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22/05/2014 | FRANCE | N°13LY01843

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 22 mai 2014, 13LY01843


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2013 présentée pour M. B...D..., demeurant ... et pour M. A...C..., demeurant ... ;

M. D...et M. C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200960 du 30 avril 2013 du Tribunal administratif de Dijon qui a rejeté leur requête ;

2°) à titre principal de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 300 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de l'arrêté en date du 18 septembre 2006, par lequel le préfet de l'Yonne a déclaré d'utilité publique l'acquisition du terrain c

adastré BY 146 dont ils étaient propriétaires, et de l'illégalité de l'arrêté du 4 janv...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2013 présentée pour M. B...D..., demeurant ... et pour M. A...C..., demeurant ... ;

M. D...et M. C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200960 du 30 avril 2013 du Tribunal administratif de Dijon qui a rejeté leur requête ;

2°) à titre principal de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 300 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de l'arrêté en date du 18 septembre 2006, par lequel le préfet de l'Yonne a déclaré d'utilité publique l'acquisition du terrain cadastré BY 146 dont ils étaient propriétaires, et de l'illégalité de l'arrêté du 4 janvier 2007, par lequel le préfet de l'Yonne a déclaré la parcelle cessible au profit de la commune de Sens ;

3°) à titre subsidiaire de condamner l'Etat à leur verser la somme de 150 000 euros correspondant au montant des loyers non perçus du fait de l'illégalité de l'arrêté en date du 18 septembre 2006, par lequel le préfet de l'Yonne a déclaré d'utilité publique l'acquisition du terrain cadastré BY 146 dont ils étaient propriétaires, et de l'illégalité de l'arrêté du 4 janvier 2007, par lequel le préfet de l'Yonne a déclaré la parcelle cessible au profit de la commune de Sens ;

M. D...et M. C...soutiennent que :

- ils ont subi un préjudice, en ce qu'ils ont été privés de la possibilité effective de disposer librement de leur terrain, en ce que la procédure d'expropriation a fait obstacle à l'exécution du bail conclu avec leurs enfants portant sur ledit terrain et leur a interdit de poursuivre les aménagements nécessaires pour céder ou exploiter ce dernier ;

- ce préjudice, qui est la conséquence directe et certaine de l'illégalité de la déclaration d'utilité publique et de l'arrêté de cessibilité, consiste en un manque à gagner de 270 000 euros, et un préjudice moral de 30 000 euros, la procédure ayant été vécue par eux comme injuste et les ayant sensiblement affectés, notamment dans leur santé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 septembre 2013, présenté par la commune de Sens, qui conclut au rejet de la requête ;

La commune fait valoir que :

- les requérants n'ont subi aucun préjudice dès lors qu'après avoir conclu avec leurs propres enfants un bail qui doit être regardé comme un artifice juridique destiné probablement à justifier une demande postérieure d'indemnisation, ils ont délibérément ouvert leur parcelle au stationnement public gratuit ; que l'inexécution du bail n'est donc aucunement imputable à l'opération d'expropriation litigieuse ; qu'ils ne font d'ailleurs état d'aucune recette provenant de l'exploitation du parking ;

- les requérants ont déjà amplement été indemnisés de leur prétendu préjudice par l'obtention de l'indemnité qui a été fixée par le juge de l'expropriation le 25 février 2011 postérieurement à l'annulation de la déclaration d'utilité publique par le Tribunal administratif de Dijon le 28 décembre 2010 ;

- les appelants ne sauraient sérieusement soutenir que leur état de santé les a dissuadé de demander la restitution de la parcelle après annulation de la déclaration d'utilité publique alors qu'ils avaient envisagé d'en confier l'exploitation à des tiers ou à leurs enfants ;

Vu l'ordonnance en date du 16 octobre 2013 fixant la clôture d'instruction au 4 novembre 2013, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au ministre de l'intérieur qui n'a pas produit d'observations ;

Vu, enregistré le 31 octobre 2013, le mémoire en réplique présenté pour M. D...et M.C..., qui concluent aux mêmes fins que la requête par la reprise des mêmes moyens ;

Ils soutiennent en outre que contrairement à ce qu'indique la commune, leur état de santé ne leur a pas permis d'exploiter en tant que parking, comme ils entendaient le faire, leur terrain ;

Vu l'ordonnance en date du 4 novembre 2013 rouvrant l'instruction jusqu'au 2 décembre 2013, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2014 :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- et les observations de MeF..., représentant M. D...et M.C... ;

1. Considérant que M. B...D...et M. A...C...demandent l'annulation du jugement du 30 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme totale de 300 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de l'arrêté en date du 18 septembre 2006 par lequel le préfet de l'Yonne a déclaré d'utilité publique l'acquisition du terrain cadastré BY 146 dont ils étaient propriétaires et de l'illégalité de l'arrêté du 4 juin 2007 par lequel le préfet de l'Yonne a déclaré la parcelle cessible au profit de la commune de Sens ;

2. Considérant qu'à l'issue d'une procédure d'expropriation qui n'a pas abouti, le propriétaire du bien en cause peut, si la décision d'expropriation est entachée d'illégalité, obtenir réparation du préjudice que lui a causé de façon directe et certaine cette illégalité ; que le propriétaire subit un préjudice qui résulte, lorsque la cession du bien ou l'exploitation de celui-ci était suffisamment probable, de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de disposer de ce bien tant pour le vendre que pour l'exploiter, dès lors que cette impossibilité a été la conséquence de l'engagement de cette procédure; qu'en revanche, lorsque la promesse de cession du bien n'est pas établie ou que l'exploitation attendue dudit bien ne peut être démontrée, le propriétaire n'est pas fondé à prétendre qu'il a été privé des bénéfices qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette cession ou de cette exploitation et que ce préjudice est la conséquence directe du vice dont a été entachée la décision d'expropriation ;

3. Considérant que, par un arrêté en date du 18 septembre 2006, le préfet de l'Yonne a déclaré d'utilité publique l'acquisition du terrain cadastré BY 146 dont M. D...et M. C...étaient propriétaires, en vue d'y aménager une aire de stationnement ; que, le 4 juin 2007, le préfet de l'Yonne a déclaré la parcelle cessible au profit de la commune de Sens ; que, par un jugement du 28 décembre 2010, n° 0602654 et n° 0700490, devenu définitif, le Tribunal administratif de Dijon a annulé ces deux décisions au motif que dès lors que M. D...et M. C... exploitaient déjà le terrain en parking depuis janvier 2006, l'opération d'expropriation projetée en vue de créer un parking public ne présentait pas une utilité publique justifiant l'expropriation du terrain ; que M. D...et M. C...estiment qu'ils ont été privés de la possibilité de disposer pleinement de leur terrain entre le 18 septembre 2006 et le 28 décembre 2010 et qu'ils ont de ce fait subi un préjudice qu'ils évaluent à la somme de 300 000 euros, soit 270 000 euros au titre du manque à gagner, et 30 000 euros au titre du préjudice moral ;

4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes mêmes du jugement précité du 28 décembre 2010, que M. D...et M. C...ont conclu le 20 février 2006, soit antérieurement à la procédure d'expropriation, un contrat de bail à titre onéreux avec leurs enfants pour une durée de huit ans, acte qui mentionne, pour ce qui concerne la destination exclusive du bien, une aire de stationnement publique ou privée de véhicules ; que si M. D...et M. C...soutiennent que du fait de la déclaration d'utilité publique prononcée le 18 septembre 2006 ledit contrat de bail serait devenu caduc, ils n'en justifient pas ; qu'ils ne justifient pas davantage qu'ils n'auraient pu pleinement exploiter leur bien du fait de la procédure d'expropriation, alors que la conclusion du bail les liant à leurs enfants constituait une forme d'exploitation d'un bien, quand bien même ce bail n'avait-il pas été suivi par une exploitation effective par les preneurs dudit terrain en parc de stationnement de véhicules ; que les requérants n'établissent pas, ni même n'allèguent, qu'ils auraient conclu ce bail à des conditions financières qui auraient été inférieures à ce qu'ils auraient pu obtenir sans l'intervention de la procédure d'expropriation, initiée en tout état de cause postérieurement à la conclusion du bail ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; que la circonstance que le juge de l'expropriation aurait fixé l'indemnité de dépossession de ladite parcelle sur la base du prix d'un terrain estimé libre de toute occupation, demeure sans incidence sur l'appréciation qui peut être faite par le juge administratif, saisi d'une demande d'indemnisation du préjudice résultant de l'intervention d'une décision fautive, de la réalité du préjudice allégué ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le terrain était déjà exploité à usage de parking avant la procédure d'expropriation ; que les requérants ne démontrent pas davantage que l'absence d'exploitation dudit terrain aurait été la conséquence de l'engagement de la procédure ayant conduit à la déclaration d'utilité publique de la parcelle en cause alors que la poursuite de l'exploitation du parking à titre privé ne nécessitait que des aménagements qui, comme ils le font eux-mêmes valoir, se limitait essentiellement à l'installation d'une guérite ; qu'il est constant que le terrain a conservé les aménagements et équipements réalisés par la commune de Sens lorsque celle-ci l'a remis à la disposition de ses propriétaires qui pouvaient dès lors l'exploiter comme ils l'avaient initialement envisagé ; que si MM. D...et C...font valoir que seules des raisons de santé ont fait obstacle à ce qu'ils exploitent le terrain, ils ne font état d'aucune action engagée par leurs enfants en leur qualité de bénéficiaires du bail pour entreprendre une exploitation onéreuse de celui-ci ; qu'il s'ensuit que M. D...et M. C..., qui ne justifient de l'existence d'une quelconque perte de loyer, ne sont pas fondés à soutenir qu'ils auraient souffert d'un préjudice résultant d'un manque à gagner de l'exploitation de leur bien ;

6. Considérant d'autre part que M. D...et M. C...ne justifient d'aucun préjudice moral du fait de la procédure d'expropriation dont a fait l'objet leur bien ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...et M. C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 30 avril 2013, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à les indemniser du préjudice matériel et moral découlant du fait qu'ils auraient été privés de la possibilité de disposer pleinement de leur terrain à usage de parc de stationnement de véhicules entre le 18 septembre 2006 et le 28 décembre 2010 ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...D...et de M. A...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., à M. A...C..., au ministre de l'intérieur et à la ville de Sens. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2014 à laquelle siégeaient :

M. Wyss, président de chambre,

MM. E...et Mesmin d'Estienne présidents-assesseurs,

Lu en audience publique, le 22 mai 2014.

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