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22/05/2014 | FRANCE | N°12LY20829

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 22 mai 2014, 12LY20829


Vu l'ordonnance n° 373441 du 4 décembre 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué à la Cour administrative d'appel de Lyon le jugement de l'affaire n° 12MA00829 ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative de Marseille le 28 février 2012, présentée pour M. A... B..., domicilié... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1002049-1103357 du 22 décembre 2011 du Tribunal administratif de Nîmes, en tant q

u'il a rejeté sa demande n° 1103357 tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2011/23...

Vu l'ordonnance n° 373441 du 4 décembre 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué à la Cour administrative d'appel de Lyon le jugement de l'affaire n° 12MA00829 ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative de Marseille le 28 février 2012, présentée pour M. A... B..., domicilié... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1002049-1103357 du 22 décembre 2011 du Tribunal administratif de Nîmes, en tant qu'il a rejeté sa demande n° 1103357 tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2011/238 du 17 octobre 2011 du préfet du Gard refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant comme pays de reconduite d'office le pays dont il a la nationalité ou tout pays pour lequel il établit être légalement admissible ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ; que le préfet s'est mépris sur l'objet de sa demande en refusant de lui délivrer un premier titre de séjour alors qu'il était saisi d'une demande de renouvellement ; que le préfet, qui n'a pas statué dans un délai raisonnable, ne pouvait ni lui opposer les critères mentionnés à l'article R. 5221-20 du code du travail, ni lui reprocher de ne pas avoir respecté les termes de son autorisation de travail, alors qu'à la date de sa demande il n'avait pas changé d'emploi, que son titre de séjour aurait donc dû être renouvelé dès septembre 2009 et qu'en application de l'article R. 5221-35 du même code les conditions relatives à la nature de l'emploi occupé n'auraient pas pu lui être opposées l'année suivante lors de sa deuxième demande de renouvellement ; qu'eu égard aux considérations humanitaires et aux motifs exceptionnels qu'il faisait valoir, le refus de renouvellement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- que l'obligation de quitter le territoire français est illégale dans la mesure où il remplissait les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les mémoires, enregistrés les 4 et 5 février 2014, présentés pour M.B..., qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

M. B...soutient, en outre, que le refus de titre de séjour est illégal du fait de l'illégalité, d'une part, du refus implicite, né le 15 octobre 2009 du silence gardé par le préfet sur sa demande, et, d'autre part, des refus de renouvellement subséquents ; qu'en effet, une nouvelle carte de séjour temporaire portant la mention " salarié - ouvrier agricole " aurait dû lui être délivrée le 15 juin 2009 puis, à nouveau, le 15 juin 2010 ; que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain relatives à la délivrance, après trois ans de séjour continu, d'un titre de séjour de dix ans ; que le refus qui lui a été opposé est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ; qu'il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, il peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet a examiné d'office sa situation au regard des dispositions de cet article, sur le fondement duquel un ressortissant marocain peut être admis exceptionnellement au séjour au titre de sa vie privée et familiale ;

Vu l'ordonnance en date du 27 janvier 2014 fixant la clôture d'instruction au 12 février 2014 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 février 2014, présenté par le préfet du Gard, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet du Gard sollicite une substitution de base légale, afin que le refus de titre de séjour soit fondé non plus sur l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais sur l'article 3 de l'accord franco-marocain ;

Il fait valoir, en outre, que l'arrêté contesté est suffisamment motivé ; que la demande de titre de séjour a bien été traitée comme une demande de renouvellement ; que la légalité d'une décision de refus de titre de séjour s'apprécie à la date où l'autorité administrative statue ; que M.B..., qui a été embauché en juillet 2010 en qualité de manutentionnaire par une entreprise de commerce de gros en fruits et légumes, n'a pas respecté les termes de son autorisation de travail qui portait la mention " ouvrier agricole " ; que les services de la préfecture n'étaient pas tenus de statuer dans un délai déterminé, mais seulement de délivrer à l'intéressé un document provisoire de séjour durant l'instruction de la demande ; que le requérant ne peut utilement invoquer l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il n'a pas sollicité de titre de séjour sur un tel fondement et qu'il est, en outre, de nationalité marocaine ; que l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;

Vu l'ordonnance en date du 13 février 2014 reportant la clôture d'instruction du 12 février 2014 au 28 février 2014 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 février 2014, présenté par le préfet du Gard, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Le préfet du Gard soutient, en outre, que M. B...ne peut utilement exciper à l'encontre d'une décision explicite de rejet de l'illégalité d'une précédente décision implicite de rejet ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, signé à Rabat le 9 octobre 1987 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2014 :

- le rapport de M. Meillier, conseiller ;

- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A...B..., ressortissant marocain né en 1966, est entré en France pour la dernière fois le 1er juin 2008 ; qu'il a bénéficié du 1er juin 2008 au 31 mai 2009 d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié - ouvrier agricole " ; que, postérieurement à l'expiration de son titre de séjour, il en a sollicité le renouvellement ; qu'il a également déposé, le 16 septembre 2009, une demande d'autorisation de regroupement familial au profit de son épouse et de ses cinq enfants ; que, par décision du 12 mars 2010, le préfet du Gard a refusé de lui accorder une telle autorisation ; que, par arrêté du 17 octobre 2011, le même préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné comme pays de reconduite d'office le pays dont il a la nationalité ou tout pays pour lequel il établit être légalement admissible ; que, par jugement unique du 22 décembre 2011, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté les demandes de M. B...tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 15 mars 2010 et, d'autre part, de l'arrêté du 17 octobre 2011 ; que M. B... relève appel, dans cette dernière mesure, de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) - refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéa de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 11 juillet 1978 (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

3. Considérant que, pour rejeter la demande de M. B... tendant au renouvellement de son titre de séjour portant la mention " salarié - ouvrier agricole ", le préfet du Gard s'est borné à viser les articles L. 5221-2 et suivants ainsi que R. 5221-2 et suivants du code du travail, à citer l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à indiquer que l'intéressé avait fourni à l'appui de sa demande un contrat de travail pour un emploi de manutentionnaire et à faire état de l'avis défavorable émis le 26 avril 2011 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que cet avis, adressé au seul préfet et dont le texte n'est pas reproduit dans l'arrêté attaqué, aurait été joint à cet arrêté au moment de sa notification ou communiqué antérieurement à M. B... ; que, dès lors, le préfet du Gard, qui par ailleurs ne s'est pas approprié la teneur dudit avis alors qu'il n'était pas lié par ce dernier, n'a pas suffisamment motivé son refus de délivrer un titre de séjour à l'intéressé et a ainsi méconnu les dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, l'arrêté attaqué, en tant qu'il porte refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination, est entaché d'illégalité ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas " ;

6. Considérant que si le présent arrêt annule l'arrêté attaqué, il n'implique pas nécessairement, eu égard à son motif d'annulation, la délivrance d'un titre de séjour à M. B... mais seulement le réexamen de sa demande ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Gard de procéder à ce réexamen dans un délai fixé, dans les circonstances de l'espèce, à deux mois, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ; qu'en revanche, le surplus des conclusions à fin d'injonction doit être rejeté ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. B... d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté n° 2011/238 du 17 octobre 2011 du préfet du Gard refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant comme pays de reconduite d'office le pays dont il a la nationalité ou tout pays pour lequel il établit être légalement admissible, ainsi que le jugement nos 1002049-1103357 du 22 décembre 2011 du Tribunal administratif de Nîmes, en tant qu'il statue sur la demande n° 1103357 de M.B..., sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Gard de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au préfet du Gard et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2014 à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président assesseur,

M. Meillier, conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mai 2014.

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N° 12LY20829


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY20829
Date de la décision : 22/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-22;12ly20829 ?
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