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15/05/2014 | FRANCE | N°13LY20396

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 15 mai 2014, 13LY20396


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 29 janvier 2013, présentée pour M. A...C..., domicilié... ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1101015-1101063 du 29 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant :

- d'une part, à ce que la commune de Caveirac soit condamnée à lui verser une indemnité totale de 45 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'installation contre le mur d'enceinte de sa propriété de conteneurs de tri sélect

if verres et papiers ;

- d'autre part, à l'annulation de la décision implicite, née...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 29 janvier 2013, présentée pour M. A...C..., domicilié... ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1101015-1101063 du 29 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant :

- d'une part, à ce que la commune de Caveirac soit condamnée à lui verser une indemnité totale de 45 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'installation contre le mur d'enceinte de sa propriété de conteneurs de tri sélectif verres et papiers ;

- d'autre part, à l'annulation de la décision implicite, née du silence gardé par le maire de Caveirac, de rejet de sa demande du 1er décembre 2010 tendant à la mise en oeuvre des pouvoirs de police du maire pour remédier à une situation dangereuse et pour mettre fin aux nuisances sonores liées à la présence des conteneurs ;

2°) de prononcer la condamnation demandée et d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au maire de Caveirac de prendre toute mesure nécessaire pour remédier à une situation dangereuse et mettre un terme aux nuisances sonores liées à la présence de conteneurs sur l'emprise de la voie publique ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Caveirac la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il est fondé, en sa qualité de tiers par rapport aux conteneurs de tri sélectif, qui ont la qualité d'ouvrage public, à se prévaloir d'un régime de responsabilité sans faute de la commune de Caveirac, à raison des préjudices subis du fait de l'installation de ces conteneurs, qui sont à l'origine de troubles de voisinage qui excèdent le seuil des sujétions normales que doivent supporter les administrés ;

- il subit un préjudice lié aux nuisances sonores provoquées par la présence du conteneur destiné à recevoir le verre, en raison du bruit occasionné à toute heure du jour ou de la nuit par le dépôt de verre, dans un conteneur non insonorisé, et par les bruits accessoires liés à l'utilisation de véhicules à moteur, et sans qu'il soit besoin de mesures acoustiques particulières, au regard des dispositions de l'article 1er du décret du 18 avril 1995 ;

- il subit également un préjudice esthétique, lié à la présence au droit du mur de sa propriété de conteneurs à l'aspect disgracieux, ainsi qu'un préjudice d'agrément, en raison de la diminution de l'intimité dans son jardin et sa maison d'habitation et des difficultés de circulation liées à la présence du véhicule de collecte des ordures ménagères ;

- il est également fondé à demander l'indemnisation du préjudice économique correspondant à une diminution de la valeur vénale de sa propriété ;

- il appartenait au maire de Caveirac de prendre des mesures de police pour mettre fin à une situation dangereuse pour la sécurité publique résultant de la présence des conteneurs sur la chaussée, à une intersection très fréquentée et sans visibilité, et de la diminution de la largeur utile de la chaussée, pouvant conduire à rendre impossible le croisement de deux véhicules ;

- il appartenait également au maire de prendre des mesures de police pour faire cesser les nuisances sonores résultant de la présence et du fonctionnement des conteneurs, qui porte gravement atteinte à la tranquillité des riverains ;

- la carence du maire constitue une méconnaissance des dispositions des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;

- la décision en litige est entachée d'un détournement de pouvoir, dès lors que le déplacement des conteneurs n'a pas été opéré dans l'intention d'améliorer la sécurité de la circulation et de réduire les nuisances sonores mais dans un but personnel, en vue de permettre l'augmentation du nombre de places de stationnement sur la place Sully Chazot près de laquelle la belle-mère de l'adjoint au maire chargé de la voirie est propriétaire de logements locatifs ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 mai 2013, présenté pour la commune de Caveirac, représentée par son maire en exercice, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les préjudices prétendument subis par M. C... ne sont pas établis et les conditions d'engagement de la responsabilité de la commune au titre de la présence ou du fonctionnement d'un ouvrage public, tenant aux critères de spécialité et d'anormalité des dommages, ne sont pas réunies ;

- la seule identification d'un bruit n'est pas suffisante à caractériser l'atteinte à la tranquillité publique et à définir une nuisance sonore, au regard des dispositions des articles R. 1334-31 et R. 1334-33 du code de la santé publique, qui définissent les valeurs limites d'émergence sonore, alors que M. C... se borne à procéder par affirmation, sans mesure précise de l'intensité des bruits ni production de pièce de nature à démontrer une fréquence anormale d'utilisation du conteneur de verre à des heures matinales ou tardives ;

- le requérant ne peut utilement se prévaloir d'un préjudice esthétique, propre aux dommages physiques subis par des individus, s'agissant de l'immeuble dont il est propriétaire, et il n'établit pas l'aspect disgracieux des conteneurs, dont la présence ne constitue pas une gêne esthétique excédant les inconvénients normaux qu'impose le voisinage d'ouvrages de cette catégorie ;

- le préjudice d'agrément, lié à la diminution de l'intimité, n'est pas établi eu égard à la configuration des lieux, et le préjudice subi du fait du blocage temporaire des voies par le véhicule de ramassage des conteneurs n'excède pas les inconvénients normaux du voisinage ;

- le préjudice économique lié à une perte de la valeur vénale du bien appartenant à M. C... présente un caractère purement éventuel, en l'absence de projet de vente du bien ;

- eu égard à l'amélioration de l'accessibilité aux conteneurs des camions de collecte résultant du déplacement de ces conteneurs, et à l'absence de bruit excédant les inconvénients normaux du voisinage, le maire n'était pas tenu de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police ;

- le moyen tiré d'un détournement de pouvoir manque en fait, eu égard à l'amélioration de l'accès des camions de ramassage des déchets ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 septembre 2013, présenté pour M.C..., qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance n° 373441 du 4 décembre 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête à la Cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 avril 2014, présenté pour la commune de Caveirac, représentée par son maire en exercice, qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs ;

Vu la note en délibéré produite pour M.C..., enregistrée le 24 avril 2014 ;

Vu la note en délibéré produite pour la commune de Caveirac, enregistrée le 25 avril 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 2014 :

- le rapport de M. Seillet, président ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Tardivel, avocat de M.C..., et de Me Latapie, avocat de la commune de Caveirac ;

1. Considérant que M. C..., habitant de la commune de Caveirac, où il est propriétaire d'un immeuble constituant son habitation, et à proximité duquel ont été installés, au cours de l'année 2010, sur un emplacement constitué de semelles de béton prenant appui sur le mur de sa propriété, deux conteneurs de tri sélectif, destinés respectivement à la collecte du verre et du papier, a adressé au maire de la commune, les 12 mai et 3 juin 2010, des lettres faisant état du caractère dangereux de l'emplacement choisi, à l'intersection sans visibilité de plusieurs rues, fréquemment utilisées par les élèves de l'école et leurs parents, ainsi que de l'aspect inesthétique de l'ouvrage dont il contestait le déplacement, alors que les conteneurs étaient auparavant situés sur une place de la commune ; qu'en l'absence de réponse à ces lettres, comme à celle également adressée au maire de la commune par son assureur, et après le rejet implicite d'une demande indemnitaire adressée par son conseil audit maire, le 1er décembre 2010, M. C... a saisi le Tribunal administratif de Nîmes de deux demandes tendant, respectivement, d'une part, à l'indemnisation des préjudices qu'il prétendait subir à raison des nuisances sonores, esthétiques et d'agrément, du fait de la présence et du fonctionnement des conteneurs de tri sélectif, ainsi que du préjudice économique en résultant et, d'autre part, à l'annulation de la décision implicite, résultant du silence gardé par le maire, de rejet d'une demande de mise en oeuvre de ses pouvoirs de police pour remédier à une situation dangereuse et mettre un terme aux nuisances sonores liées à la présence des conteneurs ; que M. C... fait appel du jugement du 29 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes ;

Sur la responsabilité de la commune de Caveirac :

2. Considérant qu'un dépôt aménagé par une commune pour les besoins du service de tri des ordures ménagères constitue un ouvrage public dont la présence est susceptible d'engager envers les tiers la responsabilité de la commune propriétaire, même en l'absence de faute ; qu'il appartient toutefois aux tiers d'apporter la preuve de la réalité des préjudices allégués et du lien entre la présence ou le fonctionnement de l'ouvrage et lesdits préjudices ; que ne sont pas susceptibles d'ouvrir droit à indemnité les préjudices qui n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains des ouvrages publics ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le site de tri sélectif, comportant deux conteneurs destinés à la collecte du verre et du papier, est implanté, ainsi qu'il a été dit au point 1, aux abords de la propriété de M. C..., contre le mur de clôture, d'une hauteur d'environ 2 mètres, de sa propriété, composée de sa maison d'habitation et d'un jardin ; que l'impact visuel et esthétique de cet ouvrage demeure limité depuis la rue, eu égard à l'emplacement de la propriété en cause dans le centre de la commune, qui comporte d'autres dépôts de tri sélectif de même nature, et au type de conteneurs utilisés ; que ce dépôt ne comporte aucun impact visuel pour M. C... lorsqu'il se trouve dans sa propriété, compte tenu de la présence du mur de clôture ; que si M. C... fait état du volume sonore important résultant de l'utilisation de la benne destinée au tri du verre, à tout moment de la journée ou de la nuit, par des usagers utilisant des véhicules à moteur, il ne résulte pas de l'instruction, nonobstant l'étude réalisée à la demande du requérant en juin 2013 par un conseil en acoustique, que les nuisances sonores atteindraient un niveau anormalement élevé, eu égard à la fréquence d'utilisation du conteneur, faisant l'objet d'un ramassage par quinzaine, ni qu'il ferait l'objet d'une utilisation à des horaires particulièrement matinaux ou nocturnes ; qu'il n'en résulte pas davantage que M. C... subirait une atteinte particulière à son intimité à raison de l'utilisation des conteneurs à proximité de son jardin, eu égard en particulier à la présence du mur de clôture ; qu'il n'en résulte pas non plus que l'emplacement choisi serait à l'origine de difficultés de circulation, lors de la présence du camion de ramassage ou en cas de croisement de deux véhicules, excédant les difficultés résultant, d'une manière générale, de l'enlèvement des déchets eu égard à l'étroitesse de certaines voies ; que les préjudices allégués par M. C..., qui ne démontre par aucun élément probant que la valeur de son bien immobilier aurait diminué depuis l'installation du dépôt de tri sélectif, ne peuvent, dans ces conditions, être regardés comme présentant un caractère anormal - c'est-à-dire grave et spécial - excédant les sujétions susceptibles d'être, sans indemnité, normalement imposées dans l'intérêt général aux riverains des ouvrages publics ;

Sur la légalité de la décision implicite du maire de Caveirac :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier produites par le requérant avant la date de clôture de l'instruction, et en particulier des lettres des 12 mai et 3 juin 2010 adressées par M. C... au maire de Caveirac, et de la réclamation préalable, à seule fin indemnitaire, adressée audit maire par le conseil du requérant le 1er décembre 2010, qu'aurait été sollicitée l'intervention du maire de ladite commune, au titre de ses pouvoirs de police, aux fins de faire cesser une atteinte à la tranquillité publique résultant de nuisances sonores à raison du fonctionnement du site de tri sélectif implanté à proximité de la propriété de M. C... ; que, dès lors, le requérant ne peut utilement critiquer la légalité d'une décision implicite de rejet d'une telle demande, alors au demeurant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que les nuisances sonores liées à la présence des conteneurs de tri sélectif atteindraient un niveau anormalement élevé ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, il n'est pas démontré que l'emplacement choisi pour l'implantation d'un site de dépôt sélectif serait à l'origine de difficultés de circulation, lors de la présence du camion de ramassage ou en cas de croisement de deux véhicules, excédant les difficultés résultant, d'une manière générale, de l'enlèvement des déchets eu égard à l'étroitesse de certaines voies et qui constitueraient une entrave à la sûreté et la commodité du passage dans les rues, au regard des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient M. C..., le maire de Caveirac n'a pas méconnu lesdites dispositions en ne faisant pas suite à sa demande tendant à l'utilisation de ses pouvoirs de police ;

6. Considérant, en dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué par M. C..., au motif allégué d'un intérêt personnel d'un élu au déplacement du site d'implantation du dépôt de tri sélectif, alors que la commune fait état, sans être contredite, des difficultés de circulation des véhicules de collecte liées à l'emplacement précédent, sur une place de la commune, n'est pas établi ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions de la commune de Caveirac tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés, à l'occasion de la présente instance, par la commune de Caveirac et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera la somme de 1 500 euros à la commune de Caveirac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et à la commune de Caveirac.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2014 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

MM. B...etD..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 15 mai 2014.

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N° 13LY20396


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY20396
Date de la décision : 15/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS BLANC - TARDIVEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-15;13ly20396 ?
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