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03/07/2014 | FRANCE | N°13LY00137

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 03 juillet 2014, 13LY00137


Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2013, présentée pour la société Autoexplorer, dont le siège est situé 67 rue Maréchal Foch à Roanne (42300), représentée par son gérant en exercice ;

L'EURL Autoexplorer demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202607 du 18 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 ainsi que des pénalités y afférentes

;

2°) de prononcer la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pé...

Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2013, présentée pour la société Autoexplorer, dont le siège est situé 67 rue Maréchal Foch à Roanne (42300), représentée par son gérant en exercice ;

L'EURL Autoexplorer demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202607 du 18 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle était fondée à faire application du régime de la marge car les factures de ses fournisseurs espagnols mentionnaient toutes l'application du régime de la TVA sur la marge ; l'administration n'établit pas qu'elle ne pouvait ignorer que ces mentions étaient irrégulières ; elle n'avait pas à vérifier le régime de taxe sur la valeur ajoutée appliqué par ses fournisseurs ; le fait qu'il résulte ainsi des certificats d'immatriculation des véhicules que leurs précédents propriétaires étaient des professionnels de l'automobile ne permet pas de déterminer si ces véhicules ont ouvert droit à déduction et l'administration ne démontre pas à cet égard que les véhicules concernés ont effectivement ouvert droit à déduction chez leurs précédents utilisateurs ; le fait, par ailleurs, que les véhicules étaient auparavant acquis directement auprès d'un fournisseur allemand et non via un fournisseur espagnol et qu'elle appliquait le régime des acquisitions intracommunautaires ne permet pas davantage de déterminer si ces véhicules ont ouvert droit à déduction chez leurs précédents utilisateurs ; l'administration ne fournit aucun indice précis de la collusion des parties et de sa connaissance manifeste de l'irrégularité éventuellement commise par l'un de ses fournisseurs ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances ; il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les redressements en cause ont fait l'objet d'une acceptation tacite en l'absence de réponse dans le délai de trente jours ;

- c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'application par la société requérante du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge lors de la revente des véhicules en cause ; si les factures émises par les fournisseurs espagnols de la société requérante mentionnent l'application du régime de la marge, les sociétés de location allemandes, précédentes propriétaires de ces véhicules, ont déduit la TVA lors de l'achat de ces véhicules, lesquels ont été ensuite cédés à des sociétés de revente allemandes ; ces dernières ont vendu ces mêmes véhicules à des sociétés espagnoles en tant que livraisons intracommunautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ; la société requérante ne pouvait ignorer que ses fournisseurs espagnols ne pouvaient appliquer le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ; les certificats d'immatriculation révèlent que de nombreux véhicules ont ainsi appartenu initialement à des sociétés allemandes de location ou de leasing, lesquelles ont exercé leurs droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée facturée lors de l'achat de ces véhicules ; par ailleurs, au début de l'année 2010, la société requérante s'approvisionnait directement auprès d'un fournisseur allemand, effectuait ses achats sous le régime des livraisons intracommunautaires exonérées de taxe et acquittait elle-même la taxe sur la valeur ajoutée lors de la revente de ses véhicules sur leur prix de vente total ; cependant, elle a continué d'acheter ses véhicules auprès du même fournisseur allemand mais par l'intermédiaire de sociétés espagnoles qui, bien qu'étant situées dans des villes différentes, faisaient état dans leurs documents des mêmes personnes à contacter, des mêmes numéros de téléphone et de fax, utilisaient le même modèle de facturation et ont rapidement cessé leurs activités, soit dès 2010 et 2011 ; elle a ainsi eu recours à des sociétés écrans localisées en Espagne en conservant le même fournisseur ; elle ne pouvait ignorer, par suite, sans qu'il y ait lieu de rechercher une quelconque collusion frauduleuse, que ses opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses clients ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 août 2013, présenté pour la société Autoexplorer ; elle persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et soutient, en outre, que l'administration n'apporte à aucun moment la preuve que les sociétés allemandes en question ont bien exercé leur droit à déduction ni qu'elles ont effectivement facturé de la taxe sur la valeur ajoutée lors de la revente des véhicules ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 20 mars 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances ; il persiste dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens, et soutient, en outre, que le fait de constater la réalisation de livraisons intracommunautaires à partir de l'Allemagne est un élément suffisant pour établir que les sociétés de location, propriétaires de ces véhicules, ont facturé la taxe sur la valeur ajoutée lors de leur revente à l'assujetti-revendeur allemand et la société requérante ayant ultérieurement modifié son circuit d'approvisionnement ne pouvait l'ignorer ;

Vu l'ordonnance en date du 15 avril 2014 fixant la clôture d'instruction au 7 mai 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires reprise par la directive 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2014 :

- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;

1. Considérant que l'EURL Autoexplorer, qui exerce une activité de négoce de véhicules automobiles neufs et d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité dont il est résulté des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 ; que l'administration a remis en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliqué par cette société lors de la revente de ses véhicules automobiles d'occasion et imposé ces opérations de revente sur le prix de vente total de ces véhicules ; que ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été assortis d'intérêts de retard, de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts et de l'amende de 5 % prévue à l'article 1788 A du même code, appliquée pour défaut de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante au prix de vente total de ces véhicules ; que l'EURL Autoexplorer relève appel du jugement n° 1202607 du 18 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 " ; qu'aux termes de l'article 297 A du même code : " I. 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. " ; qu'aux termes de l'article 297 E de ce code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures. " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions de l'article 297 E dudit code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur marge prévu par l'article 26 bis de la directive du 17 mai 1977 désormais repris à l'article 113 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 ;

4. Considérant que, lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, et alors même qu'il appartient au contribuable d'apporter la preuve du caractère exagéré de l'imposition contestée en application des dispositions de l'article R.*194-1 du code de procédure fiscale, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs ;

5. Considérant qu'il n'est pas contesté que l'EURL Autoexplorer a acquis des véhicules en provenance d'Allemagne auprès de trois négociants établis en Espagne, les sociétés Oto Shoe Cover Europe SL, Gold New Business SL et E et R Automoviles Cobar Consulting SL, et que les factures qui lui ont été délivrées par ces sociétés mentionnent l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ; que si l'administration fait valoir que ces mentions sont irrégulières, elle n'établit pas, alors que cela est contesté par la société requérante, que les véhicules concernés ont effectivement ouvert droit à déduction chez leurs propriétaires initiaux, des sociétés de location, ni que ces dernières ont appliqué la taxe sur la valeur ajoutée sur l'intégralité du prix de vente de ces véhicules lors de leurs cessions aux deux revendeurs allemands qui les ont eux-mêmes revendus aux sociétés espagnoles ; qu'en se bornant à soutenir, d'une part, que l'EURL Autoexplorer détenait les certificats d'immatriculation des véhicules en cause, lesquels révélaient qu'ils avaient précédemment été détenus par des sociétés de location et, d'autre part, que, précédemment, la société requérante soumettait à la taxe sur la valeur ajoutée les véhicules acquis auprès d'un fournisseur allemand avant d'acheter les véhicules en cause auprès de ce même fournisseur, par l'intermédiaire de sociétés espagnoles, sous le régime de la marge, l'administration n'établit pas que ce même régime n'était pas applicable aux ventes des 21 véhicules en cause sur les 53 ventes de véhicules d'occasion réalisées par la société au cours de l'année 2010 ; que, par suite, l'administration n'était pas fondée à remettre en cause l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge sur les ventes en litige réalisées par l'EURL Autoexplorer ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EURL Autoexplorer est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à être déchargée des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, des intérêts de retard et de la majoration visée à l'article 1729 du code général des impôts y afférents, ainsi que de l'amende prévue à l'article 1788 A du même code qui lui a été appliquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à l'EURL Autoexplorer de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 1202607 en date du 18 décembre 2012 est annulé.

Article 2 : L'EURL Autoexplorer est déchargée du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, ainsi que des intérêts de retard, de la majoration visée à l'article 1729 du code général des impôts et de l'amende prévue à l'article 1788 A du même code.

Article 3 : L'Etat versera à l'EURL Autoexplorer une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Autoexplorer et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2014 à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

M. Meillier, conseiller.

Lu en audience publique, le 3 juillet 2014.

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N° 13LY00137

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00137
Date de la décision : 03/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Base d'imposition.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Fraude.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : SELARL JURILEX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-07-03;13ly00137 ?
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