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03/06/2014 | FRANCE | N°13LY03173

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 03 juin 2014, 13LY03173


Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2013 au greffe de la Cour, présentée pour M. C... A..., sans domicile fixe, élisant domicile ...;

M. C...A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306574 du 24 octobre 2013 en tant que le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2013, par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office ;

2°) d

'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le ve...

Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2013 au greffe de la Cour, présentée pour M. C... A..., sans domicile fixe, élisant domicile ...;

M. C...A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306574 du 24 octobre 2013 en tant que le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2013, par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Le requérant soutient :

- que le magistrat désigné ne pouvait substituer les dispositions du 2° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à celles du 1°, dès lors qu'aucun abus de droit n'est caractérisé, dans la mesure où, si ses déclarations permettent de constater l'existence d'allers-retours entre la Roumanie et la France, aucune pièce ne permet d'affirmer qu'il s'agissait de séjours en France de moins de trois mois ;

- qu'une telle substitution de base légale, qui ne correspondait pas à la motivation écrite des décisions du préfet, était impossible en ce qu'elle correspondait à une substitution de motifs ;

Vu l'arrêté et le jugement attaqués ;

Vu la décision du 5 février 2014, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. C...A...;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2014, présenté par le préfet de l'Isère, qui conclut au non-lieu à statuer, du fait de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application des articles L. 732-1 et R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2014, le rapport de Mme Bourion, premier conseiller ;

1. Considérant que M. C...A..., ressortissant roumain né le 18 mai 1992 en Roumanie, a fait l'objet, le 6 août 2013, d'un arrêté du préfet de l'Isère lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ; que, le 16 septembre 2013, ledit préfet a placé M. A...en rétention ; que si, par un jugement du 21 septembre 2013, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Lyon a décidé qu'il n'y avait pas lieu de prolonger le placement en rétention de M.A..., le préfet, par un arrêté en date du 22 octobre 2013, a, de nouveau, prononcé le placement de M. A...en rétention ; que M. A...relève appel du jugement du magistrat délégué du Tribunal administratif de Lyon, en date du 24 octobre 2013, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2013 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le préfet de l'Isère :

2. Considérant que la circonstance que M. A...a été éloigné le 29 octobre 2013 à destination de la Roumanie ne rend pas sans objet la requête dirigée contre l'arrêté du 6 août 2013 ; que, par suite, les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par le préfet de l'Isère doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de la requête à fin d'annulation :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; 2° Ou que son séjour est constitutif d'un abus de droit. Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale. (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / (...). / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel il est renvoyé en cas d'exécution d'office. / Les articles L. 512-1 à L. 512-4 sont applicables aux mesures prises en application du présent article. " ;

4. Considérant que le magistrat délégué du Tribunal administratif de Lyon a, dans son jugement du 24 octobre 2013, considéré que le préfet de l'Isère avait entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'erreur de droit en se fondant sur les dispositions combinées de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 1° de l'article L. 511-3-1 du même code, dès lors qu'il n'était pas établi par le préfet de l'Isère que le séjour en France de l'intéressé excédait trois mois à la date de l'arrêté attaqué ; que, cependant, sur demande du préfet, le magistrat délégué a procédé à la substitution de base légale de ces dernières dispositions par le 2° de l'article L. 511-3-1, en considérant que M. A...pouvait être regardé comme renouvelant des séjours de moins de trois mois en France dans le but de se maintenir sur le territoire français alors que les conditions requises pour un séjour supérieur à trois mois n'étaient pas réunies, et que son séjour était constitutif d'un abus de droit au sens desdites dispositions ; que, toutefois, s'il ressort en effet des déclarations de M. A...les 16 septembre 2013 et 22 octobre 2013 qu'entré en France en 2012, avec sa compagne, MmeB..., qui fait également l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, il a fait plusieurs allers et retours entre la France et la Roumanie et vit de mendicité, le préfet de l'Isère n'établit ni que les précédents séjours auraient eu une durée de moins de trois mois ni qu'il séjournait sur le territoire français dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale ; que, par suite, il n'est pas établi que le séjour de M. A...était constitutif d'un abus de droit au sens des dispositions du 2° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du Tribunal administratif de Lyon a procédé, à la demande du préfet de l'Isère, à la substitution de base légale susmentionnée ;

5. Considérant qu'alors qu'il ressort des déclarations de M.A..., notamment lors d'une audition par la gendarmerie le 22 octobre 2013, qu'il séjournait en France depuis moins de trois mois à la date de la décision attaquée, le préfet de l'Isère n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe, que l'intéressé séjournait alors en France depuis plus de trois mois ; que, par suite, le préfet de l'Isère ne pouvait pas légalement faire obligation à M. A...de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 6 août 2013 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il serait reconduit ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Costa, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros au profit de Me Costa, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1306574 du 24 octobre 2013, du Tribunal administratif de Lyon, est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 6 août 2013 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il sera reconduit.

Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Isère en date du 6 août 2013 est annulé.

Article 3 : En application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat versera la somme de mille euros à Me Costa, avocat de M.A..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2014, à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Bourion, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 juin 2014.

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N° 13LY03173

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY03173
Date de la décision : 03/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: Mme Isabelle BOURION
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : COSTA et MLADENOVA-MAURICE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-06-03;13ly03173 ?
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