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28/05/2014 | FRANCE | N°13LY02460

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 mai 2014, 13LY02460


Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2013, présentée pour M. A...B..., domicilié ...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300911 du 6 août 2013 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Côte d'Or du 19 mars 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel il sera reconduit ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'en

joindre au préfet de la Côte d'Or, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans u...

Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2013, présentée pour M. A...B..., domicilié ...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300911 du 6 août 2013 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Côte d'Or du 19 mars 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel il sera reconduit ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé ne comportant pas d'indication sur la possibilité pour lui de voyager sans risque vers son pays d'origine ; qu'il existe un motif légitime de penser qu'il ne peut voyager vers la Géorgie, les troubles psychologiques dont il souffre étant en lien avec des évènements traumatiques vécus dans ce pays ; que, alors qu'il est de nationalité géorgienne, le jugement mentionne à tort qu'il doit être renvoyé au Kosovo ; que les seuls éléments fournis au tribunal administratif par le préfet sont insuffisants pour établir qu'un traitement approprié de ses troubles psychologiques existe en Géorgie ; que c'est donc à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, texte que le préfet a visé dans la décision, et qu'il devait donc appliquer ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 novembre 2013, présenté pour le préfet de la Côte d'Or qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le médecin de l'agence régionale de santé ayant estimé que M. B...ne pouvait pas être soigné dans son pays d'origine, il ne lui appartenait, dès lors, pas de se prononcer sur la possibilité pour celui-ci de voyager sans risque vers ce pays ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas fondé ; que le visa erroné des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 est sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement litigieuse ;

Vu la décision du 19 septembre 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...;

En application de l'article R. 776-13 du code de justice administrative, le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2014 le rapport de M. Clot, président ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité géorgienne, est entré irrégulièrement en France en 2008 ; que l'asile lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 5 février 2009 et par la Cour nationale du droit d'asile le 28 juillet 2011 ; qu'il a sollicité le 12 novembre 2012, la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé ; que le 19 mars 2013, le préfet de la Côte d'Or lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé la Géorgie comme pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ; que M. B...fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;

3. Considérant que, si le préfet n'est pas lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments qui l'ont conduit à s'écarter de cet avis médical ;

4. Considérant que dans son avis du 7 décembre 2012, le médecin de l'agence régionale de santé de Bourgogne indique que l'état de santé de M. B...nécessite des soins médicaux dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité " au vu de l'absence de traitement approprié dans son pays d'origine " et que la durée prévisible de son traitement est d'un an ; que le préfet de la Côte d'Or, qui n'était pas lié par cet avis, s'en est écarté en se fondant sur un document d'information générale selon lequel il existe en Géorgie une organisation sanitaire, comportant notamment une liste de médecins, dont un psychiatre, et sur un document de l'ambassade de France en Géorgie relatif à la coopération scientifique et universitaire, notamment dans le domaine médical, en particulier en psychiatrie ; que, pour la première fois en appel, M. B...précise qu'il souffre de troubles psychologiques ; que le préfet ne fait état d'aucun élément justifiant que, compte tenu de cette indication, il s'écarte de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; que, dès lors, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., le préfet de la Côte d'Or a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour en litige et, par voie de conséquence, des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; que l'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) " ;

8. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'état de santé de M. B...justifie actuellement que lui soit délivré le titre de séjour prévu par 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet délivre à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et réexamine sa situation dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification de cet arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Dufay, Suissa, Corneloup et Werthe, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à ladite SCP de la somme de 1 500 euros qu'elle demande ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 30 avril 2013 et les décisions du préfet de la Côte d'Or du 19 mars 2013 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte d'Or de munir M. B...d'une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande de titre de séjour, dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Dufay, Suissa, Corneloup et Werthe la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Dijon.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2014.

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N° 13LY02460


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02460
Date de la décision : 28/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : DSC AVOCATS - SCP SUISSA - CORNELOUP - WERTHE-

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-28;13ly02460 ?
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