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15/05/2014 | FRANCE | N°12LY22256

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 15 mai 2014, 12LY22256


Vu l'ordonnance n° 372825 en date du 18 novembre 2013 par laquelle le président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Lyon le dossier de la requête, présentée pour la Sarl Tonin, dont le siège est route départementale 94 à Vinsobres (26110), représentée par son gérant en exercice, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 4 juin 2012 ;

La société Tonin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001

025 du Tribunal administratif de Nîmes du 29 mars 2012 qui a rejeté sa requêt...

Vu l'ordonnance n° 372825 en date du 18 novembre 2013 par laquelle le président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Lyon le dossier de la requête, présentée pour la Sarl Tonin, dont le siège est route départementale 94 à Vinsobres (26110), représentée par son gérant en exercice, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 4 juin 2012 ;

La société Tonin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001025 du Tribunal administratif de Nîmes du 29 mars 2012 qui a rejeté sa requête tendant à la condamnation in solidum de l'Etat, de la société GECC-AICC et du cabinet C...à lui payer une somme de 314 241,01 euros TTC en réparation des préjudices subis dans le cadre de la réalisation des travaux du lot n° 17 "Chauffage, ventilation, rafraichissement" du marché de restructuration de la Caserne Chabran à Avignon et de mettre à la charge solidaire de l'Etat, de la société GECC-AICC et du cabinet C...une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;

2°) de condamner in solidum l'Etat, la société GECC-AICC et le cabinet C...à lui payer une somme de 314 241,01 euros TTC en réparation des préjudices subis dans le cadre de la réalisation des travaux du lot n° 17 "Chauffage, ventilation, rafraichissement" du marché de restructuration de la Caserne Chabran à Avignon ;

3°) à défaut d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire confiée à un ingénieur thermicien ou qualifié dans le génie thermique et climatique avec pour mission d'examiner les plans d'exécution et études réalisés par la société Tonin aux lieu et place de la société GECC-AICC et d'évaluer les conséquences dommageables de cette substitution pour la société Tonin, tant au regard des prestations réalisées par elle-même qu'au regard des prestations sous-traitées et au regard de la nécessité pour elle de recourir à la sous-traitance pour d'autres marchés ;

4°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat, de la société GECC-AICC et du cabinet C...la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Tonin soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont opposé à la demande de la requérante la forclusion de sa demande tendant à l'indemnisation des surcoûts et préjudices financiers résultant des travaux d'études supplémentaires qu'elle estime avoir dû réaliser par suite de défaillances du maître d'oeuvre dans sa mission d'exécution, dès lors, d'une part, que les règles relatives au traitement des différents opposant l'entrepreneur et le maître d'oeuvre n'ont vocation à s'appliquer que dans le cadre contractuel et non aux actions que le titulaire d'un lot pourraient engager à l'égard du titulaire d'un autre lot ou du maître d'oeuvre avec lequel il n'a aucun lien contractuel ; dès lors, d'autre part, que le délai de forclusion ne peut être opposé à l'entrepreneur contestant qu'à la condition que la procédure de règlement du différend ait été préalablement respectée par le maître d'ouvrage, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce puisque que le décompte général n'a pas été notifié par ordre de service dans les conditions prévues à l'article 13.42 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- elle est fondée à rechercher la responsabilité du maître d'oeuvre devant le tribunal administratif sur le terrain quasi-délictuel, dès lors que la faute de ce dernier lui a causé un dommage dans l'exécution des prestations qui lui ont été confiées dans le cadre d'une opération de travaux publics ;

- le bureau d'études GECC-AICC a failli à sa mission de réalisation des plans d'exécution en se contentant de remettre aux entreprises les plans de l'appel d'offre renommés plans d'exécution, nécessitant une mise au point de l'ensemble de ces plans, mise au point réalisée par l'entreprise Tonin en accord avec l'architecte de l'opération, M.C..., pour éviter un retard de chantier important ; ce bureau d'études a également failli à sa mission de suivi du chantier s'agissant en particulier de la synthèse des lots fluides pour laquelle il ne s'est aucunement impliqué ; les carences de la société GECC-AICC ont été reconnues tant par l'architecte que par le conducteur d'opération et les entreprises concernées ;

- l'architecte de l'opération malgré son soutien tardif à l'entreprise, doit également être regardé comme responsable dès lors que, d'une part, il doit répondre des négligences de son cotraitant GECC-AICC ; dès lors que, d'autre part, il se devait de faire régulariser par le maître d'ouvrage les marchés des différents intervenants s'agissant de la réalisation des études d'exécution en cause ; dès lors, enfin, qu'il lui appartenait de prendre des mesures devant les carences de son cotraitant dès le stade des réunions préparatoires, ce qu'il n'a pas fait ;

- le maître d'ouvrage est responsable vis-à-vis de l'entrepreneur tant de ses propres fautes que de celles de son maître d'oeuvre ; sa responsabilité contractuelle sera mise en oeuvre du fait de ses fautes, tant dans le choix d'un bureau d'études insuffisamment dimensionné pour une opération complexe, qu'au vu de sa complète inertie face aux défaillances de ce dernier, ainsi qu'à raison des fautes de son maître d'oeuvre ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la requérante établit la réalité du préjudice qu'elle a subi qui sera évalué à 227 659,71 euros HT, soit 284 241,01 TTC, résultant de la nécessité de se substituer au bureau d'études fluides au détriment de sa propre activité et correspondant au montant reconnu par le cabinetC..., à hauteur de 153 932 euros HT, au titre des études effectuées par l'entreprise et de 24 078,55 euros HT au titre des études sous-traitées par elle, sommes auxquelles il convient d'ajouter le coût du poste des autres études externalisées prises en charge à hauteur de 60 461,16 euros HT ainsi que la somme de 30 000 euros correspondant au préjudice financier lié à l'obligation pour la requérante de souscrire un emprunt de trésorerie de 200 000 euros au mois d'août 2008 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 août 2012, présenté pour M. C... demeurant ... qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête ; à titre subsidiaire, au rejet des conclusions tendant à la condamnation in solidum formées à son encontre par la société Tonin ; à titre infiniment subsidiaire, à ce que seul le montant de 237 659,70 euros HT, au titre du préjudice subi par la société Tonin, soit retenu et que la société GECC AICC soit dans ce cas appelée à relever et garantir intégralement l'exposant des condamnations qui seraient susceptibles d'être prononcées à son encontre ; en tout état de cause, au rejet des frais irrépétibles réclamés par la société Tonin en tant que ceux-ci sont excessifs ; et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Tonin en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. C... soutient que :

- la requête est irrecevable par forclusion, au vu de la tardiveté du mémoire complémentaire de réclamation de la requérante, suivant de plus de trois mois le rejet de ses réclamations par le maître de l'ouvrage, en application des articles 50.21 et 50.31 du cahier des clauses administratives générales applicable ;

- subsidiairement, aucune condamnation solidaire ne saurait être prononcée à son encontre en l'absence de toute preuve d'une quelconque faute de sa part et en l'absence de démonstration d'un lien de causalité entre les fautes et le préjudice allégués ;

- à titre infiniment subsidiaire, si le Cour faisait droit aux demandes de l'entreprise requérante, le cabinet C...serait fondé à être garanti par la société GECC-AICC de toute condamnation prononcée à son encontre compte tenu des carences exclusives de cette dernière à la charge de laquelle incombaient les études que la société requérante se prévaut d'avoir pour sa part réalisées ;

- s'agissant du quantum des demandes de la société Tonin, la Cour ne saurait retenir que les chefs de préjudice initialement réclamés auprès de la personne responsable du marché sans tenir compte de la somme de 30 000 euros demandée en sus par la société Tonin au titre du préjudice financier que cette dernière estime avoir subi ;

- étant assujettie à la TVA, la société requérante ne peut se prévaloir de montants d'indemnisation calculés toutes taxes comprises ;

- la demande formulée par la société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présente un caractère manifestement excessif ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 octobre 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête pour irrecevabilité de celle-ci ; à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire du groupement composé par la société GECC-AICC et par M. C...à garantir totalement l'Etat des condamnations de toute nature qui seraient mises à sa charge ;

Le ministre de l'intérieur fait valoir que :

- la requête de la société Tonin est irrecevable faute d'être accompagnée de la décision juridictionnelle attaquée ;

- la requête de la société Tonin présentée à son encontre sur le terrain de la responsabilité contractuelle est irrecevable dès lors que les relations contractuelles entre l'entreprise et la préfecture ont pris fin lors de la réception des travaux ;

- la requête est également irrecevable par forclusion dès lors que la société requérante n'a pas saisi le Tribunal dans le délai de six mois à compter du rejet de sa réclamation tel que fixé par l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché de travaux en cause ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 novembre 2012, présenté pour la Sarl GECC-AICC, dont le siège social est 7 rue des Montagnes de Lans, Echirolles (38130), représentée par son gérant en exercice, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête pour irrecevabilité de celle-ci ; à titre subsidiaire, au rejet de l'ensemble des conclusions indemnitaires de la société Tonin ainsi que de sa demande d'expertise ; en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de la société Tonin une somme de 1 500 euros au titre des frais engagés, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens ;

La société GECC-AICC fait valoir que :

- à titre principal, la requête est irrecevable, par suite de tardiveté au regard du délai fixé par l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales et de la procédure de réclamation préalable définie par les articles 13.44 et 50.22 du cahier des clauses administratives générales applicable, s'agissant d'un litige entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur résultant de l'établissement du décompte général du marché ;

- à titre subsidiaire, la société Tonin, qui n'a aucun lien contractuel avec l'exposante, n'est pas fondée à rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de celle-ci en sa qualité de maître d'oeuvre, en l'absence de toute faute de sa part ; les plans d'exécution ont bien été réalisés par le bureau d'études et leur phase d'élaboration se devait d'être complétée d'une seconde phase découlant de l'avancement des plans de réservation à la charge du groupement titulaire du lot n° 17 ; le bureau d'études a été présent à toutes les réunions de chantier et n'a aucunement failli à ses missions ;

- en tout état de cause, la Société Tonin ne démontre aucunement l'existence d'un lien de causalité entre son préjudice et les manquements allégués de la maîtrise d'oeuvre ;

- le préjudice financier dont se prévaut la société requérante représente une dépense comprise dans son offre forfaitaire ; elle n'a eu à subir aucune surcharge de travail autre que celle résultant de sa propre capacité de production alors même qu'elle disposait de tous les éléments lors de l'appel d'offres et lors des différents avenants pour évaluer le coût de sa prestation ; le prêt de trésorerie allégué ne présente aucun lien de causalité avec les retards du chantier en cause ; la Société Tonin ne justifie en rien l'existence des sommes demandées ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 mai 2013, présenté pour M. C..., qui conclut aux mêmes fins que précédemment pour les mêmes motifs ;

Vu l'ordonnance en date du 16 janvier 2014 fixant la clôture d'instruction au 24 février 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 janvier 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, pour les mêmes motifs ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 février 2014, non communiqué, présenté pour M. C..., qui conclut aux mêmes fins que précédemment pour les mêmes motifs ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

Vu le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2014 :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant la société Tonin ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

1. Considérant que par un acte d'engagement signé le 24 novembre 2004, la société Tonin s'est vu confier par l'Etat la réalisation du lot n° 17 (chauffage-ventilation-rafraîchissement) relatif au marché de restructuration de la caserne Chabran à Avignon ; que d'importantes mises au point des phases d'exécution de ce marché se sont révélées nécessaires en début et tout au long du chantier ; que la Société Tonin a demandé l'indemnisation des surcoûts qu'elle aurait supportés du fait de ces charges supplémentaires ; qu'elle demande l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Nîmes du 29 mars 2012 qui a rejeté sa requête tendant à la condamnation in solidum de l'Etat, de la société GECC-AICC et du cabinet C...à lui payer une somme de 314 241,01 euros TTC en réparation des préjudices qu'elle allègue avoir subis dans le cadre de la réalisation du marché de restructuration de la caserne Chabran à Avignon ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'Etat :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux susvisé : " 50.1 - Intervention de la personne responsable du marché : 50.11 - Si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre, aux fins de transmission à la personne responsable du marché, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations. 50.12 - Après que ce mémoire a été transmis par le maître d'oeuvre, avec son avis, à la personne responsable du marché, celle-ci notifie ou fait notifier à l'entrepreneur sa proposition pour le règlement du différend, dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire de réclamation. L'absence de proposition dans ce délai équivaut à un rejet de la demande de l'entrepreneur. 50.2 - Intervention du maître de l'ouvrage : 50.21 - Lorsque l'entrepreneur n'accepte pas la proposition de la personne responsable du marché ou le rejet implicite de sa demande, il doit, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette proposition ou de l'expiration du délai de deux mois prévu au 12 du présent article, le faire connaître par écrit à la personne responsable du marché en lui faisant parvenir, le cas échéant, aux fins de transmission au maître de l'ouvrage, un mémoire complémentaire développant les raisons de son refus. 50.22 - Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. 50.23 - La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage. Si l'entrepreneur ne donne pas son accord à la décision ainsi prise, les modalités fixées par cette décision sont appliquées au titre du règlement provisoire du différend, le règlement définitif relevant des procédures décrites ci-après. 50.3 - Procédure contentieuse : 50-31 - Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché (...). " ;

3. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 13-41 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en cause : " Le maître de l'ouvrage établit le décompte général... ", qu'aux termes de l'article 13-42 : " Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service... " et qu'aux termes des stipulations de l'article 13-44 : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. / Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50 (...) " ;

4. Considérant qu'il appartient à l'entrepreneur qui a contesté le décompte général dans le délai de trente ou de quarante-cinq jours prévu à l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux à compter de la notification qui lui en a été faite et qui n'accepte pas la décision qui a été prise sur sa réclamation par le maître de l'ouvrage dans le délai de trois mois prévu à l'article 50-31 ou le refus implicite né du silence gardé par le maître de l'ouvrage au terme de ce délai, de saisir du litige le tribunal administratif compétent dans le délai de six mois prévu à l'article 50-32 à partir de la notification de cette décision ;

5. Considérant que s'il appartient au maître de l'ouvrage qui établit le décompte général d'y apposer sa signature et de le communiquer à l'entrepreneur sous forme d'un ordre de service, cette règle s'applique lorsqu'il incombe à la personne responsable du marché d'établir et de notifier un tel décompte général après avoir été mis en demeure de le faire par l'entrepreneur, préalablement à toute saisine du juge ; qu'il n'en est pas de même lorsque, comme en l'espèce, le maître de l'ouvrage a établi le décompte général du marché et qu'il est né de la contestation de celui-ci par l'entrepreneur un différend entre ce dernier et le maître de l'ouvrage au sens de l'article 50.22 précité du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, quand bien même le décompte n'aurait pas été notifié selon les formes régulières ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un courrier du 18 décembre 2007, la société Tonin a adressé au maître d'oeuvre un mémoire de réclamation d'un montant de 244 619,71 euros HT, soit 292 565,17 euros TTC, à raison de surcoûts qu'elle estimait avoir supportés par suite d'une insuffisance des plans d'exécution des ouvrages qu'il appartenait aux membres du groupement d'architectes de réaliser ; que la société Tonin a ensuite transmis au maître d'oeuvre, le 28 février 2008, le projet de décompte final du lot n° 17 comprenant les sommes déjà réclamées par le mémoire du 18 décembre 2007 ; qu'après rectification de ce projet de décompte par le maître d'oeuvre, la personne responsable du marché a signé, le 21 avril 2008, le décompte général et l'a notifié à l'entreprise ; que la société requérante a retourné, le 23 juin 2008 au maître d'oeuvre, le décompte final signé avec réserves ; que la société Tonin a accompagné ses réserves d'un mémoire de réclamation relatif aux études supplémentaires prises par elle en charge et aux incidences financières découlant de ce surcroît de travail ; que dès lors que le maître d'ouvrage avait notifié par un courrier daté du 15 juillet 2008 sa décision de rejet de ces réclamations, la société Tonin disposait alors en application des stipulations précitées de l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales susvisé, d'un délai de six mois à compter de la réception de ce courrier de rejet pour saisir le tribunal administratif, soit jusqu'au 22 février 2009 ; que la requête de la société Tonin n'a toutefois été enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Nîmes que le 20 avril 2010 ; que l'envoi par la société d'un mémoire complémentaire au maître d'ouvrage le 20 octobre 2008 est sans incidence sur la forclusion résultant du non respect du délai sus mentionné ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Tonin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions dirigées contre l'Etat en qualité de maître d'ouvrage, au motif que celles-ci étaient tardives et par suite irrecevables ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la maîtrise d'oeuvre constituée par le cabinet C...et par la société GECC-AICC :

Quant à la compétence de la juridiction administrative :

8. Considérant que le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé ; qu'il ne ressort pas de l'instruction, et qu'il n'est ni soutenu ni même allégué, que la société Tonin serait liée à la société GECC-AICC ou au cabinet C...par un contrat de droit privé ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient la société GECC-AICC, la juridiction administrative est compétente pour statuer sur les conclusions que la société requérante présente à leur encontre sur le fondement de leur responsabilité quasi-délictuelle au titre de leur participation aux travaux du lot n° 17 "Chauffage, ventilation, rafraichissement" du marché de restructuration de la caserne Chabran à Avignon ;

Quant à la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre :

9. Considérant que la circonstance que l'agissement d'un constructeur puisse s'analyser comme une faute contractuelle dans le cadre des relations entre ce constructeur et le maître d'ouvrage n'empêche pas le participant, victime du dommage, quand bien même aurait-il été forclos dans sa demande dirigée contre le maître d'ouvrage, de rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de ce constructeur ; que c'est par suite, à tort, que le Tribunal administratif de Nîmes a jugé que les conclusions de la société Tonin aux fins de l'indemnisation des surcoûts et préjudices financiers résultant des travaux d'études supplémentaires qu'elle estime avoir dû réaliser par suite de défaillances du maître d'oeuvre dans sa mission d'exécution dirigées contre ce dernier étaient irrecevables et ne pouvaient qu'être rejetées ;

10. Considérant qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions présentées par la Société Tonin devant le Tribunal administratif de Nîmes, tendant à la condamnation in solidum de la société GECC-AICC et du cabinet C...en leur qualité de maîtres d'oeuvre du projet de restructuration de la caserne Chabran à Avignon à lui payer une somme de 314 241,01 euros TTC en réparation des préjudices subis dans le cadre de la réalisation des travaux du lot n° 17 "Chauffage, ventilation, rafraichissement" dudit marché ;

11. Considérant, d'une part, que la société Tonin soutient que le bureau d'études GECC-AICC qui devait assurer la mission de bureau d'études techniques " Fluides " a failli à sa mission de réalisation des plans d'exécution en se contentant de remettre aux entreprises intervenant sur le chantier les plans de l'appel d'offre renommés " plans d'exécution ", ce qui a nécessité de la part de la requérante une mise au point de l'ensemble de ces plans en accord avec l'architecte, M.C..., ceci afin d'éviter un retard de chantier important ; que cette société a également failli à sa mission de suivi du chantier faute d'y consacrer ses moyens, en particulier s'agissant de la question de la gestion des fluides pour laquelle elle ne s'est aucunement impliquée ; que la société Tonin fait valoir qu'elle a été ainsi dans l'obligation de réaliser 117 plans d'exécution des travaux tandis que le bureau d'études GECC-AICC n'en a réalisé qu'une trentaine, lesquels plans étaient au demeurant inexploitables par l'entreprise ; que le bureau d'études GECC-AICC conteste toute faute de sa part et fait valoir que la réalisation des plans et études d'exécution devait se faire en deux phases, l'une avant l'appel d'offres et l'autre au fur et à mesure de l'avancement du choix du matériel proposé par les entreprises et des validations prononcées par la maîtrise d'oeuvre ainsi que le veulent les pratiques usuelles, qu'aucun reproche ne lui aurait été communiqué au cours du chantier et que la réalisation des plans de réservation dans les parois et les murs ainsi que la rédaction des plans de chantier étaient à la charge des entreprises ;

12. Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction et notamment d'une lettre que

M. C...a adressé au préfet de Vaucluse, le 8 août 2008, que le bureau d'études GECC-AICC a effectivement manqué à ses obligations tout au long du déroulement des travaux au point que l'hypothèse d'une résiliation en cours de chantier de son marché de maîtrise d'oeuvre associée, en conséquence du faible investissement de ce bureau dans le suivi des travaux, avait été envisagée ; que la réalité des défaillances du bureau d'études GECC-AICC dans la réalisation des études d'exécution lui incombant, notamment la celle consistant à s'être borné à renommer les plans du dossier de consultation sans y apporter les modifications nécessaires, ce qui a conduit l'entreprise Tonin à devoir assurer des prestations qu'il ne lui appartenait pas normalement de prendre en charge, est ainsi établie ; que ces manquements sont, par suite, de nature à engager la responsabilité quasi-délictuelle du bureau d'études ; que la société Tonin est, dès lors, fondée à demander la condamnation de la maîtrise d'oeuvre constituée par la société GECC-AICC à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

13. Considérant, d'autre part, que la société Tonin soutient que l'architecte de l'opération, M.C..., malgré son soutien tardif à l'entreprise, doit également être regardé comme responsable dès lors qu'il doit répondre des négligences de son cotraitant, le bureau d'études GECC-AICC, et qu'il lui appartenait de faire régulariser par le maître d'ouvrage les marchés des différents intervenants s'agissant de la réalisation des études d'exécution en cause ainsi que de prendre des mesures nécessaires devant les carences de son cotraitant dès le stade des réunions préparatoires, ce qu'il n'aurait pas fait ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction que M.C..., qui a pris, en lien avec la société requérante, les mesures nécessaires pour pallier les carences du bureau d'étude, aurait commis dans l'exercice de sa mission des fautes de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle vis-à-vis de la société Tonin ; que celle-ci n'est dès lors pas fondée à demander la condamnation du M. C...à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

14. Considérant par suite, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire, que la société Tonin est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 29 mars 2012, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre le cabinet GECC-AICC ;

En ce qui concerne le montant du préjudice subi :

15. Considérant, d'une part, qu'il ressort de l'instruction que le montant des prestations dont la réalisation incombait au bureau GECC-AICC mais qui ont dû être effectuées par la société Tonin, directement ou indirectement, a été évalué à la somme non sérieusement contredite de 178 010,55 euros HT ; qu'en revanche, la société Tonin ne justifie pas la somme complémentaire de 60 461,16 euros HT qu'elle demande, correspondant selon elle au coût d'études externalisées pour faire face à sa charge indue de travail ;

16. Considérant, d'autre part, que si la société Tonin, soutient qu'elle a dû également supporter des frais financiers à hauteur de 30 000 euros correspondant au coût d'un emprunt de trésorerie d'un montant de 200 000 euros souscrit par elle en août 2008, elle n'établit pas le lien existant entre le besoin pour elle de souscrire cet emprunt et l'obligation qui a été la sienne de réaliser elle-même les prestations non exécutées par le bureau GECC-AICC ; qu'elle établit, par contre, la réalité des frais financiers d'un montant de 26 000 euros HT correspondant au découvert de trésorerie dont elle a été momentanément victime, imputable aux manquements du bureau d'études GECC-AICC ; que la société Tonin est dès lors seulement fondée à demander que le bureau d'études GECC-AICC soit condamné à lui payer la somme de 204 010,55 euros HT ;

Sur les appels en garantie :

17. Considérant, en premier lieu, que le ministre de l'intérieur demande à être garanti par la société GECC-AICC et par M. C...des condamnations de toute nature qui pourraient être mises à sa charge ; que les conclusions de la société Tonin dirigées contre l'Etat en sa qualité de maître d'ouvrage ont été rejetées ; que les conclusions d'appel en garantie formulées par l'Etat sont par suite sans objet ;

18. Considérant, en second lieu, que M. C...demande à être garanti par la société GECC-AICC des condamnations de toute nature qui pourraient être mises à sa charge ; que les conclusions de la société Tonin dirigées contre M. C...en sa qualité de maître d'oeuvre ont été rejetées ; que les conclusions d'appel en garantie formulées par M. C...sont par suite sans objet ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Tonin qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées par la société GECC-AICC au titre des frais engagés et non compris dans les dépens ;

20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et du cabinet C...qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, les sommes demandées par la société Tonin au titre des frais engagés et non compris dans les dépens ;

21. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société GECC-AICC, une somme de 2 000 euros à verser à la société Tonin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1001025 du Tribunal administratif de Nîmes du 29 mars 2012 en tant qu'il a rejeté la demande de la société Tonin tendant à la condamnation de la société GECC-AICC à lui payer une somme en réparation des préjudices subis dans le cadre de la réalisation des travaux du lot n° 17 du marché de restructuration de la Caserne Chabran à Avignon est annulé.

Article 2 : La société GECC-AICC est condamnée à verser à la société Tonin la

somme de 204 010,55 euros HT en réparation des préjudices subis dans le cadre de la réalisation des travaux du lot n° 17 du marché de restructuration de la Caserne Chabran à Avignon.

Article 3 : La société GECC-AICC versera à la société Tonin une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Tonin, au ministre de l'intérieur, à M. B... C...et à la société GECC-AICC.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2014 à laquelle siégeaient :

M. Wyss, président de chambre,

M. Gazagnes, président-assesseur,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur.

Lu en audience publique, le 15 mai 2014.

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N° 12LY22256


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