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28/05/2014 | FRANCE | N°13LY02662

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 mai 2014, 13LY02662


Vu la décision n° 356053 du 4 octobre 2013, ainsi que les documents visés par celle-ci, enregistrée le 14 octobre 2013 sous le n° 13LY02662 par laquelle, sur la demande de M. C..., le Conseil d'Etat a :

- d'une part, annulé l'arrêt n° 11LY00481 du 22 novembre 2011 par lequel la Cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit au recours du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement a, en premier lieu, annulé le jugement n° 0902319 du 14 décembre 2010 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en deuxième lieu, déclaré que l'éta

ng situé sur sa parcelle section D n° 191 sur le territoire de la comm...

Vu la décision n° 356053 du 4 octobre 2013, ainsi que les documents visés par celle-ci, enregistrée le 14 octobre 2013 sous le n° 13LY02662 par laquelle, sur la demande de M. C..., le Conseil d'Etat a :

- d'une part, annulé l'arrêt n° 11LY00481 du 22 novembre 2011 par lequel la Cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit au recours du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement a, en premier lieu, annulé le jugement n° 0902319 du 14 décembre 2010 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en deuxième lieu, déclaré que l'étang situé sur sa parcelle section D n° 191 sur le territoire de la commune de Meillers n'était pas classé en eaux closes et, en troisième lieu, rejeté sa demande présentée devant ce Tribunal et dirigée contre la décision du préfet de l'Allier du 17 septembre 2009 ayant classé l'étang en eaux libres ;

- d'autre part, renvoyé devant la Cour de céans le jugement de cette affaire ;

Vu le recours, enregistré le 25 février 2011, présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

La ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902319 du 14 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, saisi d'un recours en interprétation, a classé en eaux closes l'étang situé sur la parcelle section D n° 191 sur le territoire de la commune de Meillers, appartenant à M. C... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le Tribunal ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal s'est fondé sur le critère tiré de la présence de poissons et non sur celui tiré de la circulation naturelle du poisson ;

- dès lors qu'il ressort d'une expertise réalisée par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) que le passage naturel du poisson est possible entre le plan d'eau et le cours d'eau, l'étang de M. C...ne peut recevoir la qualification d'eau close ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2011, présenté pour M. A... C... qui conclut :

- au rejet du recours ;

- à ce qu'il soit dit et jugé que l'étang situé sur la parcelle D 191 est classé en eaux closes ;

- à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que dès lors que son étang n'a pas été construit sur le ruisseau de Montcoulon qui, en outre, ne se trouve pas sur la parcelle D 190 située en amont, les services de l'ONEMA ne peuvent affirmer qu'il existe une possibilité de passage du frai du poisson en amont de l'étang avec le ruisseau de Moncoulon ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 octobre 2011, présenté par M. C...qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 25 novembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 13 décembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 novembre 2013, présenté pour M. C..., qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens, sauf à ce qu'une expertise soit ordonnée subsidiairement ;

Il soutient en outre que :

- son étang est fondé en titre et les dispositions de l'article L. 431-7 du code de l'environnement lui sont applicables dès lors que l'étang existait déjà en 1778 sous le nom de la pêcherie et qu'il certifie sur l'honneur qu'il a appartenu à sa famille ;

- la circulation du poisson à l'aval de l'étang n'est pas possible, comme l'a toujours reconnu l'administration, le déversoir équipé de grilles permanentes scellées dans des pierres de taille constituant un dispositif ancien et permanent empêchant toute communication ;

- il n'existe pas de passage naturel des poissons à l'amont de l'étang ;

Vu l'ordonnance du 3 décembre 2013 rouvrant l'instruction ;

Vu l'ordonnance du 15 janvier 2014 fixant la clôture d'instruction au 7 février 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 février 2014, présenté pour M. C..., qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 6 février 2014 reportant la clôture d'instruction au 5 mars 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2014 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Marion, avocat de M. C... ;

1. Considérant que M. C...est propriétaire d'un étang situé sur le territoire de la commune de Meillers (Allier), au lieudit le Frêne ; que, par un courrier en date du 17 septembre 2009, le préfet de l'Allier a qualifié, au regard des dispositions de l'article L. 431-4 du code de l'environnement, " d'eau libre " cet étang à la suite d'une visite des lieux effectuée par des agents de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) qui ont relevé que celui-ci est " construit sur un cours d'eau ", le ruisseau de Montcoulon ; que, M. C...a contesté le 14 octobre 2009 auprès du préfet de l'Allier cette qualification, en estimant que son étang revêt les caractéristiques d'une " eau close " ; que, par une lettre du 3 novembre 2009, le préfet a confirmé la qualification de ce plan d'eau en " eau libre " ; que M. C... a saisi le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à contester la qualification ainsi donnée par le préfet de l'Allier de son étang et à ce qu'il soit classé dans la catégorie des eaux closes ; que, par un jugement du 14 décembre 2010, le Tribunal, qui s'est estimé saisi d'un recours en interprétation, a déclaré que ledit étang doit être classé en eaux closes ; que le ministre a relevé appel de ce jugement, en se prévalant notamment d'un nouveau rapport établi par l'ONEMA le 31 janvier 2011 ; que la Cour, par un arrêt du 22 novembre 2011, a annulé le jugement du Tribunal et déclaré que cet étang n'est pas classé en eaux closes ; que, par la décision susvisée du 4 octobre 2013, le Conseil d'Etat a annulé ledit arrêt au motif d'une insuffisance de motivation et a renvoyé l'affaire à la Cour ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 431-4 du code de l'environnement : " Les fossés, canaux, étangs, réservoirs et autres plans d'eau dans lesquels le poisson ne peut passer naturellement sont soumis aux seules dispositions du chapitre II du présent titre. " ; qu'aux termes de l'article R. 431-7 du même code : " Constitue une eau close au sens de l'article L. 431-4 le fossé, canal, étang, réservoir ou autre plan d'eau dont la configuration, qu'elle résulte de la disposition des lieux ou d'un aménagement permanent de ceux-ci, fait obstacle au passage naturel du poisson, hors événement hydrologique exceptionnel. (...) " ; que le législateur a ainsi défini les eaux closes comme celles dans lesquelles les poissons ne peuvent passer naturellement ;

3. Considérant, en premier lieu, que le ministre conteste l'absence de passage naturel de poissons entre le plan d'eau et un affluent du ruisseau de Montcoulon situé en amont du plan d'eau, en se prévalant en particulier des conclusions en date du 31 janvier 2011 d'une expertise de l'ONEMA qu'il a fait réaliser postérieurement au jugement attaqué ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des constatations opérées par les agents de l'ONEMA le 31 janvier 2011 à partir de la parcelle voisine dès lors que l'intimé leur a refusé l'accès à sa parcelle, confirmées par la carte de l'IGN annexée au rapport de visite de l'ONEMA daté du 15 juillet 2009, qu'en amont de l'étang se trouvent deux cours d'eau qui ont été regardés, par l'administration, comme des affluents du ruisseau de Montcoulon, dont le plus important est situé en rive gauche du plan d'eau, l'autre étant " très enherbé " mais présentant un débit, tous deux étant répertoriés comme cours d'eau sur la base " Hydro " du ministère ; que les agents de l'ONEMA ont étudié les caractéristiques du seul cours d'eau situé côté rive gauche ; que le ministre, qui ne soutient pas que le cours d'eau enherbé permettrait le passage naturel de poissons vers le plan d'eau, lequel passage ne résulte pas en outre de l'instruction, se prévaut de ce rapport qui a conclu, concernant le cours d'eau du côté rive gauche de l'étang, que " les qualités morpho-dynamiques du cours d'eau (hauteur de la lame d'eau, débit et pente moyenne) permettent la circulation piscicole (poissons, grenouilles et crustacés) entre le cours d'eau et le plan d'eau à l'amont de celui-ci " ; qu'il estime en conséquence que cet étang ne constitue pas une eau close ;

5. Considérant que, M. C...fait état de ce qu'il s'agit de fossés agricoles et non de cours d'eau en se prévalant, outre d'attestations, d'un constat d'huissier réalisé le 1er octobre 2009, produit devant les premiers juges, constatant la présence au sud-est de l'étang, d'un petit fossé provenant des terres en amont se dirigeant vers l'étang, d'une absence de filet d'eau dans ce " fossé " le jour du constat avec seulement une présence de boue ferrugineuse et d'une humidité sur quelques mètres de longueur, de l'existence au sud-ouest d'un autre petit fossé de 30 à 40 centimètres de profondeur par endroits, avec au fond un léger filet d'eau de 2 à 3 centimètres sur une vingtaine de mètres de l'étang, mais sans qu'aucune arrivée d'eau se jetant dans l'étang soit constatée de ce côté du plan d'eau ; que ce procès-verbal ne remet cependant pas en cause l'existence de ces " circulations d'eau " en amont dès lors que, malgré l'étroitesse du passage de l'eau qui a conduit l'huissier comme l'intimé à les qualifier de fossé, il résulte des constatations opérées par les agents de l'ONEMA le 31 janvier 2011 que, concernant la " circulation d'eau " côté rive gauche, le débit existe, ayant été évalué ce jour-là en moyenne à 3 litres par seconde pour une profondeur moyenne de 9 centimètres et une pente moyenne de 4 %, et que les photographies les plus récentes communiquées par le ministre, qui ont été prises à partir de la parcelle voisine cadastrée section D, feuille 2, n° 190, permettent de constater sans ambiguïté l'existence, côté rive gauche, d'un cours d'eau qui communique avec le plan d'eau, même si l'huissier n'a pas relevé le jour de son constat de flux d'eau continu en amont de l'étang ;

6. Considérant toutefois, que si l'existence d'un réseau hydrologique et d'une communication entre un plan d'eau et un cours d'eau, même de faible débit, résulte ainsi de l'instruction, ni le procès-verbal établi par l'huissier, ni les constatations opérées par les agents de l'ONEMA, ni les photographies produites, n'ont relevé la présence de poissons dans ce cours d'eau et il ne résulte pas de l'instruction, notamment de ces éléments, que les caractéristiques de ce cours d'eau, qui n'a pas de flux d'eau continu, notamment sa largeur, sa profondeur, sa longueur et son débit, permettent la circulation naturelle des poissons ; que les circonstances que les dispositions relatives à la " Pêche en eau douce et gestion des ressources piscicoles " applicables aux poissons s'appliquent aux crustacés et aux grenouilles ainsi qu'à leur frai selon l'article L. 431-2 du code de l'environnement, que des grenouilles auraient été aperçues par les agents de l'ONEMA lors de l'enquête du 29 juin 2010, que ces agents ont constaté la présence d'une population importante de gammares (crustacés d'eau douce), ainsi que de larves de coléoptères et de trichoptères à fourreau et d'une végétation aquatique, sont sans incidence sur la définition d'une eau close posée par l'article L. 431-4 qui retient uniquement le passage naturel du poisson et ne permettent pas d'établir que la configuration des lieux permet le passage naturel des poissons ;

7. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la circulation du poisson de l'aval du cours d'eau vers le plan d'eau n'est pas possible eu égard à la configuration des lieux ; que la circonstance que, selon le dernier rapport de l'ONEMA, le frai des espèces piscicoles du plan d'eau puisse se déverser dans le cours d'eau situé en aval ne peut suffire à établir qu'il existe un passage naturel de poissons entre l'étang et ce cours d'eau ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déclaré que l'étang de M. C... situé sur la parcelle section D n° 191 sur le territoire de la commune de Meillers, doit être classé en eaux closes ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. C...d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : Le recours du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. C...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 30 avril 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

MM. Segado etB..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 28 mai 2014.

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N° 13LY02662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02662
Date de la décision : 28/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-01-02-005 Eaux. Régime juridique des eaux. Régimes juridiques autres que ceux des cours d`eau.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : TEILLOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-28;13ly02662 ?
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