La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2014 | FRANCE | N°13LY02548

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 15 mai 2014, 13LY02548


Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2013, présentée pour M. A...B...élisant domicile ...;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1304834 du 29 juillet 2013, par laquelle la présidente de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Lyon a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 15 mai 2012 fixant l'Italie comme pays de renvoi et d'autre part, retiré l'aide juridictionnelle qui lui avait été accordée ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de

800 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du c...

Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2013, présentée pour M. A...B...élisant domicile ...;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1304834 du 29 juillet 2013, par laquelle la présidente de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Lyon a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 15 mai 2012 fixant l'Italie comme pays de renvoi et d'autre part, retiré l'aide juridictionnelle qui lui avait été accordée ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour lui de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, la décision du 15 mai 2013 ne constitue pas une simple exécution de l'arrêté du 14 mai 2013 portant obligation de quitter le territoire dès lors qu'elle constitue une nouvelle décision fixant un nouveau pays de renvoi, abrogeant la précédente décision fixant comme pays de destination son pays d'origine ou tout autre pays dans lequel il aurait été légalement admissible et que son recours contre cette nouvelle décision est ainsi recevable ; il n'a eu connaissance de cette nouvelle décision fixant l'Italie comme pays de renvoi que le 19 mai 2013 et n'a pu la contester devant un juge avant son départ fixé pour le 20 mai ; ce nouveau pays de renvoi contredit la décision du 14 mai et la convention de réadmission entre l'Italie et la France qui stipule en son article 7 que les parties s'efforceront en priorité de reconduire les personnes intéressées vers leur pays d'origine ; la demande de réadmission faite le 15 mai 2013 auprès de la préfecture du Kosovo était dilatoire en ce qu'elle a été adressée à la MINUK alors que l'Etat du Kosovo est indépendant depuis le 17 février 2008 ; il appartenait au préfet de faire une demande exacte adressée aux autorités du Kosovo ou de le réadmettre en Autriche et la nouvelle décision n'a pu légalement exécuter la précédente décision fixant le pays de renvoi ;

- sa demande n'était pas abusive ou dilatoire, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, qui ne pouvait ainsi prononcer le retrait total du bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 14 janvier 2014 fixant la clôture d'instruction au 5 février 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 février 2014, présenté pour M. B..., qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- la décision fixant l'Italie est une décision révélée qui n'est pas écrite et n'est pas motivée ;

- si la décision devait être regardée comme n'ayant pas à être motivée, il appartient au préfet d'indiquer les motifs de la décision d'abrogation ou du retrait de la précédente décision de renvoi afin qu'il puisse les discuter ;

- la décision révélée est illégale en ce qu'elle abroge ou retire une décision créatrice de droits en dehors de toute base légale ;

- la décision initiale ne peut être regardée comme ayant fixé l'Italie comme pays de renvoi ;

- la décision en litige est entachée d'erreur de fait en ce qu'elle indique qu'il aurait été demandeur d'asile en Hongrie au lieu de l'Autriche ;

- la nouvelle décision ne peut être regardée comme prise en application des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que cette disposition n'est pas visée dans la décision initiale et que cette décision doit être écrite et motivé ;

Vu l'ordonnance en date du 6 février 2014 reportant la clôture d'instruction au 28 février 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la décision du 24 octobre 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a rejeté la demande d'aide juridictionnelle formée par M. B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2000-652 du 4 juillet 2000 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Chambéry le 3 octobre 1997 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique, et le décret n° 91-1266 du 19 décembre pris pour son application ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 2014 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que le 14 mai 2013, M.B..., ressortissant kosovar né le 30 mars 1991, a été interpellé en provenance de l'Italie par la police aux frontières ; que le jour même, à la suite de son audition par les services de police au cours de laquelle l'intéressé avait notamment précisé qu'il venait d'Italie et qu'il n'était pas d'accord pour retourner au Kosovo dès lors qu'il vivait en Autriche, le préfet de la Haute-Savoie, après avoir constaté son entrée irrégulière sur le territoire français, a pris à son encontre un arrêté lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français sur le fondement des dispositions du 1° du I de l'article L. 511 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des a et f du 3° du II de ce même article ; que, par ce même arrêté, et en application des dispositions du dernier alinéa dudit I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet a fixé le pays de renvoi ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que le 15 mai 2013 une demande de " réadmission " de l'intéressé a été présentée aux autorités italiennes en vertu de la convention conclue entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relative à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Chambéry le 3 octobre 1997 ; que, ce même 15 mai 2013 les autorités italiennes ont donné leur accord, la réadmission étant acceptée pour le 20 mai 2013 ; que l'intéressé a finalement été éloigné vers l'Italie ce 20 mai 2013 ; que M. B... demande l'annulation de l'ordonnance du 29 juillet 2013 par laquelle la présidente de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Lyon a, d'une part, rejeté comme étant irrecevable sa demande tendant à l'annulation d'une décision en date du 15 mai 2013 fixant l'Italie comme pays de renvoi et, d'autre part, retiré l'aide juridictionnelle qui lui avait été accordée ;

Sur la recevabilité de la demande dirigée contre une décision du 15 mai 2013 fixant le pays de destination :

2. Considérant que M. B...soutient que le préfet a illégalement pris ce 15 mai 2013 une nouvelle décision fixant un nouveau pays de renvoi, l'Italie, abrogeant ou retirant la précédente décision fixant le pays de destination contenue dans cet arrêté du 14 mai 2013, cette nouvelle décision étant révélée par la mise en oeuvre de la procédure de réadmission ;

3. Considérant qu'il résulte cependant des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, comme c'est le cas d'une mesure portant obligation de quitter le territoire, est éloigné à destination du pays dont il a nationalité, ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible ; que, conformément à ces dispositions, le préfet a, concernant le pays de renvoi, décidé que M. B...devait " être éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ", soit au Kosovo, " ou à destination de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible " ;

4. Considérant qu'il ne ressort pas des termes mêmes de cet arrêté du 14 mai 2013 qu'en mentionnant dans ledit arrêté que M. B...pouvait être éloigné " à destination de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible " le préfet n'ait entendu envisager l'éloignement de l'intéressé qu'à destination de l'Autriche, pays où l'intéressé déclarait vivre ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, et quand bien même il déclare qu'il pensait être renvoyé au Kosovo ou en Autriche, cette demande de " réadmission " ainsi que la réadmission de l'intéressé en Italie, pays où il était ainsi légalement admissible à la suite de l'accord de réadmission donné par les autorités italiennes le 15 mai en vertu de la convention de réadmission susvisée, prise en exécution de l'arrêté du 14 mai 2013 portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination, ne saurait révéler une nouvelle décision fixant le pays de destination abrogeant ou retirant celle fixée par l'arrêté du 14 mai 2013 ;

5. Considérant qu'en outre, en admettant même que le préfet envisageait de remettre l'intéressé aux autorités italiennes en vertu des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le requérant ne saurait soutenir que cette circonstance révèlerait l'existence d'une nouvelle décision fixant le pays de destination abrogeant ou retirant celle fixée par l'obligation de quitter le territoire, alors que le préfet peut mener indistinctement l'une ou l'autre de ces procédures ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Lyon a rejeté comme étant irrecevable en application des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation d'une décision du 15 mai 2013 fixant l'Italie comme pays de renvoi, regardée comme ayant abrogé ou annulé celle fixant le pays de destination contenue dans l'arrêté du 14 mai 2013 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sur le retrait de l'aide juridictionnelle prononcée par la présidente de la 6ème chambre du Tribunal :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Sans préjudice des sanctions pénales éventuellement encourues, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est retiré, même après l'instance ou l'accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, si ce bénéfice a été obtenu à la suite de déclarations ou au vu de pièces inexactes. Il est retiré, en tout ou partie, dans les cas suivants : (...) 3° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive. " ; qu'aux termes de l'article 51 de ladite loi : " Le retrait de l'aide juridictionnelle peut être demandé par tout intéressé. Il peut également intervenir d'office (...) Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l'aide juridictionnelle " ;

8. Considérant que la circonstance que la procédure a été engagée à l'encontre d'une décision dépourvue d'existence, le requérant ayant à tort estimé que la réadmission en Italie révélait une nouvelle décision fixant le pays de destination abrogeant ou retirant celle fixée par l'arrêté du 14 mai 2013, ne saurait suffire à caractériser, dans les circonstances de l'espèce l'engagement d'une procédure abusive, ou dilatoire, au sens des dispositions précitées du 3° de l'article 50 et de l'article 51 de la loi du 11 juillet 1991 ; que, dès lors M. B...est fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'ordonnance du 29 juillet 2013 prononçant le retrait de l'aide juridictionnelle qui lui avait été accordée dans le cadre de la procédure de première instance ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance de la présidente de la 6ème chambre du Tribunal administratif de Lyon du 29 juillet 2013 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., et au ministre de l'intérieur. Copie sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2014, à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

MM. Segado etC..., premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 15 mai 2014.

''

''

''

''

5

N° 13LY02548


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02548
Date de la décision : 15/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : DONCE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-15;13ly02548 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award