Vu la requête, enregistrée le 27 décembre 2012 au greffe de la Cour, présentée pour la SARL ATB Auto, dont le siège est 4 impasse Jean Perrin à Chenove (21300), représentée par son gérant en exercice ;
La SARL ATB Auto demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102031 du 13 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la SARL Auto Discount a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 ainsi que de l'amende de 5 % qui lui a été appliquée au titre de l'article 1788 A du code général des impôts ;
2°) de prononcer la décharge de droits de taxe sur la valeur ajoutée contestés et de l'amende en cause, pour un montant total de 511 811 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'administration a remis en cause le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu'elle a appliqué aux reventes de véhicules d'occasion qu'elle a réalisées car les factures de ses fournisseurs mentionnent le régime de la marge ; l'administration ne démontre pas qu'elle était de connivence avec ses fournisseurs ; le fait qu'elle ait pris soin de la livraison des véhicules pour leur bon acheminement est conforme aux pratiques commerciales ; son gérant n'a aucun lien d'intérêt avec ses fournisseurs espagnols ; les documents d'immatriculation des véhicules en cause ne permettent pas de contredire les mentions portées sur les factures ; les nombreux appels téléphoniques qu'elle a échangés avec la société allemande Fischer Gmbh s'expliquent par les problèmes techniques des véhicules provenant des fournisseurs de la société Auto Sport S Cab SL ; contrairement à ce que fait valoir l'administration, il n'y a pas d'incohérence entre les dates d'achat des véhicules et celles de leur facturation ;
- en renonçant à lui appliquer la majoration de 40 % pour mauvaise foi qui avait été mise à sa charge, l'administration a reconnu sa bonne foi et son absence d'intention frauduleuse ; par suite, l'imposition litigieuse se trouve sans fondement ;
- les reventes en cause relevant du régime de la marge, la déclaration des acquisitions intracommunautaires n'avait pas lieu d'être et, dès lors, l'application de l'amende de 5 % visée à l'article 1788 A du code général des impôts n'est pas fondée ;
- l'administration a méconnu son devoir de loyauté ainsi que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime garantis par le droit communautaire car elle n'a pas répondu à la demande d'information formulée par son conseil le 12 mars 2008, puis rappelée les 28 juillet et 6 novembre 2008, sur le régime de taxation à la TVA qui lui était applicable et a organisé une vérification de comptabilité en vue de la sanctionner ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances ; il conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- le montant du litige s'élève en droits et intérêts de retard à la somme de 366 891 euros et au titre de l'amende à 20 018 euros, soit à un montant total de 386 909 euros ;
- la charge de la preuve incombe à la société requérante en application de l'article R* 194-1 car elle est réputée avoir accepté les rectifications proposées à défaut de réponse à la proposition de rectification du 20 décembre 2010 ;
- c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'application du régime de la marge par la société requérante car il résulte d'un faisceau d'indices qu'elle ne pouvait ignorer que ses fournisseurs ne pouvaient pas eux-mêmes appliquer ce régime ; il résulte ainsi des certificats d'immatriculation détenus par la société Auto Discount que, sur les 102 véhicules vendus, 85 appartenaient précédemment à des sociétés de location allemandes, notoirement connues, qui ayant bénéficié en amont de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ne pouvaient bénéficier du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ; or, les divergences entre les mentions portées sur les factures d'achat et sur les certificats d'immatriculation ne pouvaient qu'interpeller un professionnel averti du négoce automobile comme la société requérante ; les informations obtenues auprès des autorités allemandes et belges, dans le cadre de l'assistance administrative, ont ainsi confirmé que les sociétés espagnoles, Auto Sport S Cab et Euroche, fournisseurs de la société requérante, avaient acquis l'ensemble de leurs véhicules sous le régime des livraisons intracommunautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée et que ces sociétés ne pouvaient ainsi se placer sous le régime de la marge lors de la revente de ces véhicules à la société Auto Discount ; le rapprochement effectué entre les factures d'achat et de revente des véhicules a permis de constater dans certains dossiers des incohérences entre les dates d'achat des véhicules par les fournisseurs espagnols, celles de leur vente à la société requérante et celles de leur revente par cette dernière ; l'importance des appels téléphoniques entre la société requérante et la société allemande Fischer gmbh, avant même le premier achat de véhicules, confirme ces incohérences ; leur transport étant pris en charge par la société requérante, les véhicules en cause n'ont jamais transité par l'Espagne, ainsi qu'en témoignent les lettres de voiture figurant dans les dossiers clients de la société Auto Discount qui sont surchargées de l'adresse de livraison de ces véhicules en France ; la société requérante ne pouvait ignorer par ailleurs, en sa qualité de professionnel de l'automobile, que les prix pratiqués par les sociétés espagnoles étaient plus compétitifs que ceux pratiqués sur le marché français compte tenu de l'absence de calcul de la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente total ;
- l'application de l'amende visée par l'article 1788 A du code général des impôts est fondée ;
- l'administration n'a pas méconnu son devoir de loyauté et a respecté le principe de sécurité juridique ; prenant acte de son absence de réponse à la demande d'information de la société requérante, elle a en effet procédé au dégrèvement de la majoration pour manquement délibéré dont les rappels de TVA avaient été assortis ; il ne saurait être cependant envisagé d'aller au-delà dès lors que les sommes rappelées correspondent à l'application de la législation aux opérations réalisées par la société requérante et que l'absence de réponse n'a fait ainsi que différer la date de versement des sommes légalement exigibles ;
Vu l'ordonnance en date du 21 novembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 6 décembre 2013, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires reprise par la directive 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2014 :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;
1. Considérant que la SARL Auto Discount, dans les droits de laquelle vient la SARL ATB Auto, qui exerçait une activité de négoce de véhicules automobiles neufs et d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ; qu'il en est résulté des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 ; que l'administration a remis en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliqué par cette société lors de la revente de ses véhicules automobiles d'occasion et imposé ces opérations de revente sur le prix de vente total de ces véhicules ; que l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts lui a été appliquée pour défaut de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante au prix de vente total de ces véhicules ; que la SARL ATB Auto relève appel du jugement n° 1102031 du 13 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et de cette amende ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 " ; qu'aux termes de l'article 297 A du même code : " I. 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. " ; qu'aux termes de l'article 297 E de ce code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures. " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions de l'article 297 E dudit code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur marge prévu par l'article 26 bis de la directive du 17 mai 1977 désormais repris à l'article 113 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 ; que, lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, et alors même qu'il appartient au contribuable d'apporter la preuve du caractère exagéré de l'imposition contestée en application des dispositions de l'article R.*194-1 du code de procédure fiscale, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs ;
4. Considérant, en premier lieu, que la SARL Auto Discount a acquis des véhicules en provenance d'Allemagne et de Belgique auprès de deux négociants établis en Espagne, les sociétés Auto Sport S Cab et Eurocoche ; que les factures qui lui ont été délivrées par ces sociétés mentionnent l'application du régime de la marge ; que, cependant, l'administration soutient sans être contestée sur ce point, que les informations obtenues dans le cadre de l'assistance administrative ont permis d'établir que ces sociétés avaient acquis les véhicules en cause sous le régime des acquisitions intra-communautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration établit ainsi que c'est à tort que ces factures mentionnent l'application du régime de la TVA sur la marge ; que, par ailleurs, l'administration soutient que la société requérante était en possession des cartes grises des véhicules en cause et que celles-ci révèlent que 85 des 102 véhicules ont été immatriculés au nom de sociétés de location dont le nom et l'activité étaient notoirement connus en France ; qu'elle fait valoir que la société requérante, en tant que professionnel de l'automobile, ne pouvait pas ne pas être alertée par l'application du régime de la marge lors de l'achat de ces véhicules et par le fait que le prix des véhicules ainsi achetés était inférieur au prix de ceux pratiqués sur le marché français ; qu'elle établit que la société requérante prenait en charge, par l'intermédiaire d'un mandataire, l'acheminement des véhicules directement des fournisseurs allemands et belge vers la France, sans transit par l'Espagne, qu'elle entretenait des liens téléphoniques directs avec l'un des fournisseurs allemands de ses propres fournisseurs espagnols, ce que la société requérante ne conteste pas sérieusement en faisant valoir qu'il s'agissait de régler des problèmes techniques afférents aux véhicules, alors que ces relations ont commencé avant le début des achats des véhicules provenant de ce fournisseur allemand ; que la société requérante ne conteste pas davantage sérieusement les incohérences relevées par l'administration dans les dossiers clients qu'elle détenait dont il résulte qu'elle a revendu des véhicules qu'elle n'avait pas encore acquis voire parfois qui n'étaient pas encore acquis par ses fournisseurs espagnols, en se bornant à faire état d'émission de factures pro-forma puis de factures définitives sans produire aucun justificatif à l'appui de ses dires ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'administration établit que la SARL Auto Discount ne pouvait ignorer que ses fournisseurs espagnols n'étaient pas en droit d'établir des factures portant mention de l'application de la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime sur la marge ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante fait valoir que l'administration a méconnu son devoir de loyauté et les principes de sécurité juridique et de confiance légitime garantis par le droit communautaire car elle n'a pas répondu à la demande d'information formulée par son conseil le 12 mars 2008, puis rappelée les 28 juillet et 6 novembre 2008, relative au régime de taxation à la TVA qui lui était applicable et " a organisé une vérification de comptabilité en vue de la sanctionner " ; qu'il résulte de l'instruction que, par l'intermédiaire de son conseil, la société Auto Discount a demandé à l'administration quel était le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable " à l'acquisition intracommunautaire d'un véhicule acquis " par elle-même et que l'administration, en dépit de ses deux relances, n'y a pas répondu ; que, toutefois, il ne peut être déduit de ce seul défaut de réponse que l'administration aurait ainsi induit en erreur la société Auto Discount sur le régime de taxe sur la valeur ajoutée qui lui était légalement applicable ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration l'aurait " sanctionnée " ainsi que le prétend la société requérante, sans autre précision ni justification, en procédant à une vérification de comptabilité de son entreprise ; que, par suite, les moyens invoqués par la SARL ATB Auto tirés de ce que l'administration aurait méconnu ainsi son devoir de devoir de loyauté et les principes de sécurité juridique et de confiance légitime doivent être écartés ;
6. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que l'administration a procédé au dégrèvement des pénalités pour manquement délibéré qui avaient été appliquées à la société requérante est sans incidence sur le bien-fondé des rectifications effectuées ; qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'administration était fondée à remettre en cause l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliqué par la SARL Auto Discount ;
Sur l'amende prévue par le 4. de l'article 1788 A du code général des impôts :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 1788 A du code général des impôts : " (...) / 4. Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible. (... ) " ;
8. Considérant que l'administration a infligé à la SARL Auto Discount une amende correspondant à 5 % du montant de la taxe sur la valeur ajoutée exigible qu'elle n'a pas déclarée ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, c'est à tort que la société requérante n'a pas imposé les reventes des véhicules qu'elle a effectuées sur le montant total de leurs prix de vente, car elle ne pouvait ignorer que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge n'était pas applicable ; qu'en l'absence de la déclaration de ces acquisitions prévue au 1. de l'article 287 du code général des impôts, c'est à bon droit que l'administration lui a infligé l'amende prévue par les dispositions précitées de l'article 1788 A du code général des impôts ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ATB Auto n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL ATB Auto la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL ATB Auto est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL ATB Auto et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2014 à laquelle siégeaient :
M. Montsec, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
M. Meillier, conseiller.
Lu en audience publique, le 3 juillet 2014.
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N° 12LY03200
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