. A...et de MmeA..., respectivement agent public de l'Etat travaillant au sein de la direction départementale des territoires de la Côte-d'Or et professeur des écoles, relevant de l'inspection académique de Côte-d'Or, ressortait des pièces du dossier de première instance ; qu'en s'abstenant de mettre en cause d'office l'Etat en vue de l'exercice par celui-ci de l'action susmentionnée, le Tribunal administratif de Dijon a entaché son jugement d'irrégularité ; que ce jugement doit, par suite, être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Assurances du Crédit Mutuel devant le Tribunal administratif de Dijon ;

Sur la responsabilité :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. " ;

5. Considérant que pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer devant le juge administratif, d'une part, la réalité de leur préjudice, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage ; que, pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur lui, il incombe au maître de l'ouvrage d'établir soit que l'ouvrage était en état d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure ; que, par ailleurs, les accotements des voies publiques ne sont pas normalement destinés à la circulation et que l'administration n'est dès lors pas tenue de signaler aux usagers les dangers qu'ils courent en les empruntant, seuls le mauvais état et l'étroitesse de la route ou des circonstances particulières pouvant, à titre exceptionnel, justifier qu'il y soit empiété, avec toutes les précautions utiles ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des témoignages et photographies produits par la société requérante, que les accotements et bas-côtés de la route départementale au lieu de l'accident étaient inondés en raison de fortes précipitations ; qu'il résulte du témoignage de l'épouse de M. A...ainsi que de celui de Mme B... qui, circulant en sens contraire sur cette route départementale, a assisté à l'accident, que le véhicule de M. A..., qui sortait d'un virage, s'est déporté sur l'accotement droit afin de croiser le véhicule de cette dernière ; que M. A...a ensuite perdu le contrôle de son véhicule en raison d'une perte d'adhérence des roues avant et arrière droites, son véhicule terminant sa course dans un fossé après plusieurs tonneaux ; qu'il résulte en outre de l'instruction que si Mme A...a déclaré que son mari roulait " tranquillement ", il roulait à environ, selon la société requérante, soixante kilomètres par heure lorsqu'il s'est déporté sur l'accotement et a perdu le contrôle de son véhicule alors que, comme l'expose le département de la Côte-d'Or, les flaques d'eau se trouvant sur les accotements et bas-côtés de la route étaient parfaitement visibles par M.A... et que d'ailleurs Mme B...roulait quant à elle entre vingt et trente kilomètres par heure sur cette même route au moment de leur croisement ; qu'ainsi, même si aucune signalisation ne mentionnait le risque lié à la présence de flaques d'eau sur les accotements et bas-côtés de la route, les circonstances qu'au moment de ses manoeuvres de croisement M. A...s'est déporté, pour effectuer ce croisement, sur l'accotement droit qui n'est pas normalement destiné à la circulation et où se trouvaient d'importantes flaques d'eau parfaitement visibles, qu'il n'a pas adapté sa vitesse et pris les précautions nécessaires qu'impliquaient les conditions météorologiques ainsi que l'état de la chaussée, révèlent que l'accident dont M. A... a été victime a pour seule cause la faute de conduite qu'il a commise et non le défaut d'entretien normal de la voie ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Assurances du Crédit Mutuel et le ministre de l'éducation nationale ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité du département de la Côte-d'Or à raison des conséquences dommageables de l'accident survenu le 9 janvier 2011 ;

8. Considérant que les conclusions de la société Assurances du Crédit Mutuel tendant au bénéfice des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Assurances du Crédit Mutuel la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le département de la Côte-d'Or et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1201298 du 28 février 2013 du Tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : La demande de la société Assurances du Crédit Mutuel présentée devant le Tribunal administratif de Dijon ainsi que ses conclusions d'appel et celles du ministre de l'éducation nationale sont rejetées.

Article 3 : La société Assurances du Crédit Mutuel versera la somme de 1 000 euros au département de la Côte-d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Assurances du Crédit Mutuel, au département de la Côte-d'Or, à la MGEN, à MFP Services, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2014.

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