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10/06/2014 | FRANCE | N°13LY02852

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 10 juin 2014, 13LY02852


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 novembre 2013, présentée pour Mme C... A...domiciliée ...à Saint-Etienne (42007) ;

Mme C...A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303240 du 4 juillet 2013 du tribunal administratif de Lyon ayant rejeté sa demande d'annulation des décisions du 27 février 2013 de la préfète de la Loire refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;



3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer un titre de séjour " vie p...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 novembre 2013, présentée pour Mme C... A...domiciliée ...à Saint-Etienne (42007) ;

Mme C...A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303240 du 4 juillet 2013 du tribunal administratif de Lyon ayant rejeté sa demande d'annulation des décisions du 27 février 2013 de la préfète de la Loire refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 8 jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État ;

elle soutient que :

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté dès lors que le Tribunal a écarté le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté préfectoral par une pièce qui n'a pas été communiquée ;

- le Tribunal n'a pas statué sur l'absence de motivation en fait de l'arrêté préfectoral attaqué ;

- l'arrêté est signé par une autorité incompétente ;

- les erreurs sur la motivation en fait de l'arrêté quant à la date de la demande de titre de séjour, sa situation maritale et la situation administrative de son époux ont eu une influence sur l'appréciation de la préfète ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée en droit dès lors que l'arrêté ne vise pas l'article L. 513-2 et le dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est insuffisamment motivée en fait ;

- elle remplit les conditions pour obtenir un titre sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la décision de refus de titre viole son droit à une vie privée et familiale normale ; la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de titre étant illégal, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est illégale ;

- la préfète s'est crue en compétence liée pour prononcer une obligation de quitter le territoire ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, du tribunal de grande instance de Lyon (section cour administrative d'appel), en date du 19 septembre 2013, admettant Mme A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2014, présenté par la préfète de la Loire qui conclut au rejet de la requête ;

elle soutient que :

- le secrétaire général signataire de l'acte avait reçu régulièrement délégation ;

- la demande de titre de séjour n'a été enregistrée régulièrement que le 24 janvier 2013 ;

- la requérante n'a fourni aucune indication sur sa situation de famille et notamment pour ce qui concerne son mariage avec M.B... ;

- la motivation en droit de la décision fixant le pays de destination pouvait résulter de la motivation en droit de l'obligation de quitter le territoire ; la décision est motivée en fait ;

- la décision de refus de titre ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale de la requérante ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire a été prise en tenant compte de l'examen particulier de la situation de la requérante ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2014 :

- le rapport de M. Clément, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme C...A..., née le 22 juin 1981 à Gjakovë (ex- Yougoslavie), de nationalité kosovare, est entrée irrégulièrement en France le 7 décembre 2009, accompagnée de son époux et de leur fille, RionaB..., alors âgée de deux ans ; que Mme A... a demandé l'asile ; que par décision du 14 octobre 2010, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 1er septembre 2011 ; que Mme A...a demandé son admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rejetée par une décision du 27 février 2013 de la préfète de la Loire ; que la requérante fait appel du jugement n° 1303240 du 4 juillet 2013 du tribunal administratif de Lyon ayant rejeté sa demande d'annulation des décisions du 27 février 2013 de la préfète de la Loire refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que Mme A...soutient que le jugement attaqué aurait été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors que, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté, ce jugement se réfère à un arrêté de délégation de signature du 10 février 2012 sans que cet arrêté ait fait l'objet d'une communication contradictoire ; que, toutefois, dès lors que, comme le relève expressément le jugement, l'arrêté du 10 février 2012 avait été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, et eu égard au caractère réglementaire de cet acte, le Tribunal n'a pas méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en se fondant sur l'existence de cet arrêté sans en ordonner préalablement la production au dossier ;

3. Considérant que si la requérante soutient que le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer dès lors que le Tribunal ne s'est pas prononcé sur l'absence de motivation en fait de la décision fixant le pays de destination, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le Tribunal a statué à la fois sur la motivation en fait et en droit de cette décision en rappelant que l'administration est dispensée par la loi d'apporter une motivation spécifique à une décision fixant le pays de destination ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. Considérant que l'arrêté contesté a été signé par M. Patrick Ferin, secrétaire général de la préfecture de la Loire, titulaire d'une délégation de signature à cet effet par arrêté du 10 février 2012 de la préfète de la Loire, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 6 de la préfecture du même jour ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

5. Considérant que si la décision du 27 février 2013 indique à tort que M. B...est le compagnon et non l'époux de MmeA..., cette erreur est sans incidence sur l'appréciation de la situation personnelle de la requérante portée par la préfète ; que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la décision mentionne que M. B...ne justifiait d'aucun droit au séjour à la date de la décision attaquée dès lors que celui-ci ne disposait effectivement d'aucune décision d'admission au séjour ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République." ;

7. Considérant que la requérante fait valoir qu'elle est mariée avec M.B..., ressortissant kosovar, qu'elle est mère de trois enfants dont deux sont nés sur le territoire français et qu'elle s'est bien intégrée dans la société française ; que deux de ses frères vivent en France et ont fait une demande d'asile ; que cependant, il ressort des pièces du dossier que Mme A...n'est entrée en France que le 7 décembre 2009, à l'âge de vingt-huit ans avec M. B...et un de ses enfants ; qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine et ne pouvoir y établir sa vie familiale ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les décisions contestées n'ont pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'elles n'ont, ainsi, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la préfète n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de sa décision sur la situation de la requérante ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

8. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; que toutefois, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus ou ce retrait est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il ressort des termes de la décision attaquée que le refus de titre de séjour opposé à Mme A...est suffisamment motivé ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour au regard de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être rejeté ;

10. Considérant que si la requérante soutient que la préfète s'est crue en situation de compétence liée pour prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire, il résulte des termes mêmes de la décision que celle-ci a été décidée après l'examen de la situation particulière de MmeA... ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant que la décision contestée a été prise au visa de " l'article L. 511-1 (I 3° et II al. 1) " ; qu'elle doit être regardée comme visant l'ensemble de l'article L. 511-1 et qu'elle vise de surcroit notamment les I 3° et II alinéa 1 ; qu'elle est suffisamment motivée en droit, visant le I de l'article L. 511-1 qui prévoit que la décision portant obligation de quitter le territoire français " fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. " ;

12. Considérant que la décision par laquelle le préfet fixe le pays à destination duquel sera reconduit l'étranger s'il ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en fait comme en droit en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel est mentionné dans la décision attaquée ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit ; que, par ailleurs, la préfète a suffisamment motivé en fait sa décision en mentionnant que la requérante n'établissait pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays à destination duquel Mme A...serait reconduite doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme C...A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2014 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 juin 2014

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N° 13LY02852


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02852
Date de la décision : 10/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: M. Marc CLEMENT
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : AARPI MODENA ADVOCATUS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-06-10;13ly02852 ?
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