La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/06/2014 | FRANCE | N°12LY23709

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 10 juin 2014, 12LY23709


Vu l'ordonnance n° 373441 du 4 décembre 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a attribué le jugement de la requête de Mme A...à la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu la requête, enregistrée le 29 août 2012, présentée pour Mme B... A..., domiciliée ... ;

Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102026 du 3 juillet 2012 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a limité à 3 000 euros l'indemnisation du préjudice q

u'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de son licenciement et du non respe...

Vu l'ordonnance n° 373441 du 4 décembre 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a attribué le jugement de la requête de Mme A...à la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu la requête, enregistrée le 29 août 2012, présentée pour Mme B... A..., domiciliée ... ;

Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102026 du 3 juillet 2012 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a limité à 3 000 euros l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de son licenciement et du non respect par l'Etat de son obligation de surveillance médicale de ses agents ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi, d'une part, du fait de son licenciement fautif et, d'autre part, du non-respect par l'Etat de son obligation de surveillance médicale de ses agents, avec intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête qui porteront capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'indemnisation qui lui a été allouée par le tribunal administratif est manifestement insuffisante dès lors qu'elle a été injustement privée de son emploi, qu'elle n'a pas trouvé d'emploi pérenne et que ses perspectives de reclassement dans son département sont limitées en raison de son âge ;

- la diminution sensible de ses revenus a entraîné un trouble manifeste dans ses conditions d'existence ;

- elle a également subi un trouble dans ses conditions d'existence suite aux manquements imputables à l'Etat en matière de sécurité dès lors que l'absence de surveillance médicale des agents contractuels du Greta a pu favoriser le développement de la situation de harcèlement moral et, en tout état de cause, le stress au travail, qui est à l'origine de sa dépression ;

- elle avait demandé à rencontrer le médecin du travail avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement engagée à son encontre ;

- le Greta a reconnu que la surveillance médicale prévue par les dispositions de l'article 14 de la directive 89/391/CEE du conseil du 12 juin 1989 et du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 n'a pas été mise en place ;

- la circonstance qu'elle ne justifierait pas avoir sollicité un rendez-vous de suivi ou de visite de prévention quinquennale auprès de son employeur n'est pas de nature à exonérer ce dernier de son obligation de surveillance médicale ;

- si elle avait bénéficié d'une surveillance médicale, son état de santé n'aurait pas été dégradé et sa situation de souffrance au travail aurait pu être interrompue ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 27 janvier 2014 au ministre de l'éducation nationale, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu l'ordonnance en date du 27 janvier 2014 fixant la clôture d'instruction au 7 mars 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2014, présenté par le ministre de l'éducation nationale qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la réparation des préjudices résultant de la perte de traitement sont des conclusions nouvelles en appel et donc irrecevables ;

- l'évaluation du préjudice moral a été motivée par les premiers juges ; en tout état de cause, elle relève de leur appréciation souveraine ;

- la requérante n'apporte aucun élément de fait susceptible de faire présumer un harcèlement moral ;

- il lui incombait de respecter l'obligation de subir une visite médicale ou de solliciter auprès de l'administration une visite médicale de prévention assurée par le médecin du travail telle que prévue par l'article 24 du décret du 28 mai 1982 ; la requérante n'a demandé à rencontrer le médecin de prévention de l'administration que dans le cadre de sa procédure de licenciement ;

- la requérante ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre un agissement de l'administration et ses problèmes de santé ;

Vu l'ordonnance du 17 mars 2014 portant réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 avril 2014, présenté pour Mme A...qui conclut à la condamnation de l'Etat à lui verser :

- une somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices moraux, financiers (perte de revenus) et personnels (troubles dans les conditions d'existence) subis du fait de son licenciement illicite, avec intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête qui porteront capitalisation ;

- une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le non-respect par l'Etat de son obligation de surveillance médicale de ses agents ;

- une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient, en outre, que :

- sa demande d'indemnisation des préjudices résultant de la perte de traitement qui se rattache à la réparation de son préjudice moral et aux troubles dans ses conditions d'existence n'est pas nouvelle en appel ; elle est, par suite, recevable ;

- l'administration qui était au courant de sa situation aurait dû organiser une surveillance médicale ;

- le non respect par l'administration de son obligation de sécurité a entraîné un préjudice ;

Vu la décision du tribunal de grande instance de Marseille (bureau d'aide juridictionnelle), en date du 2 octobre 2012, admettant Mme A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique ;

Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2014 :

- le rapport de Mme Courret, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

1. Considérant que, par un jugement du 3 juillet 2012, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 28 avril 2010 par laquelle le Greta Vaucluse Nord a licencié Mme A...à la suite de la suppression de son poste, intervenue dans le cadre d'une restructuration des emplois et des métiers, et a condamné à ce titre l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral ; que Mme A...relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité à 3 000 euros l'indemnisation de son préjudice moral du fait de son licenciement irrégulier et qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat pour manquement à une obligation de sécurité ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices moral et matériel résultant de l'illégalité de son licenciement :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'éducation nationale :

2. Considérant Mme A...sollicite le versement d'une somme de 35 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence, du fait de son licenciement irrégulier au motif qu'elle n'a pu retrouver un emploi pérenne, qu'eu égard à son âge, ses perspectives de reclassement dans son département sont limitées et qu'elle subit une perte de revenus ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges, qui ont pris en compte les motifs de l'annulation de la décision de licenciement qui résulte du manquement du Greta Vaucluse Nord à son obligation de reclassement, aient fait une insuffisante appréciation de ces préjudices en condamnant l'Etat à verser à l'intéressée la somme de 3 000 euros ; que s'agissant de la réparation du préjudice matériel invoqué en appel, Mme A... n'apporte pas le moindre élément lui permettant d'établir une perte de chance sérieuse de reclassement ;

En ce qui concerne le manquement de l'Etat à son obligation de surveillance médicale :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.(...). " ; qu'aux termes de l'article 22 du décret du 28 mai 1982 susvisé : " Les administrations sont tenues d'organiser un examen médical annuel pour les agents qui souhaitent en bénéficier. " ; qu'aux termes de l'article 24 du même décret : " Le médecin de prévention exerce une surveillance médicale particulière à l'égard : / - des handicapés ; / - des femmes enceintes ; / - des agents réintégrés après un congé de longue maladie ou de longue durée ; / - des agents occupant des postes définis à l'article 15-1 ci-dessus ; / - et des agents souffrant de pathologies particulières déterminées par le médecin de prévention ; / Le médecin de prévention définit la fréquence et la nature des visites médicales que comporte cette surveillance médicale et qui doit être au moins annuelle. Ces visites présentent un caractère obligatoire. " ; qu'aux termes de l'article 24-1 dudit décret : " Les agents qui ne relèvent pas de l'article 24 ci-dessus et qui n'auraient pas bénéficié de l'examen médical prévu à l'article 22 du présent décret font l'objet d'une visite médicale auprès d'un médecin de prévention tous les cinq ans. Ils fournissent à leur administration la preuve qu'ils ont satisfait à cette obligation. A défaut, ils sont tenus de se soumettre à une visite médicale auprès du médecin de prévention de leur administration. " ;

4. Considérant que Mme A...ne justifie pas plus en appel qu'en première instance qu'elle aurait subi un harcèlement moral lors de l'exercice de ses fonctions ; que, de même, la requérante, qui ne soutient pas qu'elle remplirait les conditions prévues par l'article 24 du décret précité, n'établit pas que le Greta Vaucluse Nord n'aurait pas respecté son obligation en ce qui concerne la surveillance médicale de ses agents telle que prévue par les dispositions des articles 22 et 24-1 dudit décret ; qu'elle n'a sollicité une visite médicale que le 15 mars 2010 alors que la procédure de licenciement à son encontre a été engagée le 1er avril 2010 ; qu'ainsi, l'administration n'a pas méconnu les obligations de sécurité de ses agents prescrites par la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 et par le décret du 28 mai 1982 susvisés ; qu'en tout état de cause, Mme A...n'établit pas, et alors qu'elle est suivie par un médecin psychiatre, que ses problèmes de santé, qui seraient liés à des difficultés professionnelles, auraient pour origine l'absence de surveillance médicale ainsi alléguée ; que, par suite, aucune indemnisation n'est due à ce titre ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Martin, président de chambre,

- Mme Courret, président-assesseur,

- Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 juin 2014.

''

''

''

''

5

N° 12LY23709


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY23709
Date de la décision : 10/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Catherine COURRET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : BREUILLOT et VARO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-06-10;12ly23709 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award