Vu la requête, enregistrée le 26 novembre 2013 au greffe de la Cour, présentée par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Maison de retraite départementale de la Loire, dont le siège est 11 route de Chambles à Saint-Just-Saint-Rambert (42176) ;
L'EHPAD Maison de retraite départementale de la Loire demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1107032, en date du 24 septembre 2013, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009, à concurrence de la fraction de cette taxe assise sur les rémunérations des directeurs de l'établissement, pour des montants, respectivement, de 15 215 euros et 13 635 euros ;
2°) de prononcer la décharge de la taxe contestée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros, à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- il ne peut être considéré comme l'employeur de son directeur au sens des dispositions de l'article 231 du code général des impôts ; les EHPAD constitués sous la forme d'établissements publics relevant des articles L. 315-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles ne sont pas en effet juridiquement les employeurs de leur directeur ; le critère déterminant est à cet égard le lien de subordination existant entre le directeur d'un EHPAD et l'Etat, qui se manifeste notamment par les conditions de recrutement et de nomination ; la nomination du directeur relève, selon l'article L. 315-9 du code susmentionné de l'autorité compétente de l'Etat après avis du président du conseil d'administration de l'établissement ; il est recruté par concours ouvert par arrêté du directeur du Centre national de gestion (CNG) qui agit au nom du ministre de la santé ; le profil du poste est établi par le directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) ou le représentant de l'Etat dans le département, en liaison avec le président du conseil d'administration de l'établissement ; son évaluation est assurée par le directeur général de l'ARS ; son régime indemnitaire est fixé par le directeur général de l'ARS ou son représentant ; son placement en recherche d'affectation est prononcé par le directeur général du CNG, qui exerce également à son égard le pouvoir disciplinaire et détermine les conditions de sa formation continue ; le conseil d'administration d'un EHPAD n'a donc aucun pouvoir décisionnel pour recruter, affecter, évaluer ou sanctionner le directeur ; le CNG et l'ARS, bien que constituant deux établissements publics dotés en principe d'une autonomie financière et placés sous la tutelle de l'Etat, sont en réalité mandatés par l'Etat pour assurer respectivement le recrutement, la nomination et la gestion de la carrière d'un directeur d'EHPAD ; ledit directeur, en tant qu'il est chargé de la mise en oeuvre effective d'un service public, relève du droit public, alors que le statut des autres agents contractuels relèvent du code du travail ; les directeurs des EHPAD, recrutés et nommés pour assurer la direction et la gestion des EHPAD, sont également nommés pour mettre en place la politique publique de santé déterminée par l'ARS, pour le compte de l'Etat ; c'est donc bien au final l'Etat qui doit être regardé comme leur employeur et les EHPAD doivent être déchargés du paiement de la taxe sur les salaires au sens du 1 alinéa 4 de l'article 231 du code général des impôts ; la notion d'autorité fonctionnelle ne saurait aboutir à la qualification des EHPAD comme étant les employeurs de leur directeur ; le conseil d'administration n'intervient pas dans l'appréciation de la manière de servir du directeur et ne saurait être regardé comme exerçant sur lui une autorité fonctionnelle ; aucun indice ne vient établir que le conseil d'administration exerce un contrôle ou une supervision sur les fonctions du directeur ; le conseil d'administration ne dispose d'ailleurs pas d'une entière liberté dans la détermination de la politique de l'établissement, le projet d'établissement devant s'inspirer de la convention tripartite signée entre l'EHPAD, le conseil général et l'ARS ; lorsque le directeur prépare et met en oeuvre le projet d'établissement il veille indirectement au respect de cette convention et effectue donc sa mission autant au service de l'établissement que de l'Etat ; en tout état de cause, l'autorité fonctionnelle ne constitue pas un critère d'identification de l'employeur ; le fait que le conseil d'administration ou son président soit invité à donner un avis n'interfère en rien sur le pouvoir de nomination ; aucun élément lié aux attributions générales et budgétaires du directeur ne permet de conclure que ce dernier serait placé sous l'autorité fonctionnelle du conseil d'administration ni que l'établissement en serait l'employeur ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances, tendant au rejet de la requête de l'EHPAD Maison de retraite départementale de la Loire ; il fait valoir que les EHPAD constituent des établissements autonomes, aux plans administratifs et financiers, dotés de la personnalité morale, définissent leur propre politique par l'élaboration d'un projet d'établissement et rémunèrent directement leur directeur, sur leur propre budget ; si le directeur est nommé par une autorité de l'Etat, qui exerce sur lui le pouvoir disciplinaire, c'est après avis du conseil d'administration de l'établissement ; le directeur prépare les travaux du conseil d'administration et est ensuite chargé de l'exécution des décisions de celui-ci ; il est ainsi placé sous l'autorité fonctionnelle du conseil d'administration, qui est investi du pouvoir de lui donner des objectifs et des directives ; dans ces conditions, l'établissement doit être regardé comme l'employeur de son directeur au sens de l'article 231 du code général des impôts ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 mai 2014, présenté pour l'EHPAD Maison de retraite départementale de la Loire, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2014 :
- le rapport de M. Montsec, président ;
- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;
1. Considérant que l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Maison de retraite départementale de la Loire a demandé la restitution des cotisations de taxe de taxe sur les salaires qu'il a acquittées au titre des années 2008 et 2009, à concurrence de la fraction de cette taxe assise sur les rémunérations des directeurs de l'établissement, pour des montants, respectivement, de 15 215 euros et 13 635 euros ; qu'il fait appel du jugement en date du 24 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande ;
Sur le bien-fondé des taxes en litige :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, (...) et à la charge des personnes ou organismes, (...), qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations (...) " ; que la taxe sur les salaires est due par tout employeur à raison des rémunérations versées à ses employés, quelles que soient les modalités de paiement de celles-ci ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 315-9 du code de l'action sociale et des familles : " Les établissements publics sociaux et médico-sociaux sont communaux, intercommunaux, départementaux, interdépartementaux ou nationaux. Ils sont administrés par un conseil d'administration et dirigés par un directeur nommé par l'autorité compétente de l'Etat après avis du président du conseil d'administration " ; qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les corps et emplois sont recrutés et gérés dans le cadre de chaque établissement. (...) Toutefois, les corps et emplois des personnels de direction sont recrutés et gérés au niveau national (...) " ; que l'article 82 de la même loi prévoit que : " L'autorité investie du pouvoir de nomination exerce le pouvoir disciplinaire après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline (...) " ; que l'article 21 du décret du 26 décembre 2007 portant statut particulier du corps des directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux de la fonction publique hospitalière désignait, à la date des impositions en litige, comme autorité investie du pouvoir de nomination, le ministre chargé de la santé s'agissant des emplois de directeur et le directeur du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière s'agissant des emplois de directeur-adjoint ; qu'aux termes de l'article L. 315-12 du code de l'action sociale et des familles : " Le conseil d'administration des établissements publics sociaux ou médico-sociaux définit la politique générale de l'établissement et délibère sur : 1° Le projet d'établissement ou de service (...) ; (...) 4° Le budget et les décisions modificatives, les crédits supplémentaires et la tarification des prestations (...) ; (...) 6° Les décisions affectant l'organisation ou l'activité de l'établissement ; (...) " ; qu'au termes de l'article L. 315-15 du même code : " I. - Le budget et les décisions modificatives mentionnés au 4° de l'article L. 315-12 sont préparés et présentés par le directeur (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 315-17 du même code : " Le directeur représente l'établissement en justice et dans tous les actes de la vie civile. / Il prépare les travaux du conseil d'administration et lui soumet le projet d'établissement (...). / Il est chargé de l'exécution des décisions du conseil d'administration et met en oeuvre les actions approuvées par celui-ci. Il est compétent pour régler les affaires de l'établissement autres que celles qui sont énumérées à l'article L. 315-12. Il assure la gestion et la conduite générale de l'établissement et en tient le conseil d'administration informé. / Il veille à la réalisation du projet d'établissement ou de service et à son évaluation. / Il nomme le personnel (...) et exerce son autorité sur l'ensemble de celui-ci (...) " ;
4. Considérant que les EHPAD, qui constituent des établissements autonomes, aux plans administratif et financier, dotés de la personnalité morale, définissent leur propre politique par l'élaboration d'un projet d'établissement ; qu'ils rémunèrent directement leur directeur, sur leur propre budget ; que, s'il résulte des dispositions susmentionnées que le directeur d'un EHPAD est recruté et nommé par une autorité de l'Etat, qui exerce sur lui le pouvoir disciplinaire, ce pouvoir de nomination s'exerce après avis du président du conseil d'administration de l'EHPAD ; que, par ailleurs, le directeur d'un EHPAD prépare les travaux du conseil d'administration de l'établissement, qui définit la politique générale de celui-ci ; qu'il est ensuite chargé de l'exécution des décisions dudit conseil d'administration, notamment en matière de budget et de projet d'établissement, et de mettre en oeuvre les actions approuvées par celui-ci ; que le directeur ou, plus généralement, le personnel de direction, qui exerce ainsi essentiellement des fonctions de gestion et de conduite générale de l'établissement, sous le contrôle du conseil d'administration, nonobstant la circonstance qu'il puisse être regardé comme étant également chargé, ce faisant, de la mise en oeuvre de la politique de santé définie par l'Etat, peut être considéré comme étant placé de fait sous l'autorité fonctionnelle dudit conseil d'administration, en tant que celui-ci est investi du pouvoir de lui donner des objectifs et des directives et en tant qu'il doit de son coté lui rendre compte de son action ; que, dans ces conditions, l'établissement doit être regardé comme l'employeur de son personnel de direction qu'il rémunère, au sens de l'article 231 du code général des impôts, nonobstant la circonstance que celui-ci est statutairement nommé, géré et évalué par une autorité de l'Etat, et était donc redevable de la taxe sur les salaires assise sur les rémunérations correspondantes ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EHPAD Maison de retraite départementale de la Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse quelque somme que ce soit à l'EHPAD Maison de retraite départementale de la Loire au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'EHPAD Maison de retraite départementale de la Loire est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EHPAD Maison de retraite départementale de la Loire et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2014 à laquelle siégeaient :
M. Montsec, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Bourion, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juin 2014.
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N° 13LY03100