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22/05/2014 | FRANCE | N°13LY21254

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 22 mai 2014, 13LY21254


Vu l'ordonnance n° 372825 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué à la Cour administrative d'appel de Lyon le jugement de l'affaire n° 13MA01254 ;

Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2013 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour M. B...A..., domicilié ...;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103450 du 7 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tenda

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Vu l'ordonnance n° 372825 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué à la Cour administrative d'appel de Lyon le jugement de l'affaire n° 13MA01254 ;

Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2013 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour M. B...A..., domicilié ...;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103450 du 7 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet, motivée par le courrier du 15 septembre 2011, par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision implicite de rejet, motivée par le courrier du 15 septembre 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Le requérant soutient :

- que le courrier du 15 septembre 2011 a été signé par une autorité dont il n'est pas établi qu'elle ait obtenu régulièrement une délégation de signature ;

- que la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, à défaut de saisine préalable de la commission du titre de séjour ;

- qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, au regard des stipulations de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien eu égard à sa résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans et à l'exercice de son activité professionnelle en qualité de " travailleur saisonnier " ;

- qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à la durée de sa présence en France, au fait qu'il dispose d'une promesse d'embauche, aux circonstances s'opposant à ce que sa compagne sollicite une mesure de regroupement familial et à la présence en France d'importants liens personnels et familiaux ;

Vu l'arrêté et le jugement attaqués ;

Vu la décision du 9 avril 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Marseille (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...A...;

Vu l'ordonnance en date du 16 décembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 10 janvier 2014 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2014, présenté par le préfet de Vaucluse, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet fait valoir :

- que le courrier du 15 septembre 2011 a été signé par une personne ayant reçu une délégation de signature régulièrement publiée ;

- que la décision n'est pas entachée d'un vice de procédure à défaut pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour, dès lors que le requérant n'entrait pas dans une catégorie bénéficiaire de plein droit d'un titre de séjour ;

- que la décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle dès lors qu'au regard du fondement sur lequel ont été délivrés les titres de séjour (travailleur saisonnier), sa présence en France ne peut être regardée comme habituelle depuis plus de dix ans ; que la circonstance qu'il dispose d'une promesse d'embauche ne suffit pas à caractériser l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- qu'elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la circonstance que ladite mesure n'emporte pas éloignement et qu'il n'établit pas être dépourvu de tout lien dans son pays d'origine ;

- qu'en outre, le requérant ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il entre dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial ;

Vu l'ordonnance du 7 janvier 2014 portant réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application des articles L. 732-1 et R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2014, le rapport de Mme Bourion, premier conseiller ;

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant tunisien né en 1967, a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de " travailleur saisonnier " valable du 1er avril 2009 au 31 mars 2012 ; que, par demande du 8 mars 2011, il a sollicité un changement de statut sur le fondement des articles L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 7 ter d) de l'accord franco-tunisien ; que M. A...relève appel du jugement du 7 février 2013, par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", ainsi que de la réponse en date du 15 septembre 2011 par laquelle ledit préfet a communiqué les motifs de la décision implicite de rejet précitée ;

2. Considérant, en premier lieu, que la lettre du 15 septembre 2011 a été signée par Mme Clavel, secrétaire générale de la préfecture de Vaucluse, qui a reçu délégation, par arrêté du préfet de Vaucluse du 22 août 2011, publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du mois d'août 2011, à l'effet de signer tous arrêtés, requêtes et mémoires présentés dans le cadre de recours contentieux, décisions, circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de Vaucluse, sous réserve de certaines exceptions dont ne relève pas l'application de la réglementation relative au séjour et à l'éloignement des étrangers ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme Clavel doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : Les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans (...) " ;

4. Considérant que, pour justifier de sa résidence habituelle et continue en France depuis plus de dix ans, M.A..., qui a déclaré être entré en France en 1996, produit, d'une part, des certificats de travail en qualité de " saisonnier ", assortis des bulletins de paye afférents, portant sur les années 1996 à 2003, 2005, 2008 et 2009 et, d'autre part, de nombreuses pièces diverses et attestations de proches ; que, toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que, durant les années en cause, il n'a travaillé en moyenne en France qu'un mois par an en qualité d'ouvrier agricole ou manutentionnaire et, d'autre part, les diverses pièces jointes, dont certaines le sont pour la première fois devant la Cour, ne présentent pas une valeur probante suffisante et ne permettent pas d'établir, de manière certaine, la réalité d'un séjour habituel en France depuis plus de dix ans, à la date de la décision attaquée ; qu'ainsi, M.A..., qui ne justifie pas de l'ancienneté de son séjour sur le territoire français, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Vaucluse aurait méconnu les stipulations précitées du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A...n'établit pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée ; qu'en outre, s'il fait valoir que sa vie privée et familiale se trouve en France et s'il indique être le père de quatre enfants qu'il a reconnus, dont le premier est né en 2005 et des triplés en 2009, qui vivent en France avec leur mère, ressortissante marocaine titulaire d'une carte de résident, il n'établit pas vivre avec celle-ci, alors que les diverses pièces produites pour justifier de sa présence en France indiquent des adresses le concernant qui changent plusieurs fois au cours d'une même année et dont il n'est pas établi qu'elles correspondraient à l'adresse du couple ; que, dans ces conditions, et alors même que M. A...présente une promesse d'embauche en qualité de saisonnier pour l'année 2011, le refus de titre de séjour attaqué n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ni les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314­11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) " ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions d'obtention du titre de séjour sollicité auxquels il envisage de refuser ce titre de séjour et non de celui de l'intégralité des étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que M. A...fait valoir que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie au titre de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, comme cela a été dit précédemment, M. A...ne remplit pas les conditions requises pour pouvoir bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de cet article ; que, dès lors, le préfet n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de lui refuser le titre de séjour sollicité ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet, motivée par le courrier du 15 septembre 2011, par laquelle le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2014, à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Bourion, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 mai 2014.

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N° 13LY21254

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY21254
Date de la décision : 22/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: Mme Isabelle BOURION
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : BREUILLOT et VARO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-22;13ly21254 ?
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