Vu, I, sous le n° 13LY00357, la requête enregistrée le 11 février 2013, présentée pour le département du Rhône, représenté par le président du conseil général en exercice ;
Le département du Rhône demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902961 du 18 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon l'a condamné à verser à MM. C...et A...B...la somme de 97 000 euros ;
2°) de rejeter la demande de MM. C...et A...B...devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de MM. C...et A...B...une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que sa responsabilité était engagée alors qu'à la date du fait générateur des dommages subis par la propriété de MM.B..., la voie publique, cause de ces dommages, n'avait pas encore été transférée dans la voierie départementale en application de l'article 18 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 juillet 2013, présenté pour MM. C...etA... B... qui concluent :
- au rejet de la requête ;
- à ce que l'indemnité que le département du Rhône a été condamné à leur payer soit portée à 133 200 euros ;
- à la mise à la charge du département du Rhône d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent :
- que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité du département du Rhône ;
- qu'ils n'ont pas été en mesure de financer les travaux de remise en état de leur propriété et que leur préjudice correspondant aux troubles de jouissance peut, dans ces conditions, être actualisé, et doit être évalué, compte tenu du montant du loyer retenu par l'expert, à la somme de 41 200 euros ;
Vu l'ordonnance du 26 juin 2013 fixant au 19 juillet 2013 la date de clôture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 novembre 2013, présenté par le département du Rhône qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que le 1er janvier 2006, date du transfert de la voie au département, aucune action n'était pendante ;
Vu l'ordonnance du 7 mars 2014 reportant au 18 avril 2014 la date de clôture de l'instruction ;
Vu, II, sous le n° 13LY00575, la requête enregistrée le 26 février 2013, présentée pour MM. C...et A...B..., domiciliés 100 Route Nationale 6 à Saint-Priest (69800) ;
MM. C...et A...B...demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 0902961 du 18 décembre 2012 en tant qu'il a limité à 97 000 euros le montant de l'indemnité que le département du Rhône a été condamné à leur verser ;
2°) de condamner le département du Rhône à leur verser la somme de 133 200 euros ;
3°) de mettre à la charge du département du Rhône une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent :
- que comme l'ont estimé les premiers juges, l'obligation du département du Rhône de réparer leurs préjudices n'est pas contestable dès lors que la voie publique, cause du dommage, a été transférée dans la voierie départementale, en application de l'article 18 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, à compter du 1er janvier 2006 ;
- qu'ils n'ont pas été en mesure de financer les travaux de remise en état de leur propriété et que, dans ces conditions, leur trouble de jouissance doit être évalué, compte tenu du montant du loyer retenu par l'expert, à la somme de 41 200 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 juillet 2013, présenté pour département du Rhône qui conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de MM. C...et A...B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que l'article 18 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ne peut pas être interprété, compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel n° 2004-503 du 12 août 2004, comme transférant la responsabilité à la nouvelle collectivité propriétaire pour des faits antérieurs au transfert de la voie publique à l'origine du dommage ;
- que les requérants ne justifient pas de la réalité de leur préjudice ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 juillet 2013, présenté pour MM. C...etA... B... qui concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance du 27 juin 2013 fixant au 19 juillet 2013 la date de clôture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 novembre 2013, présenté par le département du Rhône qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que le 1er janvier 2006, date du transfert de la voie au département, aucune action n'était pendante ;
Vu l'ordonnance du 7 mars 2014 reportant au 18 avril 2014 la date de clôture de l'instruction ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;
Vu la décision du Conseil Constitutionnel n° 2004-503 du 17 août 2004 ;
Vu le décret n° 2005-1500 du 5 décembre 2005 portant application de l'article 18 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juin 2014 :
- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Jourda, avocat du département du Rhône et de Me Denard, avocat de MM. C...et A...B... ;
1. Considérant que les requêtes susvisées du département du Rhône et de MM. C... et A...B..., sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que le 19 août 2004, à la suite d'un violent orage, l'immeuble dont MM. C... et A...B...sont propriétaires, situé à Saint-Priest (Rhône), en bordure de la route nationale 6, devenue route départementale 306, a été endommagé ; que, par jugement du 18 décembre 2012, le Tribunal administratif de Lyon a condamné le département du Rhône à leur verser une indemnité de 97 000 euros ; que le département fait appel de cette condamnation et que MM. B...demandent que l'indemnité allouée soit portée à 133 200 euros ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 18 de la loi du 13 août 2004 susvisée : " (...) III.-A l'exception des routes répondant au critère prévu par l'article L. 121-1 du code de la voirie routière, les routes classées dans le domaine public routier national à la date de la publication de la présente loi, ainsi que leurs dépendances et accessoires, sont transférées dans le domaine public routier départemental. / (...) Ce transfert est constaté par le représentant de l'Etat dans le département dans un délai qui ne peut excéder dix-huit mois après la publication des décrets en Conseil d'Etat mentionnés à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 121-1 du code de la voirie routière. Cette décision emporte, au 1er janvier de l'année suivante, le transfert aux départements des servitudes, droits et obligations correspondants, ainsi que le classement des routes transférées dans la voirie départementale. Le statut éventuel de route express ou de route à grande circulation des routes transférées est conservé. / En l'absence de décision constatant le transfert dans le délai précité, celui-ci intervient de plein droit au 1er janvier 2008. / Les terrains acquis par l'Etat en vue de l'aménagement des routes transférées sont cédés aux départements. / La notification de la décision du représentant de l'Etat dans le département emporte de plein droit mise à jour des documents d'urbanisme affectés par le transfert. / Le représentant de l'Etat dans le département communique au conseil général toutes les informations dont il dispose sur le domaine public routier transféré. / Les transferts prévus par le présent III sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire. / (...) Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent III. / IV.-Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi " ;
4. Considérant que la décision du 17 août 2004 par laquelle le Conseil Constitutionnel a déclaré les dispositions précitées de l'article 18 de la loi du 13 août 2004 conformes à la Constitution, ne contient aucune réserve d'interprétation prévoyant, contrairement à ce que soutient le département du Rhône, que lorsqu'une route nationale est à l'origine d'un dommage né avant la date de son transfert dans la voirie départementale, seule la responsabilité de l'État peut être recherchée par les victimes de ce dommage ;
5. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif, dont les conclusions ne sont du reste pas contestées par le département du Rhône, que les désordres subis par la propriété de MM. C...et A...B...à la suite du violent orage survenu le 19 août 2004 sont dus à l'absence d'un dispositif de récupération des eaux de ruissellement de la route nationale 6, dont ils sont riverains et aux travaux de rehaussement successifs dont elle a fait l'objet ; que la portion cette voie à l'origine du dommage a été transférée de l'Etat au département du Rhône à compter du 1er janvier 2006, date à laquelle le département du Rhône a été substitué à l'Etat dans l'ensemble de ses droits et obligations ; que, par suite, MM. C...et A...B..., tiers par rapport à l'ouvrage public que constitue cette route, sont fondés à rechercher la responsabilité du département du Rhône à raison des dommages causés à leur propriété ; que même si, à la date du transfert, aucune action relative au dommage survenu le 2 août 2004 n'était pendante, seule des opérations d'expertise étant alors en cours, le département du Rhône ne peut soutenir que la demande de MM. C...et A...B...tendant à sa condamnation est mal dirigée ;
6. Considérant que le coût des travaux de réparation de l'immeuble est évalué par l'expert à 92 000 euros ; que l'expert s'est borné à évoquer l'existence d'une perte de loyer, dont il indique qu'elle " pourrait " être évaluée à 400 euros par mois, sans toutefois apporter de précisions ou de justifications ; que MM. C...et A...B..., qui ne fournissent aucune précision sur la partie de l'immeuble qui aurait été donnée à bail antérieurement au sinistre survenu le 19 août 2004, ne démontrent pas l'existence de ce préjudice ; qu'en fixant à la somme de 5 000 euros les préjudices de toute nature, dont les troubles de jouissance, subis par les intéressés, le Tribunal n'en a pas fait une évaluation insuffisante ;
7. Considérant qu'il résulte ce qui précède que, d'une part, le département du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon l'a condamné à verser la somme de 97 000 euros à MM. C...et A...B..., et que, d'autre part, ceux-ci ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le Tribunal a limité à cette somme l'indemnité qui leur est due ; que, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions du département du Rhône et de MM. C...et A...B...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes du département du Rhône et de MM. C...et A...B...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au département du Rhône, à M. C...B...et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 6 juin 2014 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 juin 2014.
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